La dimension géographique dans le marketing

Internet et les Entreprises de Distribution : l’apport du géomarketing

Dossier : Les consultantsMagazine N°528 Octobre 1997
Par Gilles MOUTET (63)

Après des années de réduc­tion des coûts, de réengi­neer­ing et de restruc­tura­tion, l’en­jeu vital pour les entre­pris­es est désor­mais leur rap­port avec leurs clients, et notam­ment la manière dont elles dis­tribuent leurs pro­duits et ser­vices. Le géo­mar­ket­ing est au car­refour de deux dis­ci­plines, le mar­ket­ing sci­en­tifique et les sys­tèmes d’in­for­ma­tion géo­graphiques. Le géo­mar­ket­ing peut pren­dre deux formes : une approche un peu super­fi­cielle, où l’on col­o­rie des cartes dans un but d’il­lus­tra­tion plus que d’ex­pli­ca­tion et de ges­tion ; cette approche assez répan­due aujour­d’hui per­met de répon­dre de manière incom­plète et ponctuelle à cer­taines ques­tions de mar­ket­ing opéra­tionnel local.

L’autre approche est une approche sys­tème qui intè­gre la dimen­sion géo­graphique dans le sys­tème d’in­for­ma­tion de l’en­tre­prise : le sys­tème d’in­for­ma­tion com­porte un sys­tème d’in­for­ma­tion mar­ket­ing (SIM), qui s’ap­puie quant à lui sur le sys­tème d’in­for­ma­tion géo­mar­ket­ing. Son but est d’as­sur­er la cohérence entre l’analyse stratégique (quelles sont nos activ­ités ?), le mar­ket­ing stratégique (quels sont et où sont nos marchés ? Quels sont et où sont nos canaux de dis­tri­b­u­tion ?) et le mar­ket­ing opéra­tionnel (quels sont et où sont nos clients ?). Cette approche sys­tème géo­mar­ket­ing intè­gre bases de don­nées internes à l’en­tre­prise (clients, pro­duits, canaux), bases de don­nées externes (marchés, con­cur­rents) et bases d’ob­jets géo­graphiques (îlots, seg­ments de voies, bar­rières physiques, can­tons, routes…). C’est celle que nous pro­posons avec la plate-forme Captigéo.

À qui s’adresse une telle approche ? à toutes les entre­pris­es pour qui la dis­tri­b­u­tion et la vente à une clien­tèle de détail sont la rai­son d’être : banque, assur­ance, télé­com­mu­ni­ca­tions, grande dis­tri­b­u­tion, ser­vices (eau, gaz, élec­tric­ité…), trans­port et tourisme… et qui se trou­vent dans une sit­u­a­tion de con­cur­rence ; cer­tains ser­vices à car­ac­tère monop­o­lis­tique sont dans une logique de ser­vice à l’é­gard d’usagers et n’ont pas encore le dou­ble impératif de con­quête de marché et de fidéli­sa­tion de la clien­tèle acquise. Elles ne ressen­tent pas forte­ment le besoin de met­tre en place des sys­tèmes d’in­for­ma­tion mar­ket­ing et encore moins géo­mar­ket­ing ; les choses peu­vent changer.

Le géo­mar­ket­ing s’ap­plique aux fonc­tions de mar­ket­ing stratégique et aux fonc­tions de mar­ket­ing opéra­tionnel. Aujour­d’hui, Inter­net va pro­fondé­ment mod­i­fi­er le mar­ket­ing des entre­pris­es de dis­tri­b­u­tion. Quelle est l’im­por­tance de cet impact et de quelle façon le géo­mar­ket­ing per­met-il de mesur­er et de gér­er les évo­lu­tions possibles ?


INTÉGRER LA DIMENSION GÉOGRAPHIQUE DANS LE SYSTEME D’INFORMATION MARKETING DE L’ENTREPRISE

A — Les fonctions de marketing stratégique : les agences physiques vont-elles disparaître ?

Pour les entre­pris­es de dis­tri­b­u­tion, men­tion­nées précédem­ment, on dis­tinguera la péri­ode avant Inter­net et la péri­ode après Inter­net. La ques­tion est d’é­val­uer, par secteur d’ac­tiv­ité, la vitesse de migra­tion des clien­tèles du canal physique (agences, agents, points de ventes, mag­a­sins) au canal virtuel (le tout Inter­net). Cette vitesse de migra­tion est liée aux préférences qu’au­ront les clients de con­som­mer tel produit/service sur tel canal de dis­tri­b­u­tion ; cette vitesse dépend des secteurs d’ac­tiv­ités, des pays, des régions, et de la capac­ité des four­nisseurs à pro­pos­er des com­bi­naisons produits/ canaux attrayantes.

