Découverte du Caucase en vélo avec la Géorgie.

Tour du monde à vélo

Dossier : ExpressionsMagazine N°733 Mars 2018
Par Anne-Flore PERRIN (07)
Par Martin PERRIN (07)

Épisode 1 : la route de la soie, de la Turquie à l’Iran

Pas­sion­nés de voyages nature, après du kayak au Sval­bard (Nor­vège), plu­sieurs road trips en Islande et voyages en France à vélo, Anne-Flore (2007) et Mar­tin Per­rin (2007) se sont lan­cés en 2017 pour un tour du monde à vélo sur les traces de la route de la soie.

Der­rière le défi spor­tif se cache le besoin de décou­vrir le monde et sa com­plexi­té, de ren­con­trer sa riche diver­si­té humaine et cultu­relle. Mais pour Anne-Flore et Mar­tin, il s’agit aus­si de rompre avec un emploi du temps sur­char­gé et de se retrou­ver en couple pour don­ner un cap à leur vie. Iti­né­raire d’une quête de sens à deux.


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Mercre­di 5 avril 2017, 23 h 10. Allon­gés dans nos sacs de cou­chage, nous contem­plons le grand saut en avant que nous pré­pa­rons conscien­cieu­se­ment depuis des mois. Nos deux vélos sont dans des car­tons dans l’entrée de notre appar­te­ment, avec nos quelques sacoches.

Demain matin aux aurores, nous pre­nons l’avion pour Erzu­rum en Tur­quie. Nos pre­miers mois de voyage nous mène­ront sur les traces de la route de la Soie à tra­vers le Cau­case, l’Iran, les pays de l’ex-bloc sovié­tique en ‑stan (Turk­mé­nis­tan, Ouz­bé­kis­tan, Tad­ji­kis­tan, Kir­ghi­zis­tan, Kaza­khs­tan) puis en Chine.

RETOUR EN SELLE

Le quo­ti­dien à vélo qui nous attend pen­dant cette année d’aventure, on le connaît un peu. Nous avons déjà tra­ver­sé l’Europe en tan­dem pour rejoindre Anka­ra en Tur­quie depuis notre petit appar­te­ment pari­sien. Cette fois-ci cepen­dant, l’inconnu est plus grand, tant cultu­rel­le­ment, que sur les reliefs et pay­sages traversés.

Dès les pre­miers jours, nous retrou­vons l’autonomie et la liber­té que nous appré­cions tant. Avec notre réchaud et notre tente nous pou­vons man­ger et dor­mir où et quand nous le sou­hai­tons, ce qui ne nous empêche pas de pro­fi­ter éga­le­ment de quelques nuits dans un bon lit et de dégus­ter les spé­cia­li­tés locales dans les restaurants.

DU PAIN, DES OLIVES, DU FROMAGE ET DU THÉ

La Tur­quie nous éblouit de nou­veau par son incroyable hos­pi­ta­li­té. Dès notre pre­mier jour, alors que nous met­tons nos gore­tex pour parer à une petite pluie, nous sommes invi­tés au fond d’un garage, où s’affairent les méca­nos, à par­ta­ger le déjeu­ner avec plu­sieurs d’entre eux.

Le repas est simple : du pain, des olives, du fro­mage ser­vis sur du papier jour­nal. Ils sont accom­pa­gnés, bien sûr, par le tra­di­tion­nel thé turc, dont l’infusion puis­sante est géné­ra­le­ment cal­mée par plu­sieurs mor­ceaux de sucre.

Nous échan­geons quelques mots, et sur­tout beau­coup de sou­rires. C’est pour ce type de ren­contre humaine natu­relle et authen­tique que nous appré­cions tant le voyage à vélo. Nos vélos sont nos meilleurs alliés, ils attirent la curio­si­té des habi­tants et servent de pré­texte à la rencontre.

LEÇON D’HOSPITALITÉ TURQUE

Cette région au nord-est de la Tur­quie est assez recu­lée, c’est encore l’hiver et des chutes de neige freinent notre pro­gres­sion. Alors que nous appro­chons du lac Çil­dir, nous nous arrê­tons dans une mos­quée pour nous abriter.

Deux hommes ado­rables nous abordent et nous emmènent nous réchauf­fer autour du poêle. Puis l’un d’eux nous fait com­prendre par mimes qu’il nous invite à déjeu­ner chez lui. C’est tout au bout du vil­lage, un sol de terre, un poêle. Sa femme nous accueille avec un large sou­rire, et ils nous ins­tallent devant leur table à manger.

Une soupe simple, du boul­gour, un peu de canard. Elle s’assure que nous ne man­quons de rien. Nous leur mon­trons notre pro­jet de par­cours sur une carte, la com­mu­ni­ca­tion est facile par mimes. Alors que nous repar­tons, la femme craint qu’Anne-Flore ne soit pas assez cou­verte et tient à lui offrir son manteau.

