modèle épidémiologique Covid 19 vaccin, variants

Covid-19 : interrogations sur le modèle épidémiologique,
Prise en compte de la vaccination et du « variant anglais »

Dossier : ExpressionsMagazine N°762 Février 2021
Par François Xavier MARTIN (63)

Le mod­èle épidémi­ologique de base pro­posé en 1927 par Ker­ma­ck et McK­endrick inclut une équa­tion inadap­tée aux phénomènes dynamiques qui est tou­jours enseignée aux étu­di­ants du monde entier. Ne serait-ce pas une des raisons pour lesquelles, pen­dant l’été 2020, la plu­part des mod­élisa­teurs avaient sous-estimé la vigueur de la « deux­ième vague » d’octobre-novembre ?

Après cor­rec­tion de cette erreur presque cen­te­naire, quels enseigne­ments tir­er pour 2021 d’une sim­u­la­tion très sim­ple qui prendrait en compte les événe­ments nou­veaux que sont l’arrivée des vac­cins et celle du « vari­ant anglais », cause poten­tielle d’une inquié­tante « nou­velle vague » ?


N.B. Les lecteurs qui ne sont pas spé­ciale­ment intéressés par les tech­niques de mod­éli­sa­tion peu­vent aller directe­ment à la deux­ième par­tie inti­t­ulée « Con­séquences de la vac­ci­na­tion et de l’arrivée du « vari­ant anglais »


Les dirigeants du monde entier pren­nent leurs déci­sions de poli­tique san­i­taire en ten­ant compte de résul­tats de sim­u­la­tions dont la plu­part, si on les exam­ine de près, sont encore basées, au moins par­tielle­ment, sur le sché­ma du mod­èle dit « com­par­ti­men­tal » ou « SIR » pro­posé à la Roy­al Soci­ety de Lon­dres par Ker­ma­ck et McK­endrick en 1927 1. Or la mod­éli­sa­tion cor­re­spon­dante repose sou­vent sur une de ses équa­tions, inadap­tée à la sim­u­la­tion de phénomènes évolu­ant de façon dynamique. On peut sup­pos­er que ce choix a été dic­té par de pures raisons de com­mod­ité de cal­cul à une époque où les ordi­na­teurs n’existaient pas.

De là a peut-être résulté au cours de l’été 2020 pour la Covid-19 la prévi­sion erronée d’une « deux­ième vague » à crois­sance lente, de nom­breux experts con­tin­u­ant à utilis­er dans leurs mod­èles cette équa­tion, encore enseignée sans aucune mise en garde dans pra­tique­ment tous les cours d’épidémiologie. Les faits ont démen­ti cette prévi­sion et con­traint de nom­breux gou­verne­ments à décréter en cat­a­stro­phe ce qu’ils voulaient éviter à tout prix, c’est-à-dire un deux­ième confinement.

Dans une pre­mière par­tie, cette note mon­tre qu’en faisant l’hypothèse que les car­ac­téris­tiques du virus ont peu var­ié jusqu’à la fin de 2020, le rem­place­ment de l’équation litigieuse par une autre, tout aus­si sim­ple mais adap­tée à la sim­u­la­tion de sys­tèmes dynamiques, per­met, en util­isant un sim­ple tableur infor­ma­tique, de com­pren­dre la sévérité de la reprise de l’épidémie en octobre-novembre.

Dans une deux­ième par­tie, la même méthode décrit le change­ment rad­i­cal de per­spec­tive induit en 2021 par l’arrivée de nou­veaux acteurs : des vac­cins effi­caces et des « vari­ants » de forte contagiosité.

De façon générale, il serait souhaitable qu’à l’avenir l’ensemble des épidémi­ol­o­gistes qui utilisent des mod­èles com­par­ti­men­taux inspirés par la com­mu­ni­ca­tion de 1927 de Ker­ma­ck et McK­endrick cor­ri­gent l’équation inadap­tée aux régimes dynamiques qui y figure.

PREMIERE PARTIE

I — Contexte 

Le célèbre mod­èle à trois « com­par­ti­ments » dit SIR (Sus­cep­ti­bles d’être infec­tés, Infec­tés , Rétab­lis et décédés ), dont s’inspirent depuis 1927 la plu­part des épidémi­ol­o­gistes du monde entier, con­tient une équa­tion inadap­tée aux vari­a­tions rapi­des du nom­bre d’individus infec­tés. Vraisem­blable­ment Ker­ma­ck et McK­endrick n’ont pas choisi la forme de cette équa­tion pour sa per­ti­nence, mais plutôt parce qu’à cette époque ils ne dis­po­saient pas de moyens de cal­cul infor­ma­tiques per­me­t­tant de trou­ver facile­ment de solu­tion à une autre équa­tion qui aurait mieux ren­du compte des phénomènes biologiques réels. Con­tin­uer à utilis­er l’équation de 1927 con­duit à grave­ment sous-estimer la dynamique d’une épidémie à des moments cru­ci­aux tels que son développe­ment ini­tial, les effets d’un éventuel con­fine­ment et la reprise des infec­tions qui peut suiv­re tout déconfinement.

