Les sakura en fleurs

Tour du monde à vélo

Dossier : ExpressionsMagazine N°738 Octobre 2018
Par Anne-Flore PERRIN (07)
Par Martin PERRIN (07)

Épisode 6 : Derniers tours de roues en Corée et au Japon

Épisode 1 : de la Turquie à l’Iran

Épisode 2 : les républiques en ‑stan

Épisode 3 : De l’Empire du milieu au Tibet historique

Épisode 4 : Laos, Thaï­lande, Malaisie

Épisode 5 : La Nou­velle- Zélande, plus à l’Est, retour vers l’Occident


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Les pra­lines en vadrouille

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Début févri­er 2018, Christchurch, Nou­velle-Zélande. Nous savourons nos derniers moments d’été en t‑shirt en train de déguster une petite bière locale au soleil et en partageant un burg­er mai­son avec nos hôtes. Une page se tourne. Lorsque notre Boe­ing 777 décolle de la piste de Christchurch, nous ressen­tons une grosse exci­ta­tion de bien­tôt retrou­ver l’Asie.

Han-guk, le bien nommé pays du matin frais

À notre arrivée à Séoul, l’aéroport est décoré pour l’arrivée des ath­lètes des JO d’hiver. Mais après un high five avec les deux mas­cottes des JO et JO par­a­lympiques nous sommes rapi­de­ment refroidis par la météo. En effet, une vague de froid s’abat sur la Corée et il fait ‑12 °C à Séoul.

Heureuse­ment Vic­tor, le meilleur ami de Mar­tin, nous rejoint dans quelques jours pour rouler avec nous en Corée. Il nous rap­porte quelques affaires chaudes sup­plé­men­taires, et du fro­mage, quel régal ! Mais avant, nous retrou­vons des Coréens que nous avions hébergés à Paris lorsqu’ils avaient fait leur tour d’Europe à vélo. Ils nous font décou­vrir le bar­be­cue coréen, les alcools de riz (mak­ge­ol­li) et le kim­chi, fameux chou fer­men­té épicé coréen.

Camping sauvage
Camp­ing sauvage avec Vic­tor, le long d’une des nom­breuses voies vélos du pays.
Il fait très froid en Corée, cette nuit il fera ‑15 °C !

Au sauna pour suivre les JO d’hiver

Avec Vic­tor, nous prof­i­tons des pistes cyclables qui ­sil­lon­nent le pays. Après une pre­mière nuit à ‑15 °C sous la tente, Anne-Flo­re a de la fièvre et nous pas­sons quelques jours dans un jimjil­bang, sauna coréen où il y a aus­si des salles com­munes pour dormir. Cette expéri­ence nous a per­mis une rapi­de immer­sion dans la cul­ture coréenne. Tout le monde se rend au jimjil­bang : les jeunes entre amis, les familles, les per­son­nes âgées, et à toute heure de la nuit. Et pourquoi ne pas pass­er la fin de soirée aux alen­tours de 3 heures du matin au sauna entre amis nous direz-vous ? En groupe (hommes et femmes séparés), les gens se frot­tent le dos, papo­tent dans les bains chauds et les saunas. Ce sont les JO en ce moment, et la télévi­sion coréenne passe en boucle les exploits de leurs patineurs de vitesse – dis­ci­pline phare en Corée. On vibre donc dans les saunas, dans les ves­ti­aires, dans les épiceries et chez nos hôtes au rythme de l’équipe nationale de pati­nage. Un autre sujet pas­sionne les Coréens en ce moment : le déplace­ment de la délé­ga­tion nord-coréenne et le « réchauf­fe­ment » entre les deux pays qui sem­ble divis­er la pop­u­la­tion… Reportages, et inter­views en boucle sur le sujet entre les directs.

