L’expert, l’arbitre et l’éthique

Dossier : L'ExpertiseMagazine N°695 Mai 2014
Par Geneviève AUGENDRE

Le tri­bunal arbi­tral n’est pas néces­saire­ment com­posé de juristes. Un expert peut être désigné en qual­ité d’arbitre, et il est fréquent qu’un tri­bunal arbi­tral com­posé de trois mem­bres com­prenne un expert, spé­cial­iste de la tech­nique en cause.

L’expert des par­ties est générale­ment enten­du par le tri­bunal arbi­tral en présence des par­ties en qual­ité de témoin pour con­firmer ses con­stata­tions. Le tri­bunal arbi­tral peut aus­si désign­er un ou plusieurs experts. La présence dans les procé­dures d’arbitrage d’au moins deux experts (un pour cha­cune des par­ties) rend par­faite­ment inutile le recours à un troisième expert que pour­rait désign­er le tri­bunal arbitral.

REPÈRES

Un expert est un technicien, appelé à faire connaître son avis sur un problème donné à une juridiction composée de juristes totalement étrangers à la discipline en cause qui généralement, dans les décisions qu’ils rendent, entérinent les conclusions du rapport d’expertise.
L’arbitrage est une autre forme de juridiction. C’est un procédé de règlement des conflits, un « mode conventionnel de règlement des litiges par des particuliers choisis directement ou indirectement par les parties et investis du pouvoir de juger à la place des juridictions étatiques par une décision ayant des effets analogues à ceux d’un jugement ». C’est une justice privée fondée essentiellement sur la volonté des parties de se soumettre à l’arbitrage.

Une procédure longue

Une procé­dure d’expertise a la répu­ta­tion d’être longue. Avoir recours à un expert au cours d’un arbi­trage peut aug­menter con­sid­érable­ment le délai de l’arbitrage. Générale­ment, la procé­dure est sus­pendue pen­dant la mesure d’instruction et reprend après le dépôt du rapport.

Une question d’éthique

Sur le plan de l’éthique, la situation de l’expert peut être rapprochée de celle de l’arbitre

Sur le plan de l’éthique, la sit­u­a­tion de l’expert peut être rap­prochée de celle de l’arbitre. L’avis de l’expert est impor­tant et il est sou­vent déter­mi­nant pour la solu­tion du lit­ige, ce qui l’oblige à respecter cer­taines règles. Ain­si, tout d’abord, il doit éviter d’être en sit­u­a­tion de con­flit d’intérêts. Il doit être totale­ment indépen­dant, des arbi­tres, des par­ties, de leurs con­seils et des autres experts. Il doit être impar­tial et accom­plir sa mis­sion en toute indépen­dance pour que sa déci­sion et son avis soient objectifs.

Respecter ses obligations

La jurispru­dence se mon­tre sévère à l’égard de l’arbitre qui ne respecte pas ces obligations.

Un expert amiable

Il est habituel, dans un arbitrage, que chacune des parties, à l’appui de sa position, sollicite l’avis d’un expert amiable, qui étudie la situation et fait un rapport, communiqué au tribunal arbitral et à l’autre partie.

Il en va de même pour l’expert qui pour­rait être con­testé s’il appa­raît qu’il entre­tient ou avait per­son­nelle­ment entretenu des rela­tions avec l’une des par­ties au lit­ige, de nature à faire naître dans l’esprit des par­ties un doute légitime sur son indépen­dance et son impartialité.

Afin de met­tre les par­ties en mesure d’apprécier l’impartialité et l’indépendance de l’arbitre, le droit français de l’arbitrage oblige l’arbitre pressen­ti, depuis le décret du 13 jan­vi­er 2011, à rem­plir une déc­la­ra­tion d’indépendance dans laque­lle il révèle « toute cir­con­stance sus­cep­ti­ble d’affecter son indépen­dance ou son impartialité ».

Une sem­blable déc­la­ra­tion pour­rait être demandée à l’expert dont la respon­s­abil­ité pour­rait être recher­chée si l’avis qu’il a émis, qui a été déter­mi­nant pour le tri­bunal arbi­tral qui l’a repris dans la sen­tence, n’était pas objec­tif et neutre.

Activité intellectuelle

La compétence commande le choix de l’arbitre

En matière d’arbitrage, un arbitre pressenti avait déclaré avoir fait partie d’un groupe de presse. Les parties ont été d’accord pour qu’il préside le tribunal arbitral, car c’est justement sa compétence dans ce domaine qui avait commandé son choix.

Il y a toute­fois des infor­ma­tions qui sont sans inci­dence sur l’indépendance et dont la révéla­tion n’est pas oblig­a­toire. Il a été jugé que l’activité sci­en­tifique et intel­lectuelle, s’agissant de l’arbitre, ne représente pas une atteinte à son indépendance.

C’est ain­si que, par arrêt du 5 juil­let 2012, la Cour de cas­sa­tion a jugé qu’un arbi­tre « n’a pas com­mis de faute en ne révélant pas une présence occa­sion­nelle à un col­loque dans un domaine où il était spé­cial­isé en tant qu’avocat, présence dont ne saurait être déduite l’absence d’indépendance d’esprit et d’impartialité suff­isante pour accom­plir sa mis­sion de juger ».

Compétences et indépendance

Il en est de même pour l’expert. Cepen­dant, une déc­la­ra­tion faite par un expert, révélant ses liens avec une par­tie dans un domaine spé­ci­fique, pour­rait juste­ment amen­er les par­ties à faire choix de cet expert, en rai­son notam­ment de sa com­pé­tence con­nue dans le domaine concerné.

Ce qui est impor­tant, c’est de révéler les cir­con­stances qui pour­raient aux yeux des par­ties être sus­cep­ti­bles de porter atteinte à l’indépendance, de façon à ce que celles-ci, infor­mées, acceptent en con­nais­sance de cause la désig­na­tion de tel expert.

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