Elle n’a presque rien et pour­tant, elle veut le par­ta­ger avec nous. Encore une belle leçon turque ! Nous arri­vons à lui expli­quer que nous avons tout ce qu’il nous faut et la remer­cions cha­leu­reu­se­ment pour son geste.

Nous sommes émer­veillés par la gen­tillesse dés­in­té­res­sée des gens que nous ren­con­trons, et nous appre­nons dou­ce­ment à rece­voir sans don­ner direc­te­ment en retour.

En Tur­quie, des his­toires comme celles-ci, il nous en est arri­vé tous les jours. Et tous les voya­geurs que nous avons pu croi­ser ont des étoiles dans les yeux lorsqu’ils se remé­morent l’accueil que leur ont réser­vé les Turcs.

EN ARMÉNIE, TRINQUER À AZNAVOUR ET SARKOZY

Après la Tur­quie, chan­ge­ment de monde, nous décou­vrons le Cau­case avec la Géor­gie et l’Arménie. Alors que dans l’est de la Tur­quie, l’islam est bien pré­sent (dans l’habillement, avec le chant des muez­zins, et on ne trouve pas d’alcool dans cette par­tie de la Tur­quie), nous pas­sons en région orthodoxe.

Dès notre pre­mière nuit en Géor­gie, où nous sommes accueillis par une famille armé­nienne, nous sen­tons le chan­ge­ment radi­cal de culture, les shots d’eau-de-vie sont nom­breux ! Dans cette région du Cau­case, on est tout de suite plon­gé dans l’ambiance ex-soviétique.

La langue russe est omni­pré­sente, villes et vil­lages ont cette petite touche aus­tère qui nous évoque l’URSS telle qu’on a pu l’apercevoir dans des films ou des livres. Il faut savoir bri­ser la glace : les Armé­niens peuvent paraître froids, mais un petit Parev (Bon­jour) suf­fit pour illu­mi­ner les visages et lan­cer les dis­cus­sions et les invi­ta­tions pour célé­brer l’amitié franco-arménienne.

Ici, le pas­se­port fran­çais est un vrai sésame. Nous avons beau­coup trin­qué à cette ami­tié entre nos deux pays puis, dans l’ordre de pré­fé­rence pour les Armé­niens, à Azna­vour, à Pou­tine et à Sar­ko­zy qui a appa­rem­ment mar­qué les esprits en Arménie !

L’IRAN DÉVOILÉ

En Armé­nie, nos cuisses se musclent et alors que nous pas­sons notre der­nier col du pays, le pay­sage change sou­dai­ne­ment : les pins et la ver­dure ont dis­pa­ru et un pay­sage bien plus aride s’offre à nous. Une rivière très sécu­ri­sée fait office de fron­tière natu­relle. Un pont à tra­ver­ser et nous entrons en Iran.

Hospitalité en Iran
En Iran, quelle hos­pi­ta­li­té ! Régu­liè­re­ment invi­tés pour plu­sieurs jours dans des familles, nous nous y sen­tons comme à la maison.

Après quelques coups de pédale, la légère appré­hen­sion de rou­ler dans ce pays tout juste sor­ti de l’embargo dis­pa­raît. Nous décou­vrons des Ira­niens ado­rables, tou­jours prêts à nous rendre ser­vice, dési­reux de nous invi­ter et d’échanger sur l’Occident.

Cet Occi­dent dont les images tour­nant à la télé­vi­sion entre­tiennent les fan­tasmes, pour le meilleur et pour le pire. L’Iran est un pays à deux visages. Dans la rue les femmes sont voi­lées, de façon plus ou moins stricte selon qu’on est en ville ou à la cam­pagne, alors que dans les mai­sons les voiles tombent au sens propre comme au sens figu­ré et les langues se délient.

Nous décou­vrons un peuple bien plus moderne que l’on ne l’imaginait, l’Iran nous appa­raît sur la voie de l’ouverture contrai­re­ment à la Tur­quie. Mais sur­tout quelle hos­pi­ta­li­té ! Régu­liè­re­ment invi­tés pour plu­sieurs jours dans des familles, nous nous y sen­tons comme à la maison.

SPLENDEURS PERSANES ET CHOC CULTUREL

À Téhé­ran, nous fai­sons nos demandes de visas pour les pays en ‑stan main­te­nant que nous connais­sons mieux notre rythme de péda­lage. Et les quelques jours d’attente des­dits visas nous per­mettent de prendre le car et de faire un peu de tou­risme. Nous décou­vrons Ispa­han et sa place Naghsh‑e Jahan qui sera un énorme coup de cœur architectural.

Mais l’Iran, c’est aus­si une vision com­plè­te­ment dif­fé­rente de l’espace pri­vé réser­vé à cha­cun. Pour nous qui avons régu­liè­re­ment besoin d’être au calme, les constantes sol­li­ci­ta­tions seront par­fois un peu pesantes.

Voya­ger nous per­met de décou­vrir le monde et de décou­vrir d’autres cultures, mais nous per­met aus­si de mieux nous connaître et de faire tom­ber nos préjugés.

À suivre…

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