Le main­tien de ce qu’on peut appel­er « l’approximation de 1927 » au niveau mon­di­al, que ce soit dans l’ensemble des cours d’épidémiologie ou dans de nom­breux mod­èles con­tem­po­rains, n’est guère com­préhen­si­ble à notre époque. Ce respect d’une for­mu­la­tion tra­di­tion­nelle de plus de qua­tre-vingt-dix ans, aujourd’hui dépassée, pour­rait expli­quer pourquoi, dans de nom­breux pays, les mod­èles exis­tants avaient anticipé une vitesse de mon­tée de la « deux­ième vague » de l’épidémie beau­coup plus faible que celle qui a été con­statée à par­tir de septembre.

Par ailleurs, l’absence d’une prise en compte de la dynamique réelle d’une épidémie par les mod­èles util­isant « l’approximation de 1927 » con­duit à sous-estimer la rapid­ité avec laque­lle le nom­bre de per­son­nes infec­tées dimin­ue à la suite de mesures faisant baiss­er de façon dras­tique le coef­fi­cient de repro­duc­tion R0.

Si l’approximation erronée, base de l’équation de 1927, per­siste dans la plu­part des mod­èles, les prévi­sions d’évolution de l’épidémie actuelle dans dif­férents scé­nar­ios de con­fine­ment et de décon­fine­ment risquent être inex­actes ; elles peu­vent con­duire les pou­voirs publics à pren­dre des déci­sions inadap­tées à la sit­u­a­tion réelle. Il est donc urgent de com­par­er les résul­tats don­nés par les mod­èles actuels, dont le détail du fonc­tion­nement interne n’est générale­ment pas dif­fusé, à ceux provenant de mod­èles sim­ples basés sur une ver­sion rec­ti­fiée de l’équation de 1927.

II — L’approximation de 1927 

Le mod­èle de Ker­ma­ck et McK­endrick dit « SIR com­par­ti­men­tal » date de 1927. Depuis cette date il a inspiré les innom­brables mod­élisa­teurs d’épidémies qui ont cher­ché à y ajouter de mul­ti­ples raf­fine­ments, sans remet­tre en cause le mod­èle de base.

Qu’écrivent Kermack et McKendrick dans leur « Contribution à la théorie mathématique des épidémies » de 1927 ? 

Au début de cette « con­tri­bu­tion » ils expliquent qu’à un instant don­né l’ensemble des indi­vidus malades com­prend plusieurs sous-ensem­bles, cha­cun d’entre eux inclu­ant ceux ont été infec­tés pen­dant le même inter­valle de temps (et ont donc la même « anci­en­neté » dans la maladie).

Fig­ure alors le dia­gramme suivant :

qui laisse sup­pos­er que le moment où chaque malade a été infec­té sera pris en compte dans le mod­èle pour déter­min­er le moment où il sor­ti­ra de son état infec­tieux par guéri­son ou décès.

Mal­heureuse­ment la dizaine de pages de cal­cul qui suiv­ent, pra­tique­ment incom­préhen­si­bles, ne per­met pas de voir s’ils sont arrivés à une méthode de cal­cul (à l’époque sans l’aide d’ordinateurs !) per­me­t­tant de mod­élis­er une épidémie suiv­ant ce principe.

Vraisem­blable­ment dans la recherche du Graal qu’aurait été à cette époque la décou­verte d’une solu­tion exprimable de façon ana­ly­tique, Ker­ma­ck et McK­endrick pro­posent alors ce qu’ils appel­lent un « spe­cial case » :

Ces équa­tions sont à la base de la plu­part des mul­ti­ples sys­tèmes de sim­u­la­tion d’épidémies pro­posés depuis cette époque, avec des nota­tions qui sont habituellement :

dR / dt = — β S I

dI / dt = β S I – γ I

dR / dt = γ I ( voir plus bas la déf­i­ni­tion de ces lettres )

S + I + R = N

Elles traduisent les hypothès­es suivantes :

1 — dans une pop­u­la­tion com­posée de N indi­vidus, dès que le nom­bre I de malades réputés infec­tieux le jour J est assez grand pour qu’on puisse appli­quer des méth­odes sta­tis­tiques, le nom­bre de nou­veaux malades sup­plé­men­taires qui seront con­t­a­m­inés pen­dant ce jour J est pro­por­tion­nel à I et à S, ce qui s’exprime par l’équation :


Nom­bre quo­ti­di­en de nou­veaux infec­tés = β x S x I (pro­duit des 3 nombres)


R0 est le nom­bre de per­son­nes qu’infecte pen­dant toute la durée de sa con­ta­giosité un malade plongé dans une pop­u­la­tion entière­ment sus­cep­ti­ble d’être infectée

β est pro­por­tion­nel à R0 , très exacte­ment : β = R0 / (N x D).

