Jour de pluie dans la vieille de ville de Lijiang, Yunnan, Chine.

Tour du monde à vélo

Dossier : ExpressionsMagazine N°735 Mai 2018
Par Martin PERRIN (07)
Par Anne-Flore PERRIN (07)

Épisode 3 : de l’Empire du milieu au Tibet historique

Suite des aven­tures cyclistes de nos cama­rades Anne-Flore (2007) et Mar­tin Per­rin (2007) , à la décou­verte de la Chine et de ses sai­sis­sants contrastes, en pas­sant par le Tibet his­to­rique. Moder­ni­té et tra­di­tions, aga­ce­ments et fous rires, une tra­ver­sée riche en sur­prises et par­fois déroutante.

Épi­sode 1 : de la Tur­quie à l’Iran

Épi­sode 2 : les répu­bliques en ‑stan


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Nous vous avions lais­sés au Kaza­khs­tan, alors que nous nous apprê­tions à pas­ser la fron­tière chi­noise. Le contraste est fort entre les deux pays : côté kazakh, nous tra­ver­sons un vil­lage sans trot­toir avec de nom­breuses mai­sons aban­don­nées, le chant d’un imam reten­tit. Côté chi­nois, nous aper­ce­vons au loin un bal­let de grues et les bâti­ments du poste fron­tière sont flam­bant neufs.

Tribulations administratives chinoises

Le visa chi­nois a été très dif­fi­cile à obte­nir. Alors, quand les doua­niers font de drôles de têtes en trai­tant nos pas­se­ports, appe­lant leurs supé­rieurs à maintes reprises, nous sommes un peu inquiets.

Mais le seul pro­blème est que nos noms et pré­noms sont trop longs pour les cases de leurs for­mu­laires…! D’ailleurs ce pro­blème se répé­te­ra à maintes reprises pour réser­ver des billets de train ou enre­gis­trer notre pas­sage dans un hôtel.

Chocs culturels

Après le pas­sage de la fron­tière, nous arri­vons dans une ville qui nous semble immense, avec ses allées à cinq voies, ses lam­pa­daires dorés et nom­breux par­terres de fleurs, ses immenses ronds-points avec des agents en cos­tume qui y font la cir­cu­la­tion. La ville avait la taille d’un vil­lage sur notre GPS et se révèle de grande taille.

Bien­ve­nue en Chine ! Ici les routes évo­luent si vite que même les appli­ca­tions GPS sur smart­phone n’arrivent pas à suivre !

Ce qui nous frappe dès notre arri­vée, c’est le bruit per­ma­nent qui est la norme. Dans les res­tau­rants, les nouilles sont ava­lées à grand ren­fort de slurp, et hommes et femmes rotent dans l’indifférence la plus totale de leurs voisins.

Étape en train au milieu de l’Empire

Nous rou­lons deux jours pour atteindre Yining, où nous pren­drons le train pour Gol­mud (via deux cor­res­pon­dances, une nuit dans un train, et pas moins de 3 000 km par­cou­rus). Nous rou­le­rons dans les pro­vinces du Qin­ghai puis Sichuan et Yun­nan. Ces régions de l’ouest de la Chine sont bien moins den­sé­ment peu­plées que l’Est et ses immenses mégalopoles.

Nous aurions aimé pas­ser plus de temps en Chine mais notre visa de 30 jours renou­ve­lable une seule fois ne nous per­met pas de tra­ver­ser tout le pays à vélo. Nous sou­hai­tons aus­si rou­ler sur le pla­teau tibé­tain et l’altitude y étant sou­vent supé­rieure à 4000 m, nous ne sou­hai­tons pas y arri­ver début sep­tembre pour ne pas subir de tem­pé­ra­tures trop difficiles.

Par rap­port à l’image de la Chine en Occi­dent, nous avons été impres­sion­nés par les champs d’éoliennes et de pan­neaux solaires que nous avons vus depuis le train. Les Chi­nois mettent clai­re­ment l’accent sur le déve­lop­pe­ment des éner­gies propres.

Le Tibet historique

Nous n’avons pas pu nous rendre dans la région auto­nome du Tibet. Pour les étran­gers, il faut être accom­pa­gné d’un guide qui coûte plu­sieurs cen­taines d’euros la jour­née et le cir­cuit se limite sou­vent à Lhas­sa et ses alen­tours. Autant dire que s’y rendre en indi­vi­duel à vélo est un doux rêve.

“Ici les routes évoluent si vite que même les applications GPS sur smartphone n’arrivent pas à suivre!”

En revanche, une par­tie des pro­vinces du Qin­ghai, du Sichuan et du Yun­nan est à popu­la­tion tibé­taine d’où les appel­la­tions « Tibet his­to­rique » ou « Grand Tibet » uti­li­sées par les tibé­to­logues et le gou­ver­ne­ment tibé­tain en exil.

Nous ren­con­trons, dès nos pre­miers jours de vélo sur le pla­teau, beau­coup de Tibé­tains. La météo, un peu dif­fi­cile au départ avec de la neige et de la pluie, a faci­li­té les ren­contres, les familles nous invi­tant faci­le­ment à man­ger ou dor­mir chez eux, à boire un thé au beurre de yack pour nous réchauffer.

