L’ingénierie d’exploitation au service de la performance

Dossier : Les services aux entreprisesMagazine N°568 Octobre 2001Par : Michel ROZENHOLC (54), président, M. R. Conseil

L’exploitation des systèmes complexes

L’ac­tiv­ité indus­trielle con­duit à met­tre en œuvre des sys­tèmes com­plex­es dont les per­for­mances doivent être assurées.

Qu’il s’agisse de plates-formes pétrolières ou de cen­trales nucléaires, la con­ti­nu­ité du fonc­tion­nement car­ac­térisée par la disponi­bil­ité des sys­tèmes de pro­duc­tion nor­maux, la sûreté qui implique le main­tien de l’in­stal­la­tion dans des sit­u­a­tions définies et le con­fine­ment de pro­duits nocifs à l’in­térieur de bar­rières étanch­es con­stituent des enjeux per­ma­nents de l’exploitation.

Bien enten­du, l’é­conomie et d’autres per­for­mances sont égale­ment impor­tantes pour main­tenir la com­péti­tiv­ité de la pro­duc­tion. Pour attein­dre ces performances :

  • l’in­stal­la­tion doit être main­tenue en bonne con­di­tion matérielle,
  • et l’in­ter­ven­tion humaine est néces­saire selon des modes opéra­toires cod­i­fiés, reposant sur une infor­ma­tion pré­cise des opéra­teurs con­cer­nant l’é­tat de l’in­stal­la­tion et sur leur con­nais­sance de son fonc­tion­nement mise en œuvre selon un com­porte­ment respec­tant la cul­ture de sûreté.

L’ingénierie d’exploitation

Cette maîtrise de l’é­tat de l’in­stal­la­tion, des modal­ités de son exploita­tion et, en fin de compte, de ses per­for­mances est ren­due pos­si­ble par la mise à dis­po­si­tion d’un vaste ensem­ble de con­nais­sances, de doc­u­ments, de presta­tions intel­lectuelles et d’ex­pli­ca­tions fournies aux exploitants à titre d’ac­com­pa­g­ne­ment. Un tel arrière-plan de sou­tien, con­sti­tué de façon méthodique, peut être appelé ingénierie d’exploitation.

L’ingénierie d’exploitation des installations nucléaires

Dans cet arti­cle, nous présen­tons quelques remar­ques sur l’ingénierie d’ex­ploita­tion des instal­la­tions nucléaires : tranch­es de pro­duc­tion d’élec­tric­ité nucléaire et usines du cycle de combustible.

Les effec­tifs de l’ingénierie représen­tent 15 à 20 % des effec­tifs d’ex­ploita­tion : 20 000 agents pour exploiter (con­duire et entretenir) les tranch­es nucléaires d’EDF, 3 500 agents dans l’u­sine de traite­ment de com­bustibles usés de La Hague. Des équipes très nom­breuses d’ingénierie doivent donc inter­a­gir effi­cace­ment avec des groupes encore plus volu­mineux d’ex­ploitants. Nos pro­pres ser­vices se situent dans l’as­sis­tance à l’a­juste­ment de l’ingénierie au ser­vice des per­for­mances des instal­la­tions au cours de leur exploitation.

L’exploitation des installations nucléaires

Les enjeux de l’ex­ploita­tion nucléaire con­cer­nent la sûreté, l’é­conomie et l’en­vi­ron­nement. Sur ces dif­férents plans, les résul­tats mon­trent en moyenne une amélio­ra­tion impor­tante depuis dix ans. Sur le plan économique, la disponi­bil­ité des instal­la­tions et le taux de com­bus­tion du com­bustible aug­mentent. Les vol­umes de déchets pro­duits et les dos­es d’ir­ra­di­a­tion reçues par les exploitants dimin­u­ent. La disponi­bil­ité des sys­tèmes de sauve­g­arde s’ac­croît et le retour d’ex­péri­ence per­met de sans cesse amoin­drir la fréquence et la sévérité des inci­dents opérationnels.

Ces résul­tats sont le fruit de méth­odes strictes employées avec détermination :

  • pour l’ex­ploita­tion : la bonne appli­ca­tion des règles et des procé­dures, la sur­veil­lance, le con­trôle, la cul­ture de sûreté, le man­age­ment par la qual­ité, l’op­ti­mi­sa­tion de la main­te­nance par la fiabilité,
  • pour les évo­lu­tions des instal­la­tions : la maîtrise de la con­cep­tion et de la réal­i­sa­tion par un bon man­age­ment de pro­jet, la qual­ité des proces­sus d’é­tude et de réal­i­sa­tion, la super­vi­sion des porte­feuilles de dossiers et de pro­jets, la pré­pa­ra­tion des inter­ven­tions en com­mun entre l’ex­ploitant et l’ingénierie, l’ac­com­pa­g­ne­ment des dossiers auprès des exploitants par l’ingénierie.

Les conditions de réussite de l’ingénierie d’exploitation nucléaire

L’ingénierie est habituelle­ment occupée par la réal­i­sa­tion des instal­la­tions neuves. Elle prend en charge assez naturelle­ment les opéra­tions impor­tantes de main­te­nance et les mod­i­fi­ca­tions des installations.