N est la pop­u­la­tion totale et D le temps moyen pen­dant lequel une per­son­ne malade est contagieuse

S est le nom­bre de per­son­nes pou­vant encore être con­t­a­m­inées (donc n’ayant été ni infec­tées, ni vac­cinées, et ne dis­posant pas d’une éventuelle immu­nité naturelle)

I est le nom­bre de per­son­nes infec­tieuses le jour J

Cette équation n’appelle pas de remarque particulière. 

2- pen­dant ce même jour J, le nom­bre de malades qui arrê­tent, suite à leur guéri­son ou à leur décès, d’être sus­cep­ti­bles de con­t­a­min­er des per­son­nes saines (et non immu­nisées par vac­ci­na­tion ou immu­nité naturelle) est pro­por­tion­nel au nom­bre total de malades infectieux.


Nom­bre quo­ti­di­en de per­son­nes infec­tées guéries (et immu­nisées) ou décédées = γ x I
(ne pou­vant donc plus con­t­a­min­er d’autres personnes)

γ est l’inverse de D, temps moyen pendant
lequel une per­son­ne malade est contagieuse


Cette approx­i­ma­tion qui date de 1927, bien adap­tée à des phénomènes sta­tiques ou qua­si-sta­tiques, ne rend pas compte cor­recte­ment de la dynamique réelle d’une épidémie, en par­ti­c­uli­er dans les moments cru­ci­aux que sont l’arrivée de la mal­adie et le début ou la fin d’un confinement. 

En effet, pen­dant une péri­ode de crois­sance du nom­bre d’individus infec­tés, au jour J ceux-ci sont répar­tis en D sous-ensembles :

Infec­tés depuis 1 jour

Infec­tés depuis 2 jours

….. / …..

Infec­tés depuis (D – 1) jours

Infec­tés depuis D jours

Le nom­bre d’infectés aug­mente de jour en jour. 

La taille de chaque case est pro­por­tion­nelle au nom­bre d’individus qu’elle contient. 

Dans la réal­ité, les malades guéris­sent ou décè­dent en moyenne D jours après avoir été infec­tés. Le jour J, dans une mod­éli­sa­tion cor­recte, quit­tent donc le « com­par­ti­ment I des infec­tés » (par guéri­son ou décès) les malades, peu nom­breux (voir sché­ma) qui sont infec­tés depuis D jours.

L’ « approx­i­ma­tion de 1927 » de Ker­ma­ck et McK­endrick reprise dans tous les cours d’épidémiologie et la plu­part des mod­èles actuels fait sor­tir quo­ti­di­en­nement du « com­par­ti­ment I des infec­tés » la moyenne entre les D cas­es du dia­gramme ci-dessus, c’est-à-dire un nom­bre très supérieur à la réal­ité puisque les infec­tés récents sont arrivés à un rythme quo­ti­di­en de plus en plus élevé

Majo­rant le nom­bre de sor­ties du « com­par­ti­ment I » par rap­port au nom­bre réel, ce type de mod­èle dimin­ue arti­fi­cielle­ment la vitesse de crois­sance prévue pour une épidémie, par exem­ple à son début ou pen­dant une phase de déconfinement. 

Dans un mod­èle digne de ce nom, qui doit simuler une sit­u­a­tion en per­ma­nence évo­lu­tive, si D est la durée moyenne entre début d’infection et guéri­son ou décès, chaque jour le nom­bre de malades qui arrê­tent d’être sus­cep­ti­bles de con­t­a­min­er des per­son­nes saines est sen­si­ble­ment égal à celui des per­son­nes qui sont tombées malades D jours plus tôt (ce qui peut appa­raître comme une lapalis­sade, mais cer­tains parais­sent l’ignorer … !).

Cette logique est très dif­férente de celle adop­tée par Ker­ma­ck et McK­endrick en 1927. Ce qu’on peut appel­er « l’approximation de 1927 » aboutit à ce qu’en phase de crois­sance le mod­èle SIR clas­sique compt­abilise comme sor­tant de l’infection des indi­vidus qui sont tombés malades il y a net­te­ment moins de D jours, ce qui va con­duire à la prévi­sion d’une crois­sance de l’épidémie très inférieure à la réal­ité par sous-esti­ma­tion du nom­bre de per­son­nes restant infec­tieuses (c’est vraisem­blable­ment ce qui est arrivé en France à l’automne 2020, quand la « 2ème vague » Covid-19 a été beau­coup plus rapi­de et beau­coup plus forte que les prévi­sions de l’été, pen­dant lequel le très faible nom­bre de nou­veaux infec­tés quo­ti­di­ens avait même con­duit cer­tains à annon­cer que l’épidémie était terminée).

