Arrivée à Oslo en vélo

France-Finlande : voyage au bout de la Scandinavie

Dossier : TrajectoiresMagazine N°731 Janvier 2018
Par André GOURDON (13)

André Gour­don (2013) vient de ter­min­er ses études. Rechig­nant à embrass­er une vie pro­fes­sion­nelle banale et monot­o­ne trop rapi­de­ment, il décide de se lancer dans un pro­jet un peu plus orig­i­nal : tra­vers­er la Scan­di­navie et ral­li­er Helsin­ki, la cap­i­tale fin­landaise, en vélo. André pro­pose à son meilleur ami Houshine qui vient de ter­min­er son mas­ter en aérospa­tial à l’IIT de l’accompagner ce qu’il accepte sans hésiter. Les deux com­pères par­tent ain­si de Lille le 9 sep­tem­bre au matin, empor­tant seule­ment un petit sac et une mod­este tente.

Un petit tour en Scan­di­navie à vélo de 2850 km en une ving­taine de jours et de mer­veilleux souvenirs.

Le périple com­mence mal. Houshine chute dès les 100 pre­miers mètres, en coinçant sa main dans les rayons. Fin de l’aventure ? Bien sûr que non. Il remonte courageuse­ment sur sa selle, et nous par­tons pour de bon.

En une heure, nous sommes déjà en Bel­gique, et fonçons jusqu’à Bruges, ville envahie par les hordes de touristes, dont la présence sournoise gâche l’architecture goth­ique si particulière.

Nous faisons hon­neur à la gas­tronomie belge en avalant un cor­net de frites, et repar­tons vers une petite bour­gade des Pays-Bas, Hellevoetsluis.

Plus de 190 km de vélo pour le pre­mier jour, ce voy­age démarre sur les cha­peaux de roues ! Pre­mière nuit en tente, et départ le lende­main pour Amsterdam.

LES PLATS PAYS POUR SE METTRE EN JAMBES

Nous y res­terons une journée pour décou­vrir La Laitière de Ver­meer, La Ronde de nuit de Rem­brandt, mais égale­ment la déca­dence de la vie noc­turne qui car­ac­térise cette ville si ambiguë.

En la quit­tant, nous accom­plis­sons la plus longue étape de ce voy­age : 215 km sur les routes plates des Pays-Bas, poussés par Éole. Arrêt à Bour­tange, à la fron­tière avec l’Allemagne. Mal­menée par la tem­pête, notre tente, tel un roseau, plie mais ne cède pas.

Le lende­main, décou­verte des voies cyclables alle­man­des, où la pro­gres­sion est dif­fi­cile. Par deux fois ce sont des arbres abat­tus par le vent qu’il faut enjam­ber. Les routes alle­man­des ne sont pas faites pour nos petits vélos de course, que les 35 tonnes frô­lent et klaxonnent.

Une fois arrivés dans Ham­burg, c’est la décep­tion. On ne peut admir­er la Phil­har­monie de l’Elbe, trop grande, trop isolée, pas aus­si belle que sur Wikipé­dia. Nous nous con­solons en mangeant un ham­burg­er (à Hamburg).

IL Y A QUELQUE CHOSE DE BÉNI DANS L’ÉTAT DU DANEMARK

Après une nuit à Lübeck, une sorte de Bruges sans touristes, c’est l’arrivée au Dane­mark, et le début de l’aventure. Les tal­ents lin­guis­tiques de mon acolyte et de moi-même nous sont main­tenant inutiles. À peine sor­tis du fer­ry sommes-nous déjà arrêtés par un mil­i­taire, qui nous empêche d’emprunter l’autoroute danoise, et qui nous redirige vers les routes de campagne.

Le plus beau couch­er de soleil auquel nous n’avons jamais assisté arrive ce soir-là, à Vord­ing­borg. Les couleurs si irréal­istes que cet astre donne alors aux ciels jus­ti­fient à elles seules tous les sac­ri­fices de ce voy­age. Repus par ce spec­ta­cle, nous nous endor­mons pais­i­ble­ment, bercés par le bruit des flots.

Coucher de soleil au Danemark
Le plus beau couch­er de soleil de notre vie au Danemark.

BAIGNADE AVEC LA PETITE SIRÈNE

Le lende­main, petite étape de seule­ment cent kilo­mètres jusqu’à Køben­havn (Copen­h­ague), cap­i­tale du Dane­mark, du vélo et du hip­ster. Je fais malen­con­treuse­ment tomber ma chaus­sure de vélo à l’eau, sous les yeux de la Petite Sirène, qui reste de mar­bre, ou plutôt de bronze !

La masse de touristes sort un instant de son état léthargique pour s’intéresser à ce mal­adroit las­car, qui s’immerge dans les eaux gelées du port de Copen­h­ague. Sous les ova­tions, je réus­sis à retrou­ver cette chaus­sure si pré­cieuse, et je repars avec Houshine décou­vrir cette cap­i­tale idiosyncratique.