Cepen­dant, l’ingénierie d’ex­ploita­tion nucléaire doit aus­si se préoc­cu­per de fournir les doc­u­ments de mise à jour de la con­fig­u­ra­tion de l’in­stal­la­tion, les doc­u­ments d’ex­ploita­tion cor­re­spon­dants et les change­ments du référen­tiel d’ex­ploita­tion ten­ant compte de l’évo­lu­tion des exi­gences des autorités de sûreté ain­si que l’ac­com­pa­g­ne­ment d’ex­pli­ca­tions et de for­ma­tion des exploitants, y com­pris sur sim­u­la­teur, qui leur cor­re­spon­dent. Il est clair que de telles presta­tions exi­gent une adap­ta­tion des méth­odes de tra­vail de l’ingénierie et surtout une mobil­i­sa­tion au ser­vice de l’exploitation.

Cette mobil­i­sa­tion demande une volon­té, affir­mée et trans­mise aux acteurs, de rassem­bler toutes les com­pé­tences qui tra­vail­lent, dans les deux exem­ples choi­sis, pour le parc nucléaire ou pour l’étab­lisse­ment de La Hague, au ser­vice d’une cause com­mune : mieux réus­sir l’exploitation.

La pre­mière con­di­tion con­cerne la trans­ver­sal­ité. À cet effet, il faut faire partager à tous les enjeux de l’ex­ploita­tion : sûreté, disponi­bil­ité, économie, écolo­gie. Pour être effi­cace, ce partage doit com­mencer, dès l’ap­pari­tion des men­aces ou oppor­tu­nités d’amélio­ra­tion des per­for­mances, au début de la phase d’in­struc­tion des pro­jets qui per­me­t­tent de traiter les évo­lu­tions. L’ingénierie est donc asso­ciée dès la déf­i­ni­tion des besoins des projets.

La phase d’in­struc­tion, avant la déci­sion de réalis­er, qui est cri­tique pour la réus­site, appelle le con­cours de toutes les com­pé­tences per­ti­nentes afin de décel­er les besoins et les con­traintes. De même cette trans­ver­sal­ité est indis­pens­able dans d’autres phas­es et, notamment :

  • pour pré­par­er en com­mun les inter­ven­tions sur les instal­la­tions qui sont déjà en cours d’exploitation,
  • en vue de définir, pré­par­er et délivr­er les ser­vices d’ac­com­pa­g­ne­ment à l’exploitant.

La deux­ième con­di­tion est de con­duire les pro­jets selon un référen­tiel de man­age­ment par pro­jets qui soit partagé par tous les acteurs, exploitants et ingénierie, et qui définisse claire­ment les rôles dans les projets :

  • maître d’ou­vrage ou com­man­di­taire (éma­na­tion de l’ex­ploitant) qui décide du lance­ment du pro­jet et de la mise à dis­po­si­tion des moyens d’é­tude et de réalisation,
  • maître d’ou­vrage délégué ou pilote stratégique qui véri­fie l’op­por­tu­nité, pré­cise les besoins en fonc­tion du con­texte et des enjeux stratégiques pour l’en­tre­prise et établit l’or­gan­i­sa­tion pour réalis­er le projet,
  • le maître d’œu­vre ou pilote opéra­tionnel (appar­tenant sou­vent à l’ingénierie) qui dirige la réal­i­sa­tion dans les con­di­tions con­tractuelles prévues.

La troisième con­di­tion, dans des instal­la­tions com­plex­es, appelle un man­age­ment des porte­feuilles de dossiers en cours de traite­ment afin de maîtris­er les évo­lu­tions, de réguler l’ap­pel aux ressources d’ingénierie et aux autres ressources rares et de hiérar­chis­er les priorités.

Ces principes d’or­gan­i­sa­tion peu­vent paraître évi­dents mais lorsqu’il s’ag­it de les met­tre en appli­ca­tion dans de grands organ­ismes afin qu’y par­ticipent leurs grandes direc­tions de R & D, d’ingénierie, de métiers spé­cial­isés et d’ex­ploita­tion, cela requiert un change­ment des com­porte­ments et donc de la cul­ture. Là se situe la rupture !

L’ingénierie d’ex­ploita­tion est donc un méti­er qui se con­stitue. Les acteurs peu­vent déjà être fiers des résul­tats qu’ils ont pu obtenir. 

Références

► STRICKER L. (2001) — Le directeur du parc nucléaire juge posi­tif le bilan de l’an­née 2000, Revue Générale Nucléaire, mars-avril.
► CARLE R. (2000) — Exploita­tion des cen­trales nucléaires, Revue Générale Nucléaire, mars-avril.
► (2001) — Sta­tis­tics show U.S. nuclear plants always improv­ing, Nuclear News - May 2001.
► HEDIN F. (2001) — Main­te­nance des cen­trales nucléaires EDF, Revue Générale Nucléaire, mars-avril.

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