Ce fait est con­nu de cer­tains mod­élisa­teurs, mais ils ne sem­blent pas en avoir mesuré les con­séquences, qu’il est pos­si­ble d’évaluer par sim­u­la­tion de la même épidémie en util­isant suc­ces­sive­ment un pro­gramme basé sur « l’approximation de 1927 » et un pro­gramme ayant rem­placé l’équation cor­re­spon­dante (dR / dt = γ I) par une équa­tion adap­tée à la sim­u­la­tion de phénomènes en régime forte­ment dynamique (dR(t) / dt = — dS(t‑D) / dt). 

Pour ce faire, il est pos­si­ble d’utiliser un sim­ple tableur qui per­met d’exprimer facile­ment le nom­bre de nou­veaux infec­tés, guéris et décédés en fonc­tion du nom­bre de de per­son­nes infec­tées, guéries et décédées pen­dant les journées précé­dentes et de l’évolution de cer­tains paramètres (en par­ti­c­uli­er R0). L’exemple choisi est un cas théorique sou­vent présen­té dans les cours d’épidémiologie (R0 = 3 et durées d’infection fix­es pou­vant aller d’une à trois semaines ; voir en annexe les tableaux per­me­t­tant de simuler sim­ple­ment cette épidémie en util­isant les 2 mod­èles). On l’applique à une pop­u­la­tion de 67 mil­lions d’habitants.

Util­isons tout d’abord l’équation clas­sique de 1927 : dR / dt = γ I

Absciss­es : nom­bre de jours après l’arrivée d’un pre­mier indi­vidu malade au temps 0 Ordon­nées : nom­bre d’individus infectés

A not­er qu’il s’agit de sim­u­la­tions à R0 con­stant unique­ment des­tinées à démon­tr­er la gravis­sime sous-esti­ma­tion du mod­èle de 1927 en phase de crois­sance d’une pandémie. Bien évidem­ment, si la mal­adie est dan­gereuse, pou­voirs publics et pop­u­la­tion fer­ont tout pour que R0 dimin­ue avant que le nom­bre réel d’infectés atteigne le max­i­mum théorique de ces courbes. D’autre part, au cours d’une épidémie réelle, R0 varie en per­ma­nence pour de mul­ti­ples raisons ten­ant tout à la fois au com­porte­ment de la pop­u­la­tion et à des don­nées médi­cales (muta­tions éventuelles du virus, décou­verte de traite­ments changeant la durée de con­ta­giosité des per­son­nes infec­tées). L’accent qua­si exclusif mis dans les cours d’épidémiologie sur des cas théoriques d’épidémies à R0 con­stant pou­vait se jus­ti­fi­er à l’époque où, faute d’ordinateurs, il était impor­tant d’essayer de trou­ver des résul­tats exprimables sous forme de fonc­tions ana­ly­tiques. L’important de nos jours est d’utiliser des équa­tions représen­tant le mieux pos­si­ble le phénomène que l’on veut simuler : ensuite, de toute façon, le cal­cul (par ordi­na­teur) suivra ! 

A R0 con­stant (égal à 3) le pic théorique (voir plus haut) du nom­bre d’infectés (21 mil­lions sur une pop­u­la­tion de 67 mil­lions) cor­re­spon­dant à l’atteinte de ce qu’on appelle « l’immunité col­lec­tive » dépend très peu de la durée d’infection moyenne. En revanche, le nom­bre quo­ti­di­en max­i­mal théorique de nou­velles infec­tions est plus impor­tant (4 mil­lions / jour) dans le cas d’une durée d’infectiosité courte (7 jours) que dans le cas d’une infec­tiosité plus longue (1,5 mil­lion / jour pour D = 20 jours).

Util­isons main­tenant l’équation dR(t) / dt = — dS(t‑D) / dt , D durée de la péri­ode d’infection con­tagieuse étant égale à 1 / γ

Absciss­es : nom­bre de jours après la pre­mière infec­tion Ordon­nées : nom­bre d’individus infectés

Cer­taines con­clu­sions sont les mêmes que celles résul­tant de l’utilisation de l’équation de 1927 : 

A R0 con­stant (égal à 3) le pic théorique du nom­bre d’infectés (37 mil­lions sur une pop­u­la­tion de 67 mil­lions, cor­re­spon­dant à l’atteinte de l’immunité col­lec­tive) dépend très peu de la durée d’infection moyenne. En revanche, le nom­bre quo­ti­di­en max­i­mal théorique de nou­velles infec­tions est plus impor­tant (6 mil­lions / jour) dans le cas d’une durée d’infectiosité courte (7 jours) que dans le cas d’une infec­tiosité plus longue (2 mil­lions / jour pour D = 20 jours).

