Le conseil et l’ingénierie informatique

Dossier : Les consultantsMagazine N°528 Octobre 1997Par : Michel GAUTIER (54), PDG de Steria

Les nou­velles tech­nolo­gies de l’in­for­ma­tion sont partout ; elles sont ren­dues incon­tourn­ables par la mon­di­al­i­sa­tion de l’é­conomie, et elles trans­for­ment rad­i­cale­ment les entre­pris­es. De nou­veaux con­cepts s’im­posent : les sys­tèmes d’in­for­ma­tion con­cer­nent main­tenant l’en­tre­prise éten­due à ses clients et à ses four­nisseurs, ils doivent per­me­t­tre à l’en­tre­prise d’avoir une par­faite con­nais­sance de sa clien­tèle, de ses besoins, de sa sat­is­fac­tion, de son évo­lu­tion. L’in­for­ma­ti­sa­tion, qui jusqu’à ces dernières années était un investisse­ment de pro­duc­tiv­ité, devient un investisse­ment de con­quête, per­me­t­tant des gains de parts de marché et la con­cep­tion per­ma­nente de nou­veaux pro­duits pour fidélis­er les anciens clients et attir­er les nouveaux.

L’en­tre­prise devient même virtuelle avec comme seul accès à sa clien­tèle Inter­net et les réseaux, comme par exem­ple la banque à domi­cile ou les agences de voy­ages les plus mod­ernes. Par­al­lèle­ment, les sys­tèmes opéra­tionnels (régu­la­tion d’une ligne de métro, d’un aéro­port, super­vi­sion des équipements d’une usine ou d’une cen­trale, sys­tèmes d’in­for­ma­tion et de com­man­de­ments mil­i­taires ou de pro­tec­tion civile), et les sys­tèmes embar­qués (avions, TGV, auto­mo­biles) pren­nent une impor­tance cru­ciale et devi­en­nent fac­teurs de dif­féren­ci­a­tion vis-à-vis des con­cur­rents. En bref, la réac­tiv­ité et la capac­ité à anticiper des entre­pris­es et des organ­i­sa­tions dépen­dent de plus en plus étroite­ment de l’ef­fi­cac­ité de leurs sys­tèmes d’in­for­ma­tion et de communication.

C’est dire la place pri­mor­diale que prend la con­nais­sance du méti­er du client et des grandes fonc­tions de l’en­tre­prise dans l’ingénierie infor­ma­tique. Or c’est le domaine d’ex­cel­lence du con­sul­tant, et rien d’é­ton­nant à ce que ce dernier prenne une place de plus en plus impor­tante dans tout proces­sus de con­cep­tion et de réal­i­sa­tion de sys­tème infor­ma­tique. Pour le mon­tr­er, rap­pelons ce qu’ont été les dif­férentes étapes de l’informatisation.

La pre­mière étape a été l’au­toma­ti­sa­tion des proces­sus : il y a eu peu d’imag­i­na­tion fonc­tion­nelle, ce qui d’ailleurs ne dimin­ue en rien le mérite des pio­nniers de cette étape. La deux­ième a été l’in­for­ma­ti­sa­tion, notam­ment dans le ter­ti­aire ; elle n’est pas achevée partout, et elle a con­cerné les dif­férentes fonc­tions de l’en­tre­prise (la paie et les ressources humaines, la compt­abil­ité, les achats, la ges­tion des stocks, la ges­tion de pro­duc­tion, la main­te­nance…), sans qu’on recherche la trans­ver­sal­ité, les bases de don­nées com­munes. On a infor­ma­tisé les dif­férents ser­vices, tels qu’ils se présen­taient. Les entre­pris­es et les organ­i­sa­tions mod­ernes sont passées à la troisième étape dans laque­lle l’indépen­dance des dif­férentes fonc­tions de l’en­tre­prise est remise en cause.

Pri­or­ité est don­née au trans­ver­sal, à ce qui unit les fonc­tions (la sat­is­fac­tion opti­male des besoins du client et la recherche de la crois­sance et de la rentabil­ité), à la réingénierie des proces­sus, à la mise en forme de l’in­for­ma­tion pour les déci­sions stratégiques. On passe d’une infor­ma­tique de pro­duc­tiv­ité à une infor­ma­tique de conquête.