Le lende­main, brunch avec une Norvégi­en­ne que j’avais ren­con­trée au Texas et étu­di­ant au Dane­mark. Coincés par la grêle, ce brunch s’éternise ! À la pre­mière accalmie, nous repar­tons, et apprenons L’Albatros de Baude­laire en chemin, inspirés par la prox­im­ité de la mer et par la poésie de la côte sué­doise nous faisant face.

Nous entrons en Suède le soir même, à Helsingborg.

À TRAVERS LES SOLITUDES GLACÉES

La remon­tée jusqu’à Gothen­burg puis Oslo, plein nord, est longue et froide. Les signes de présence humaine se font rares, et nous glis­sons sur le bitume, dans le silence des forêts suédoises.

Un lac suédois
Un lac suédois

La soli­tude devient peu à peu par­faite. Enfin, c’est la fron­tière norvégi­en­ne et l’arrivée à Oslo.

Mon com­père et moi sur­plom­bons et admirons la cap­i­tale norvégi­en­ne, avant de fon­dre sur elle lors d’une longue descente, rat­tra­pant voitures et tramways. Houshine n’ose aller aus­si vite que moi lors de ces instants, il est vis­i­ble­ment plus intéressé par un retour sain et sauf à la civil­i­sa­tion que par les sen­sa­tions grisantes procurées par ces descentes glissantes.

Vitesse max­i­male : 70 km/h. Je tombe pour la pre­mière fois dans cette ville, de façon peu héroïque, coinçant ma roue avant dans les rails du tramway, peu après avoir prévenu Houshine de l’éventualité et de la dan­gerosité d’un tel événement.

Le lende­main, nous par­tons pour un long tour de vélo au nord d’Oslo, avec deux ascen­sions pour décou­vrir des lacs per­dus au milieu des mon­tagnes norvégi­en­nes. Deux jours de plus sont néces­saires pour décou­vrir la ville d’Oslo et Le Cri de Munch (oui, Edvard Munch est norvégien).

UNE EXPÉRIENCE EXTRÊME

Enfin, c’est le départ pour Stock­holm. À nou­veau, c’est la com­mu­nion avec la nature. Les lacs entre Oslo et Stock­holm sont gigan­tesques, de vraies mers intérieures, dont on ne peut voir l’autre rive. S’y laver est impos­si­ble, à cause des tem­péra­tures glaciales de l’automne suédois.

Ce seront donc qua­tre jours et qua­tre nuits sans pou­voir se décrass­er. Après 600 km, c’est l’arrivée dans Stock­holm. La cap­i­tale sué­doise mérite son surnom de Venise du Nord, elle nous laisse sans voix tant son charme est par­ti­c­uli­er. Les palais côtoient les forêts, et les falais­es plon­gent dans les canaux.

La décou­verte de l’archipel de Stock­holm à vélo restera un des plus beaux sou­venirs de ce voy­age. Il ressem­ble au golfe du Mor­bi­han, mais il est plus beau, plus sauvage, plus majestueux.

PLUS QUE DIX HEURES EN SELLE !

Enfin, nous prenons le fer­ry de Stock­holm à Turku. Ce gigan­tesque vais­seau rap­proche sué­dois et fin­landais le temps d’une nuit. Nous le visi­tons rapi­de­ment, et prof­i­tons de l’archipel de Stock­holm, éclairé par la pleine lune. Enfin, nous tombons dans les bras de Mor­phée, prêts à pédaler dès 7 heures le lendemain.

Ces 190 km entre Turku et Helsin­ki, avec le vent de face, sont les plus dif­fi­ciles et les plus éprou­vants de tout ce voy­age. Après presque dix heures passées sur la selle, c’est l’arrivée dans la cap­i­tale fin­landaise. Nous avons seule­ment deux jours pour la vis­iter, avant de repren­dre l’avion jusqu’à Paris. Quelle aven­ture, et que c’est dép­ri­mant de voir que ces 26 jours de voy­age peu­vent être rem­placés par trois ridicules heures d’avion.

Nos bicy­clettes, mod­este­ment pro­tégées par du papi­er bulle, arrivent saines et sauves dans la Ville lumière, tout comme leurs propriétaires.

L’HEURE DU BILAN

Depuis la France jusqu’en Scan­di­navie : 2 850 kilo­mètres de vélo, 800 pho­tos, 130 sand­wichs pré­parés, 80 Snick­ers avalés, 19 journées passées sur la selle, neuf dis­putes avec Houshine, huit réc­on­cil­i­a­tions, sept pays tra­ver­sés, cinq cap­i­tales vis­itées, trois chutes, deux crevaisons et une belle his­toire pour nos futurs petits-enfants, bref ce fut extraordinaire.

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