On peut égale­ment remar­quer que c’est R0 qui est déter­mi­nant pour le cal­cul du nom­bre max­i­mum d’infectés cor­re­spon­dant à l’atteinte de l’immunité col­lec­tive au-delà de laque­lle l’épidémie com­mence à s’éteindre spon­tané­ment. A R0 con­stant, une faible vari­a­tion de la durée moyenne d’infection D ne change pas de façon fon­da­men­tale l’évolution de l’épidémie (mais il faut bien sûr remar­quer que la valeur de D est déjà prise en compte dans l’égalité : R0 = β D N = β N / γ )

Mais cer­taines dif­férences saut­ent aux yeux : 

* le pic théorique du nom­bre d’infectés max­i­mal théorique don­née par l’équation rec­ti­fiée est beau­coup plus élevé que celui don­né par l’équation clas­sique de 1927 (37 mil­lions au lieu de 21 millions),

* l’équation rec­ti­fiée implique un décol­lage sig­ni­fi­catif de l’épidémie et une atteinte du nom­bre max­i­mal de per­son­nes con­t­a­m­inées net­te­ment plus rapi­des que l’équation de 1927

On peut met­tre en évi­dence ces dif­férences en por­tant sur le même dia­gramme les résul­tats obtenus avec les 2 équa­tions dif­férentes, par exem­ple pour R0 = 3 et D = 10 jours :

Absciss­es : nom­bre de jours après la pre­mière infec­tion Ordon­nées : nom­bre d’individus infectés

Comme indiqué plus haut, ces courbes ont un car­ac­tère théorique, car dans le cas d’une mal­adie grave, R0 va générale­ment dimin­uer rapi­de­ment sous l’influence de change­ments de com­porte­ment de la pop­u­la­tion spon­tanés (réduc­tion des con­tacts avec les malades par peur de la con­ta­gion) ou imposés par les pou­voirs publics (con­fine­ments, cou­vre feux, fer­me­ture de mag­a­sins et de salles de spectacles …).

Mais ce qui n’est pas seule­ment théorique est le fait que l’utilisation de l’équation de 1927, qui traite les guérisons et les décès comme s’il s’agissait d’un phénomène physique tel que la radioac­tiv­ité, divise pra­tique­ment par deux les vari­a­tions (à la hausse comme à la baisse) des nom­bres d’infections cal­culées par l’équation rec­ti­fiée qui, elle, tient compte de la réal­ité biologique d’une péri­ode d’infection vari­ant rel­a­tive­ment peu par rap­port à une valeur moyenne.

Sensibilité à R0

Il est intéres­sant de faire la même com­para­i­son entre les résul­tats obtenus avec d’autres valeurs de R0, telles que 1,5 qui est une valeur couram­ment obtenue pour l’épidémie Covid-19 sans con­fine­ment, mais avec des mesures de dis­tan­ci­a­tion physique.

On retrou­ve les mêmes con­clu­sions que pour R0 = 3, avec des valeurs absolues plus petites.

Absciss­es : nom­bre de jours après la pre­mière infec­tion Ordon­nées : nom­bre d’individus infectés

Con­clu­sions

L’équation de 1927, adap­tée aux seules sit­u­a­tions sta­tiques ou qua­si-sta­tiques, génère une solu­tion erronée : 

- les deux pics (nou­veaux infec­tés quo­ti­di­ens et total des per­son­nes infec­tées au jour J) sont égaux à un peu plus de la moitié de ceux don­nés par l’équation qui rend compte cor­recte­ment du phénomène dynamique. De plus, ces pics survi­en­nent avec retard. 

- en phase ascen­dante de l’épidémie, le taux de crois­sance du nom­bre d’infectés cal­culé avec l’équation de 1927 est net­te­ment plus faible que celui découlant de l’équation « dynamique » 

Depuis l’arrivée de l’informatique, la con­trainte résul­tant du choix sys­té­ma­tique d’équations con­duisant aux cal­culs les plus sim­ples pos­si­bles n’existe plus. La bonne méthode dans un tel cas est de con­cevoir des équa­tions les plus proches pos­si­bles des phénomènes que l’on souhaite simuler, et d’utiliser un solveur pour en trou­ver les solu­tions. Au pas­sage, ceci per­met de simuler facile­ment des épidémies où R0 varie, ce qui est le cas dans toutes les épidémies réelles tout à la fois à la suite :

- d’évolutions spon­tanées (par peur) ou con­traintes (con­fine­ment) du com­porte­ment de la population,

- ou d’éventuelles mod­i­fi­ca­tions de don­nées biologiques (muta­tions impor­tantes du virus, décou­verte de traite­ments plus efficaces).

