Les mathématiques permettent de prévoir les crises d’épilepsie

Dossier : ExpressionsMagazine N°710 Décembre 2015
Par Michel LE VAN QUYEN

L’épilep­sie se man­i­feste par inter­mit­tence : elle est car­ac­térisée par la sur­v­enue d’une perte de con­trôle bru­tale qui désor­gan­ise tem­po­raire­ment la cog­ni­tion et per­turbe la con­science. Cette émer­gence imprévis­i­ble est respon­s­able de l’excès de trau­ma­tismes et de mor­tal­ité con­statés chez ces patients épilep­tiques et pro­duit une insécu­rité per­ma­nente pour les malades et leur entourage.

Orages cérébraux

LES TROIS MISSIONS DE LA FFRE

La Fondation française pour la recherche sur l’épilepsie (FFRE), créée en 1991 à l’initiative de Bernard Esambert (54), finance des recherches innovantes et pluridisciplinaires sur l’épilepsie, accompagne et oriente au quotidien les patients et leurs familles, et enfin mène des campagnes d’information et des événements de levée de fonds pour démythifier l’épilepsie, changer le regard, sensibiliser et mobiliser notamment les pouvoirs publics.
Depuis sa création, elle a financé directement une trentaine de bourses ou prix de 10 000 à 15 000 euros ; 14 crédits de recherche de 30 000 euros, 3 crédits de recherche de 160 000 euros ; deux crédits de recherche de 90 000 euros et un crédit de recherche de 70 k€ ainsi que plus de 420 k€ pour du matériel hospitalier dédié à la recherche clinique en épileptologie.
Elle soutient par ailleurs indirectement via ses partenaires (autres fondations, Maison de la chimie, etc.) un ou deux projets de plus par an, soit au total 4 à 5 projets épilepsie soutenus par an, évalués et soutenus par la FFRE.
Celle-ci ne reçoit aucune aide de l’État et ne vit que de la générosité des particuliers et de quelques trop rares entreprises.

Grâce aux pro­grès des neu­ro­sciences, on sait que les crises résul­tent d’une décharge élec­trique exces­sive dans le cerveau, qui per­turbe pro­vi­soire­ment son fonctionnement.

Pour­tant, une ques­tion fon­da­men­tale reste ouverte : cet « orage cérébral » ne serait-il pas précédé par des signes précurseurs ? La ques­tion est d’importance car, si l’on savait anticiper l’émergence d’une crise, un tel sig­nal d’alarme aver­ti­rait les patients et dimin­uerait ain­si le risque d’accident, et plus glob­ale­ment l’anxiété liée à l’imprévisibilité des crises.

À terme, cela ouvri­rait même la voie à des inter­ven­tions thérapeu­tiques pour faire avorter la crise avant son installation.

Un appel à la théorie du chaos

Bien sûr, l’une des prin­ci­pales dif­fi­cultés réside dans la nature com­plexe et dif­fi­cile­ment analysable des activ­ités du cerveau, extrême­ment irrégulières sur le long terme.

Depuis quelques années, néan­moins, des mod­èles des math­é­ma­tiques adap­tées à l’analyse de la com­plex­ité ont vu le jour.

L’hypothèse fon­da­men­tale de ces méth­odes car­ac­térisant le « chaos cérébral » est que ces sig­naux com­plex­es, mal­gré une ten­dance à être extrème­ment fluc­tu­ants (impli­quant a for­tiori l’im­pos­si­bil­ité de prévoir leur évo­lu­tion à long terme), pos­sè­dent néan­moins des lois cachées qui peu­vent être identifiées.

En 2001, ces méth­odes ont trou­vé une con­créti­sa­tion dans les travaux que j’ai pu men­er en col­lab­o­ra­tion avec l’u­nité d’épilep­tolo­gie de la Pitié-Salpêtrière (M. Baulac), grâce en par­ti­c­uli­er au sou­tien de la FFRE.

Nous avons pu met­tre en évi­dence l’ex­is­tence de change­ments antic­i­pa­teurs plusieurs min­utes avant la crise à par­tir de l’analyse math­é­ma­tique de l’élec­tro-encéphalo­gramme. À la suite, de mul­ti­ples études ont con­fir­mé ces pre­mières observations.

Le « Neu­ro­naute », un sys­tème de pré­dic­tion des crises, dévelop­pé par la société BioSeren­i­ty et les chercheurs de l’ICM à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. À par­tir de mul­ti­ples sig­naux phys­i­ologiques mesurés par un vête­ment con­nec­té, des cal­culs de type machine learn­ing sont effec­tués en temps réel pour per­me­t­tre d’avertir les per­son­nes épilep­tiques de l’imminence de leur crise. L’alarme est trans­mise par l’intermédiaire d’un smart­phone, celui du médecin, du patient lui-même ou de l’un de ses proches.

Électro encéphalogramme mobile

Sur la base de ces recherch­es inter­dis­ci­plinaires, à la jonc­tion entre les math­é­ma­tiques et la médecine, mon équipe a dévelop­pé un sys­tème d’alerte dans l’In­sti­tut du cerveau et de la mœlle épinière (ICM). Dans ce cadre, une col­lab­o­ra­tion s’est faite avec une start-up appelée BioSeren­i­ty, la pre­mière société au monde à dévelop­per des vête­ments con­nec­tés dédiés aux besoins de la neu­rolo­gie inclu­ant l’élec­troencéphalo­gramme mobile.

Actuelle­ment, les chercheurs de l’ICM et l’in­dus­triel dévelop­pent ensem­ble l’ap­pli­ca­tion du “ Neu­ro­naute ”, un vête­ment con­nec­té per­me­t­tant d’aver­tir en temps réel les per­son­nes épilep­tiques de leur crise par l’in­ter­mé­di­aire d’un smart­phone, celui du médecin, du patient lui-même ou d’un de ses proches.

À par­tir de mul­ti­ples sig­naux phys­i­ologiques, des cal­culs de type machine learn­ing sont ici effec­tués en temps réel par des super­cal­cu­la­teurs en cloud pour per­me­t­tre l’i­den­ti­fi­ca­tion des signes précurseurs aux crises.

Ce pro­jet a réal­isé sa pre­mière lev­ée de fonds, d’un mon­tant de 3 mil­lions d’eu­ros, en juin 2015, auprès de Kur­ma Diag­nos­tics et IdIn­vest Partners.

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