Puissance économique du dragon et chaleur de l’accueil

Ayant repris des forces, nous nous diri­geons vers le sud, tou­jours sur une piste cyclable, au calme, le long de la riv­ière. Dans les villes coréennes, les con­struc­tions ultra­mod­ernes pré­domi­nent. Il n’est pas rare pour les empires LG ou Sam­sung de ras­er un quarti­er entier pour y con­stru­ire ensuite de grands immeubles austères. Nous apprenons en effet, qu’ils ne pro­duisent pas que des smart­phones. Ici en Corée, ce sont des énormes con­sor­tiums. Nous n’aurons donc pas de coup de cœur archi­tec­tur­al en Corée, et les paysages gris de l’hiver ren­dent l’atmosphère très mélan­col­ique. Nous serons par con­tre mar­qués par la gen­til­lesse des gens, par l’influence de la cul­ture améri­caine et par la sim­plic­ité qu’ont les gens à venir échang­er avec nous. Ce qui sera d’autant plus mar­quant avec le con­traste des prochaines semaines au Japon…

Amoureux du Japon

La grande ville por­tu­aire de Busan sera notre ter­mi­nus en Corée. Nous y prenons un fer­ry pour Fukuo­ka, sur l’île de Kyushu au Japon. Là, nous entrons dans un nou­veau monde. Nous roulons à nou­veau à gauche et décou­vrons la cul­ture japon­aise. Chaque coin de rue a un charme fou et les tem­ples en bois sont superbes. Tout est déli­cat et pen­sé dans le moin­dre détail. Nous tombons amoureux rapidement…

Très vite dans le bain

Nous avons beau­coup de chance car les con­di­tions cli­ma­tiques un peu déli­cates sur l’île de Kyushu nous ont per­mis de ren­con­tr­er plusieurs familles japon­ais­es qui nous accueil­lent chez elles. À chaque fois, nous apprenons beau­coup sur la cul­ture japon­aise. Celle du bain par exem­ple. Au Japon, nos hôtes nous pro­posent dès notre arrivée chez eux de pren­dre un bain. Dans la salle d’eau, une douche et une baig­noire. L’eau du bain est gardée plusieurs jours, util­isée par toute la famille qui prend une douche avant de prof­iter du bain.

Nous décou­vrons aus­si le petit-déje­uner japon­ais avec la soupe miso, le riz et le pois­son, idéal pour les cyclistes. Les Japon­ais nous éton­nent par leur accueil. On nous les avait décrits froids et réservés, alors qu’une fois passé le pas de la porte, nous avons l’impression de faire par­tie de la famille. Google trans­late fonc­tionne assez bien entre anglais et japon­ais, et nous arrivons tou­jours à échang­er avec nos hôtes, même s’ils ne par­lent pas anglais. Nous ren­con­trons des familles de pêcheurs, d’agriculteurs. C’est ça aus­si le voy­age à vélo, ren­con­tr­er des per­son­nes que nous ne ren­con­tre­ri­ons jamais dans notre vie quotidienne.

Séance biberon pour les deux jumeaux affamés
Quand nous sommes invités, nous essayons tou­jours de don­ner un coup de main.
Ce soir, c’est séance biberon pour les deux jumeaux affamés.

Bienfaisante hospitalité nippone

Après l’île de Kyushu, nous pas­sons sur l’île de Shikoku, célèbre pour ses tem­ples et pèleri­nages. Le Japon n’a pas fini de nous sur­pren­dre. Des auto­mo­bilistes s’arrêtent pour nous offrir du thé glacé et des sucreries ; un vieux mon­sieur croisé en mon­tagne fait un aller-retour en scoot­er pour aller nous chercher des cafés et nous les offre avec un grand sourire ; sur un park­ing un mon­sieur nous ouvre grand son cof­fre pour que nous choi­sis­sions une bouteille de rouge en apprenant que nous sommes français. Nous n’avons jamais l’impression d’être trans­par­ents, comme en Nou­velle-Zélande où nous pou­vions nous sen­tir seuls dans les moments dif­fi­ciles. Au Japon, s’il pleut, les gens nous font de grands sourires, nous deman­dent com­ment nous allons et ce qu’ils pour­raient faire pour nous.

Le temps des sakura

C’est aus­si le début du print­emps et les cerisiers en fleurs font leur appari­tion. Les Japon­ais en sont fous et sont adeptes des séances de self­ie au milieu des cerisiers : les fameux saku­ra. On a de la chance, on roule vers le nord à la même vitesse que les saku­ra en fleurs.