Con­clu­sion (qui n’est que la for­mal­i­sa­tion d’une lapalissade !) :

Pour ren­dre compte cor­recte­ment de la dynamique d’une épidémie, les omniprésentes équa­tions de type dR / dt = γ I fig­u­rant dans la plu­part des mod­èles en sor­tie de com­par­ti­ments où se déroule un phénomène biologique qui peut être estimé comme étant de durée fixe doivent impéra­tive­ment être rem­placées par des équa­tions de type

dR(t) / dt = — dS(t‑D) / dt 

D étant la durée du phénomène (inverse de γ)

- dS / dt étant le débit d’individus à l’entrée du com­par­ti­ment et dR / dt le débit d’individus à la sor­tie de ce même compartiment.

III — Simulation de l’épidémie Covid-19 avec un modèle SIR où l’équation dR/dt = γ I est remplacée par une équation adaptée aux phénomènes dynamiques : dR(t) / dt = — dS(t‑1/γ) / dt 

Compte tenu des nom­breux chiffres acces­si­bles sur divers sites Inter­net, il est pos­si­ble d’introduire dans un tel mod­èle des paramètres R0 et D per­me­t­tant d’obtenir une bonne cohérence avec l’évolution observée de l’épidémie.

D = 10 jours (soit γ = 0,1)

N = 67 000 000 S : nom­bre d’individus sus­cep­ti­bles d’être contaminés

R0 évolu­ant entre 0,7 et 3

Reffec­tif = R0 x S / N

β = R0 / (N x D)

  1. jusqu’au 16 mars : R0 = 3
  2. baisse de 3 à 0,7 en 10 jours (début du 1er con­fine­ment)
  3. R0 = 0,7 jusqu’au 10 mai (1er con­fine­ment)
  4. hausse linéaire de 0,7 à 1,5 en 133 jours (1er décon­fine­ment)
  5. R0 = 1,5 du 23 sep­tem­bre au 22 octo­bre (fin du 1er décon­fine­ment)
  6. baisse de 1,5 à 0,95 en 10 jours (début du cou­vre-feu suivi du 2ème con­fine­ment)
  7. R0 = 0,95 jusqu’au 14 décem­bre (2ème con­fine­ment)
  8. à par­tir du 15/12 hausse linéaire suiv­ant la même pente qu’en 4 (2ème décon­fine­ment)
Ordon­nées : nom­bre d’individus infectés

Com­para­i­son entre les prévi­sions de « 2ème vague » en util­isant les deux types d’équations

On se place au 1er août avec les effec­tifs don­nés par le mod­èle util­isant l’équation rec­ti­fiée pour :

- les infectés

- les per­son­nes sus­cep­ti­bles d’être infec­tées (en exclu­ant donc les per­son­nes immu­nisées suite à leur guéri­son ain­si que les per­son­nes décédées).

Puis on demande aux tableurs util­isant les deux types d’équations de don­ner l’évolution des infec­tions jusqu’à la fin de juin 2021.

Ordon­nées : pop­u­la­tion con­cernée et R0 x 100 000

On con­state immé­di­ate­ment que le mod­èle util­isant l’équation « dynamique » prévoit à par­tir de sep­tem­bre une mon­tée beau­coup plus rapi­de du nom­bre de nou­veaux infec­tés quo­ti­di­ens que le mod­èle util­isant l’équation de 1927, avec un pic théorique, en l’absence de nou­veau con­fine­ment, de plus de 600 000 infec­tions quo­ti­di­ennes atteint dès décem­bre 2020. Le mod­èle fondé sur « l’approximation de 1927 » prévoit une mon­tée net­te­ment plus lente avec un pic théorique de plus de 300 000 infec­tions quo­ti­di­ennes atteint en févri­er 2021.

Là encore, l’équation « dynamique » est net­te­ment plus con­forme à la réal­ité observée à l’automne 2020 que ce que prévoy­aient les mod­èles basés sur l’équation tra­di­tion­nelle de 1927.

Cas d’une décroissance du nombre d’infectés

Il con­vient de remar­quer que le car­ac­tère « dynamique » de l’équation pro­posée fonc­tionne dans les deux sens : il rend compte, en cas de con­fine­ment amenant R en dessous de 1, d’une diminu­tion réelle du nom­bre d’infections net­te­ment plus forte que ce que lais­sent prévoir les mod­èles basés sur l’équation de 1927.

En effet, en cas de décrois­sance du nom­bre d’infections, si on con­sid­ère l’ensemble des per­son­nes infec­tées au jour J, elles sont divisées en D sous-ensembles :

Infec­tés depuis 1 jour

Infec­tés depuis 2 jours

….. / …..

Infec­tés depuis (D – 1) jours

Infec­tés depuis D jours

Le nom­bre d’infectés dimin­ue de jour en jour. 

La taille de chaque case est pro­por­tion­nelle au nom­bre d’individus qu’elle contient. 