Confort sommaire mais connecté

Intérieur chinois
Intérieur tibétain

Nous pas­sons des soi­rées à rire en pro­non­çant cha­cun notre tour les noms des dif­fé­rents objets qui nous entourent dans la langue de cha­cun, et en essayant de répé­ter le mot dans la langue de l’autre.

La nour­ri­ture sur le pla­teau tibé­tain est très simple : du thé, de la farine d’orge grillée à laquelle sont ajou­tés du thé et du beurre de yack pour for­mer des boules (c’est la tsam­pa), du beurre et du lait de yack, et des bei­gnets ou pains vapeur.

Cer­taines infra­struc­tures vont moins vite que la tech­no­lo­gie : au Tibet, les toi­lettes sont « au fond du jar­din » sans eau cou­rante, mais tout le monde a un smart­phone avec cou­ver­ture 4G et nous trou­vions par­tout des réseaux wifi.

Dans les mai­sons, l’eau cou­rante est rare­ment pré­sente et, sou­vent, seule la rivière proche apporte l’eau. Cela contraste beau­coup avec l’état des routes : un asphalte par­fait ! On aurait pu rou­ler en vélo de route dans cette zone.

Diplomatie asiatique

Une des dif­fi­cul­tés alors que nous sommes tou­jours dans la zone (immense) du Tibet his­to­rique est le renou­vel­le­ment de notre visa. Plu­sieurs fois les poli­ciers nous diront que l’on peut renou­ve­ler notre visa dans telle ou telle ville sur notre pas­sage mais sans succès.

“Pas d’eau courante, mais nous trouvions partout des réseaux wifi”

Après un pre­mier éner­ve­ment, nous com­pre­nons qu’ils ont trans­for­mé la réa­li­té pour ne pas nous expri­mer un refus de manière directe. D’ailleurs ils sont vrai­ment déso­lés pour nous et nous accom­pagnent à la gare de bus pour nous aider à prendre nos billets pour la ville de Kang­ding où nous pour­rons renou­ve­ler le pré­cieux sésame.

En France, on ne nous aurait jamais « men­ti » sur les pos­si­bi­li­tés de renou­vel­le­ment dans telle ou telle ville mais jamais un poli­cier n’aurait fait l’aller-retour à la gare pour nous aider à prendre des billets de bus. La Chine est vrai­ment débous­so­lante : nos repères habi­tuels sont brouillés !

Fous rires chinois

Ici, nous sommes dans un autre monde, un nou­veau monde. Les Chi­nois nous demandent rare­ment notre iti­né­raire avant d’être entrés en Chine mais sont très curieux des régions que nous avons tra­ver­sées au sein de la Chine. Nous met­tons tou­jours un peu de temps à faire com­prendre que nous ne par­lons pas chi­nois : après un mou­ve­ment de tête com­pré­hen­sif, notre inter­lo­cu­teur nous quitte rapi­de­ment l’air d’avoir une bonne idée en tête.

Il revient quelques minutes plus tard avec une feuille sur laquelle est écrit, en carac­tères chi­nois, ce qu’il vou­lait nous dire. La meilleure solu­tion que nous avons trou­vée ensuite est d’écrire « Ceci est notre alpha­bet » sous la phrase en chi­nois, ce qui ne man­quait pas de don­ner un long fou rire à notre inter­lo­cu­teur pas­sant ensuite le papier à tous ses voi­sins, riant de bon cœur eux aussi !

Nous ne comp­tons plus le nombre de fois où cela nous est arrivé !

Route de la soie, col au Sichouan

Un vrai génie civil

Dans le Yun­nan, nous décou­vrons la ville « his­to­rique » de Lijiang, un bon exemple de centre tou­ris­tique à la chi­noise. Le centre-ville a été entiè­re­ment refait dans la plus pure tra­di­tion archi­tec­tu­rale, ce qui est assez sur­pre­nant pour nous. En France, aujourd’hui, il est plus usuel de réha­bi­li­ter ou res­tau­rer mais pas de démo­lir pour recons­truire à neuf.

L’avantage de la solu­tion chi­noise est que leurs arti­sans ont conser­vé les savoir-faire de la construc­tion, entre autres un tra­vail du bois très délicat.

Du thé du meilleur cru

Au fur et à mesure que nous pro­gres­sons dans le Yun­nan, la forêt se fait plus dense et humide : nous sen­tons que nous nous appro­chons de l’Asie du Sud-Est. Nous arri­vons dans la région de Pu’erh, où sont fabri­quées les galettes de thé Pu’erh.

Pré­pa­rées de cette façon, les galettes de thé peuvent être conser­vées plu­sieurs années, le thé mûrit. Et comme le vin, son coût aug­mente avec le temps. Le thé Pu’erh a un arôme de sous-bois et de cave très caractéristique.

Nous quit­tons avec regret la Chine pour le Laos, où les Chi­nois sont tout de même bien pré­sents : dès qu’il y a du génie civil en cours de construc­tion (en par­ti­cu­lier des bar­rages ou le réseau fer­ré), ce sont les entre­prises chi­noises qui sont à l’œuvre.

Gorges du saut du tigre, Yunnan, Chine.
Gorges du saut du tigre, Yun­nan, Chine.

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