Nous pas­sons sur l’île prin­ci­pale de Hon­shu. Dans les grandes villes et les zones très urban­isées, nous n’avons mal­heureuse­ment pas les mêmes con­tacts avec les Japon­ais mais nous décou­vrons de mag­nifiques tem­ples comme à Nara, ou Kyoto. Kyoto et ses tem­ples à la péri­ode des cerisiers en fleurs res­teront gravés dans nos mémoires. Nous avons l’impression d’être dans une carte postale, dans le Japon rêvé, tant l’architecture est par­faite dans les moin­dres détails.

Le Kinkaku-ji, temple impérial à Kyoto
Le Kinkaku-ji, tem­ple impér­i­al à Kyoto.

Entraide et nouilles chaudes contre neige et pluie

Les mon­tagnes nous man­quent, nous voulons ensuite rouler dans les Alpes japon­ais­es plus au nord, mais nous nous trou­vons face à de nom­breux cols fer­més en ce mois d’avril où il fait encore froid en alti­tude. Nous avons du mal à avoir les ren­seigne­ments en amont, car sou­vent les gens préfèrent nous don­ner de fauss­es indi­ca­tions que de ne pas nous en don­ner du tout. Les change­ments d’itinéraire sont fréquents. Neige et pluie sont au ren­dez-vous. Mais comme sou­vent pen­dant ce voy­age, ces con­di­tions plus dif­fi­ciles sont pré­textes à de belles ren­con­tres humaines, et nous pas­sons de très agréables moments dans des familles qui nous ouvrent chaleureuse­ment leurs portes, ou chez Masa qui a voy­agé six ans à tra­vers le monde en moto, et qui est venu naturelle­ment vers nous sur un park­ing de super­marché pour nous pro­pos­er de nous accueil­lir chez lui. Au Japon, nous avons passé beau­coup de temps sur les park­ings de super­marché à manger nos nouilles chaudes bon marché. Il est en effet pos­si­ble de se « régaler » pour 2 € par per­son­ne au Japon dans les kon­bi­ni, sorte d’épicerie ouverte 24 h/24 !

Nous tombons encore sous le charme des tem­ples japon­ais à Nikko où nous prof­i­tons aus­si d’un onsen pub­lic, bain chaud japon­ais. Bien dif­férent de la ver­sion coréenne, il est plus exigu. Les Japon­ais y sont bien plus pudiques et dis­crets que leurs voisins coréens, dont la cul­ture nous a sem­blé un équili­bre entre la Chine et le Japon.

Voyage au bout de soi-même

Nous redescen­dons après un dernier col vers Tokyo, la route se den­si­fie, les tem­péra­tures explosent en quelques kilo­mètres. Après avoir eu de la neige dans les mon­tagnes, Tokyo baigne déjà dans un début d’été bien chaud. Une dernière nuit de camp­ing sauvage, un dernier petit-déje­uner dans un parc et d’autres « derniers moments » suiv­ent, avant de retrou­ver Héloïse, la cou­sine d’Anne-Flore, qui nous accueille chez elle à Tokyo pour les derniers jours de cette année d’escapade. Nous pré­parons nos vélos pour le tra­jet de retour en avion, et nous nous sen­tons entre deux eaux. Nous avons pris le temps de beau­coup dis­cuter tous les deux ces dernières semaines pour partager nos ressen­tis sur le retour, mais cette fois, il est tout proche. À l’arrivée à Paris, familles et amis nous accueil­lent et nous parta­geons un bon apéro à la française avant de retrou­ver notre apparte­ment. C’est la fin d’une année qui nous a per­mis de pren­dre le temps d’être ensem­ble, de réfléchir, de pren­dre le temps de la ren­con­tre des autres. Nous nous sen­tons plus légers, heureux et plus sere­ins après tout ce chemin par­cou­ru, géo­graphique­ment mais aus­si intérieurement.

Sakura

Mer­ci à Anne-Flo­re et Mar­tin de nous avoir fait partager avec sim­plic­ité et authen­tic­ité leur expéri­ence de déracin­e­ment et de con­fronta­tion aux autres et à soi-même par le biais du voy­age et du sport.
Si toi aus­si, tu pro­jettes de vivre ou as vécu un road trip, un trek, un tour du monde à voile, à rollers ou à vélo, d’une semaine, d’un mois ou d’un an, sol­idaire, écologique ou sportif, n’hésite pas à con­tac­ter
La Jaune et la Rouge pour en faire le réc­it à tes camarades.

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