L’ « approx­i­ma­tion de 1927 » de Ker­ma­ck et McK­endrick fait sor­tir quo­ti­di­en­nement du « com­par­ti­ment I des infec­tés » la moyenne entre les D cas­es du dia­gramme ci-dessus, c’est-à-dire un nom­bre très inférieur à la réal­ité puisque les infec­tés qui sor­tent réelle­ment du com­par­ti­ment I sont ceux, nom­breux, qui sont arrivés D jours auparavant.

Mino­rant le nom­bre de sor­ties du « com­par­ti­ment I », ce type de mod­èle dimin­ue arti­fi­cielle­ment la prévi­sion de la vitesse à laque­lle une épidémie décroît, par exem­ple lorsqu’un con­fine­ment fait pass­er Reffec­tif en-dessous de 1. 

Ceci donne une pos­si­ble expli­ca­tion, au moins par­tielle, de la dif­férence entre la déc­la­ra­tion du Prési­dent Macron indi­quant le 28 octo­bre 2020 que, “quoi qu’on fasse”, il allait y avoir 9 000 patients Covid-19 en réan­i­ma­tion le 15 novem­bre et le chiffre réel observé à cette date, net­te­ment plus faible. Il se peut que l’ef­fet du cou­vre-feu (23 octo­bre) puis de 2ème con­fine­ment (29 octo­bre) ait été plus rapi­de que ce que prévoy­aient des mod­èles basés, au moins par­tielle­ment, sur l’équation de 1927.

IV — Conclusion 

L’équation pro­posée par Ker­ma­ck et McK­endrick en 1927 pour le cal­cul du nom­bre de malades sor­tant d’infection par guéri­son ou décès n’est val­able que si leur nom­bre est sta­ble, ce qui dans la réal­ité d’une épidémie n’est jamais le cas. Si on rem­place l’équation de 1927 par une autre ten­ant compte du car­ac­tère dynamique du flux de malades on con­state que ceci induit une forte mod­i­fi­ca­tion des prévi­sions du mod­èle : par exem­ple à R0 con­stant, l’équation de 1927 donne une pointe du nom­bre max­i­mum d’infectés deux fois plus faible que l’équation « dynamique » par laque­lle elle devrait être rem­placée pour être con­forme à la réal­ité, ain­si qu’un taux de crois­sance du nom­bre de per­son­nes infec­tées très inférieur.

Glob­ale­ment, l’équation de 1927 con­duit à min­imiser les futures vari­a­tions réelles du nom­bre d’infections. Elle est dan­gereuse pen­dant les phas­es où l’épidémie se développe, car elle peut con­duire à sous-estimer les besoins futurs en équipement et en per­son­nel médi­cal. Mais inverse­ment cette car­ac­téris­tique joue dans l’autre sens pen­dant les phas­es de décéléra­tion, car finale­ment les actions des pou­voirs publics des­tinées à réduire le nom­bre de malades seront plus effi­caces, dès que Reffec­tif passe en-dessous de 1, que ce qu’indique un mod­èle util­isant l’équation de 1927. 

DEUXIEME PARTIE

Sim­u­la­tion des effets de la vac­ci­na­tion et de l’introduction du « vari­ant anglais » pen­dant toute l’année 2021 

I – Simulation sans « variant anglais » 

Sans vaccination

Début 2021, le coef­fi­cient Reffec­tif est d’environ 1,2.

La part de la pop­u­la­tion sus­cep­ti­ble d’être con­t­a­m­inée (S/N ) don­née pour cette époque par le mod­èle util­isé (SIR à durée d’infection con­stante) est 0,86.

R0 = 1,2 / 0,86 = 1,4

Exam­inons tout d’abord la sit­u­a­tion théorique où, sans mod­i­fi­ca­tion de R0, il n’y aurait ni con­fine­ment, ni vac­ci­na­tion. Il y aurait alors une « troisième vague » d’amplitude supérieure à celle des deux précé­dentes (toutes deux ayant été inter­rompues par les deux pre­miers con­fine­ments). L’amplitude de cette vague dépasserait en mars-avril les capac­ités d’accueil du sys­tème hos­pi­tal­ier. De toute évi­dence, les pou­voirs publics seraient amenés à met­tre en place un troisième confinement.

Ordon­nées : nom­bre quo­ti­di­en de nou­veaux infec­tés (trait plein) — nom­bre d’infectés au jour J (pointil­lé)
Ordon­nées : indi­vidus Sus­cep­ti­bles d’être con­t­a­m­inés (vert) Infec­tés au jour J (rouge) « Remis » (bleu)

Mais un fait nou­veau est sur­venu début 2021 : la pop­u­la­tion a com­mencé à être vaccinée.