Déjà dans les deux pre­mières étapes, l’in­for­mati­cien, pour réus­sir son automa­ti­sa­tion ou son infor­ma­ti­sa­tion, avait besoin d’un con­sul­tant con­nais­sant le méti­er du client, son organ­i­sa­tion et les proces­sus exis­tants. Mais la capac­ité d’analyse de l’in­for­mati­cien et les méth­odes de con­cep­tion util­isées per­me­t­taient à ce dernier de trou­ver facile­ment ses mar­ques pour pass­er du “quoi ?” (le cahi­er des charges et les spé­ci­fi­ca­tions du sys­tème) au “com­ment ?” (la con­cep­tion générale et détail­lée) puis à la réal­i­sa­tion pro­pre­ment dite (le codage) et ensuite aux tests, à l’in­té­gra­tion des com­posants, et à la validation.

Ceci se fai­sait d’au­tant mieux que l’in­for­mati­cien de l’équipe d’ingénierie avait comme inter­locu­teur chez le client un autre infor­mati­cien, qui par­lait le même lan­gage, sou­vent ésotérique et que la direc­tion générale, les direc­tions opéra­tionnelles et fonc­tion­nelles du client trou­vaient plus con­fort­able et plus pru­dent de laiss­er les infor­mati­ciens entre eux.

Mais l’in­for­ma­tique s’est depuis banal­isée. La majorité des dirigeants actuels n’en a plus peur. Ils ont com­pris qu’elle était stratégique et les pre­scrip­teurs sont main­tenant les direc­tions opéra­tionnelles et fonc­tion­nelles c’est-à-dire les util­isa­teurs qui veu­lent penser et pilot­er leurs investisse­ments infor­ma­tiques comme leurs autres investisse­ments ; et ceci d’au­tant plus que l’in­for­ma­tique est dev­enue dis­tribuée, plus ergonomique, qu’elle s’af­fran­chit des grands ordi­na­teurs cen­traux qui étaient le domaine réservé des infor­mati­ciens et que les réseaux sont rois (Inter­net, Intranet). Les nou­veaux don­neurs d’or­dre veu­lent qu’on par­le leur lan­gage, ils veu­lent comprendre.

L’in­for­mati­cien ingénieriste est devenu par oblig­a­tion plus com­mu­ni­cant, moins ésotérique dans ses écrits et son expres­sion, et il doit de plus en plus oeu­vr­er en équipe avec des con­sul­tants qui sont l’in­ter­face idéale avec ces nou­veaux respon­s­ables et qui peu­vent aider à traduire leurs désirs dans la réal­ité informatique.

C’est la rai­son pour laque­lle on trou­ve de plus en plus de con­sul­tants dans les équipes de con­cep­tion et de réal­i­sa­tion. Ces con­sul­tants qu’on nomme à Ste­ria con­sul­tants experts ont cha­cun leur spécialité.

On peut distinguer :

— les spé­cial­istes des grandes fonc­tions de l’en­tre­prise (finances et compt­abil­ité, ges­tion com­mer­ciale, ressources humaines, logis­tique, sécurité…),
— les con­sul­tants experts métiers : opéra­teurs de télé­coms, exploita­tion autoroutière ou fer­rovi­aire, banque, assur­ance, défense…,
— les con­sul­tants experts en sys­tèmes d’in­for­ma­tion et de com­mu­ni­ca­tion, sché­ma directeur, archi­tec­tures, réseaux, bases de don­nées, progiciels.…

Mais tous ont en com­mun (comme tout bon con­sul­tant) d’être aptes au dia­logue et à l’é­coute. Ils doivent aimer con­va­in­cre et être péd­a­gogues. Ils doivent aimer la sim­plic­ité (“inven­teur de sim­plic­ité”, dis­ait Pierre Masse en par­lant des bons ingénieurs). Ils doivent savoir arbi­tr­er, entre ce que d’au­cuns nomment :

— le tou­jours plus des util­isa­teurs sur le plan fonctionnel,
— le tou­jours mieux des infor­mati­ciens sur le plan technique,
— le tou­jours moins des con­trôleurs de ges­tion sur le plan des coûts.

Du tra­vail fécond en équipe de l’in­for­mati­cien et du con­sul­tant est en train de naître une nou­velle généra­tion de sys­tèmes d’in­for­ma­tion et de com­mu­ni­ca­tion, de sys­tèmes opéra­tionnels et de sys­tèmes embar­qués mieux adap­tés, plus con­vivi­aux, plus sûrs. Comme la grande ingénierie indus­trielle, l’ingénierie infor­ma­tique est en train d’ac­quérir ses let­tres de noblesse.

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