Science et technique au service du règlement des conflits

Dossier : L'ExpertiseMagazine N°695 Mai 2014
Par Philippe FLEURY (59)

Expert, exper­tise : ces ter­mes vagues envahissent notre vie quo­ti­di­enne. Pas un jour­nal télévisé qui ne fasse appel à un « expert » bien sou­vent allégué ou auto­proclamé ; des séries, des films les éri­gent en héros. Même notre revue, depuis le numéro spé­cial « Juges, experts, citoyens » de décem­bre 2005 (n° 610), a évo­qué à de mul­ti­ples repris­es ces thèmes de l’expertise et de l’expert de jus­tice ou assim­ilé, celui qui nous occu­pera ici.

Comme le soulig­nait notre regret­té cama­rade Michel Brisac en 2005, « cha­cun de nous, au cours de sa vie pro­fes­sion­nelle ou privée, s’est trou­vé à un moment ou à un autre con­fron­té à un dif­férend avec un inter­locu­teur, rela­tion, four­nisseur ou client, dont il esti­mait qu’il n’avait pas respec­té un con­trat ou avait com­mis une erreur ou une faute et qui lui avait porté préjudice ».

Ques­tion tech­nique ? le plus souvent.

Ques­tion con­tractuelle ? aus­si souvent.

Abor­der ce sujet implique de définir la notion d’expert, qui est une fonc­tion, pas seule­ment une com­pé­tence, ses dif­férences avec le savant ou le spé­cial­iste, et de s’interroger sur les raisons de l’explosion de l’expertise.

Ce qui con­duit à établir une typolo­gie des dif­férentes natures d’expertise : civile, judi­ci­aire, de par­tie, d’assurances, finan­cière, pénale, mais toutes fondées sur l’exploitation des sci­ences et tech­niques ; et à exam­in­er l’évolution (la dématéri­al­i­sa­tion notam­ment) et la ten­dance actuelle à l’expansion du recours à l’arbitrage, à la con­cil­i­a­tion et à la médi­a­tion en France comme en dehors de ses frontières.

Dans ses Pro­pos d’un con­fiseur, Auguste Detœuf dépeint l’expert comme celui qui sait class­er les faits, les idées et men­er une analyse logique sans vouloir, ni pou­voir, impos­er et sub­stituer sa vision des faits à la réal­ité : « igno­rance con­sciente, méth­ode, objectivité ».

On conçoit ain­si qu’une exper­tise puisse ne pas débouch­er sur un rap­port défini­tif lorsque les par­ties, éclairées par les réu­nions et par le dis­cours de l’expert, con­sta­tent que leur intérêt est de con­clure un accord sans autre inter­ven­tion extérieure (juge du fond, tri­bunal arbi­tral, etc.) au seul vu de ses enseigne­ments. Remar­quons au pas­sage que l’expert ne décide pas à la place des par­ties, qu’il peut en revanche les éclair­er sur la déci­sion à pren­dre dans une optique équili­brée, voire équitable, de la solu­tion au con­flit. Il devient un accoucheur de solution.

Comme sou­vent, aus­si, l’arbitre qu’il peut être dans une autre configuration.

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