Vaccination

La vac­ci­na­tion com­mence en jan­vi­er 2021. Devant les nom­breuses incer­ti­tudes sur le rythme de la vac­ci­na­tion, le délai d’apparition de l’immunité des vac­cinés, le décompte dif­férent entre indi­vidus vac­cinés et nom­bre de dos­es, nous adop­tons dans un pre­mier temps une hypothèse sim­ple : à par­tir du 20 jan­vi­er 100 000 per­son­nes par jour sont immu­nisées et quit­tent le « com­par­ti­ment » S sans pass­er par « I ».

Le pre­mier sché­ma de la page suiv­ante est un rap­pel du scé­nario sans vac­ci­na­tion où R0 reste à son niveau de début de 2021 (1,4), ce qui cor­re­spond à Reffec­tif pas­sant pro­gres­sive­ment de 1,2 à 0,81.

Le deux­ième sché­ma cor­re­spond à l’introduction d’une vac­ci­na­tion (100 000 immunisés/jour à par­tir du 20 jan­vi­er) qui fait baiss­er de façon sig­ni­fica­tive le nom­bre d’infectés en mars-avril. On se trou­ve alors dans une sit­u­a­tion où un con­fine­ment moins strict (par exem­ple cou­vre-feu ren­for­cé, restric­tions de cer­tains déplace­ments …) pour­rait être suffisant.

II — Simulation avec « variant anglais » 

Inté­grons dans les dia­grammes qui suiv­ent l’arrivée d’un vari­ant « anglais » (1,5 fois plus con­tagieux que le virus de type « 2020 »). Les derniers chiffres con­nus à ce jour (27/1/2021) indiquent qu’au 8 jan­vi­er 2,5% des per­son­nes con­t­a­m­inées l’auraient été par un virus de type « anglais. D’après notre mod­èle, ceci cor­re­spond à un « patient zéro » arrivant en France fin sep­tem­bre 2020 (ou plusieurs arrivant à des dates postérieures).

Dans une telle sit­u­a­tion s’engage une com­péti­tion entre « virus 2020 » et « vari­ant anglais » pour con­t­a­min­er les indi­vidus du com­par­ti­ment des « Sus­cep­ti­bles ». Grâce à sa con­ta­giosité supérieure, le vari­ant anglais prend le dessus, faisant dis­paraître en quelques mois le virus 2020.

D’après notre mod­èle, la pro­por­tion d’infections « anglais­es » par­mi l’ensemble des infec­tions Covid serait la suivante :

  • 8 jan­vi­er : 2,5 %
  • fin jan­vi­er : 14 %
  • fin févri­er : 60 %
  • fin mars : 94 %

En l’absence de vac­ci­na­tion et d’une mod­i­fi­ca­tion de com­porte­ment de la population

(R0 restant égal à 1,4 pour le virus « 2020 », et par voie de con­séquence 2,1 pour le virus « anglais ») on se trou­verait alors face à une cat­a­stro­phe san­i­taire majeure.

En bleu : virus 2020, En rouge : vari­ant « anglais », Pointil­lés : infec­tés au jour J, Traits pleins : nou­veaux infec­tés quotidiens

La vac­ci­na­tion à 100 000 immu­nisés par jour per­met de réduire de façon sig­ni­fica­tive le nom­bre d’infectés, mais pas de façon suff­isante en l’absence de mesures faisant simul­tané­ment baiss­er rad­i­cale­ment R0 « 2020 » jusqu’aux envi­rons de 1, les Reffec­tif pas­sant alors en-dessous de 1.

Ordon­nées : nom­bre quo­ti­di­en de nou­veaux infec­tés (traits pleins), nom­bre total d’infectés au jour J (pointil­lés)

Conclusion

Les sim­u­la­tions qui précè­dent, basées sur des hypothès­es prélim­i­naires con­cer­nant le rythme des vac­ci­na­tions, leur effi­cac­ité, la con­ta­giosité du « vari­ant anglais », le com­porte­ment de la pop­u­la­tion, qu’il soit spon­tané (peur de l’infection) ou con­traint (suivi des con­signes gou­verne­men­tales) ne peu­vent avoir valeur de prévi­sions tant que ces paramètres ne sont pas con­nus avec plus de précisions.

En revanche, ces sim­u­la­tions per­me­t­tent de bien com­pren­dre cer­tains mécan­ismes de l’épidémie ain­si que les effets prévis­i­bles de dif­férentes déci­sions de poli­tique san­i­taire. Elles mon­trent la sou­p­lesse du mod­èle sim­ple util­isé, qui peut être adap­té très rapi­de­ment à de nou­velles don­nées (nom­bre et car­ac­téris­tiques des vari­ants, rythme et effi­cac­ité des vac­ci­na­tions, vari­a­tions com­porte­men­tales de la population …).

ANNEXE


1. Ker­ma­ck, W. O., McK­endrick, A. & Walk­er, G. T. A con­tri­bu­tion to the math­e­mat­i­cal the­o­ry of epi­demics. Proc. R. Soc. A 115, 700–721. https://doi.org/10.1098/rspa.1927.0118 (1927).

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