En toute hypothèse, si nous prenons le cas de la banque, nous ne pen­sons pas que les agences physiques soient amenées à dis­paraître au prof­it du tout Inter­net ; la migra­tion totale peut pren­dre quelques généra­tions. En revanche, le canal Inter­net va mor­dre con­sid­érable­ment sur le canal agence dans les années à venir, en asso­ci­a­tion avec d’autres canaux : les pre­scrip­teurs, les plates-formes télé­phoniques, les auto­mates, les cartes et ser­vices asso­ciés. Le Mini­tel, en avance sur son temps, est con­damné à “s’in­ter­ne­tis­er”. Pour pilot­er et gér­er cette migra­tion majeure, dont l’en­jeu infor­ma­tique nous sem­ble large­ment supérieur au pas­sage à l’an 2000, l’ap­proche sys­tème géo­mar­ket­ing est incon­tourn­able avec tout ce qu’elle implique en con­seil interne ou externe à l’entreprise.

1 — Avant Internet

Avant Inter­net, il n’y a pas eu de raz-de-marée ! Mais on a pu observ­er des canaux alter­nat­ifs. La dis­tri­b­u­tion est essen­tielle­ment physique : l’a­gence, le point de vente, le mag­a­sin répon­dent à une attente forte de prox­im­ité. Cette attente évolue avec l’ap­pari­tion de la vente par télé­phone, de la vente par cor­re­spon­dance, du Mini­tel en France ; la vente par télé­phone, dernière en date, trou­ve encore quelques réti­cences en France ; au Roy­aume-Uni, l’as­sur­ance dom­mage auto­mo­bile est ven­due, à 25 %, par téléphone.

Reprenons l’ex­em­ple de la banque ; les démarch­es d’Hen­ri Ger­main, pour implanter les agences de la pre­mière banque française de l’époque, étaient très voisines de celles d’aujourd’hui.

L’ap­proche sys­tème est dif­férente : aujour­d’hui, il faut que le mode de pilotage soit à la fois local et glob­al. Sur le plan nation­al, il faut pou­voir opti­miser un réseau physique d’a­gences en fonc­tion des poten­tiels du marché (forte­ment liés à la vari­able prox­im­ité), les préférences des clients et les coûts de dis­tri­b­u­tion. L’ob­jec­tif est sim­ple : inve­stir dans le réseau physique d’a­gences en fonc­tion du retour sur investisse­ment. L’en­jeu est de pou­voir arbi­tr­er entre tous les pro­jets qui remon­tent des direc­tions régionales, de marché et de groupe. Pour une grande banque française, la con­sol­i­da­tion des pro­jets physiques pou­vait attein­dre le mil­liard de francs. L’en­veloppe budgé­taire était de 350 mil­lions de francs : un out­il d’ar­bi­trage s’im­pose donc ; le géo­mar­ket­ing cou­plé avec des éval­u­a­tions de poten­tiels de marché a per­mis de définir les critères d’ar­bi­trage au niveau nation­al et de sélec­tion­ner les pro­jets avec les meilleurs retours sur investisse­ment prévi­sion­nels en fonc­tion du marché.

Une autre appli­ca­tion stratégique du géo­mar­ket­ing est l’analyse d’acquisition/fusion de deux réseaux d’a­gences ban­caires. Une approche sys­tème dévelop­pée autour d’une plate-forme comme Captigéo per­met d’avoir une vision glob­ale des deux réseaux et de déter­min­er locale­ment les syn­er­gies ou les redon­dances. Il est alors pos­si­ble de con­clure si l’ac­qui­si­tion est généra­trice de syn­er­gies com­mer­ciales ou bien de prob­lèmes sociaux.

La fiche marché, ouitl de connaissance du marché
LA FICHE MARCHÉ, OUTIL DE CONNAISSANCE DU MARCHÉ ET DE LA CONCURRENCE LOCALE

2 — Après Internet

Et Inter­net vint ! ce nou­veau canal n’est pas seule­ment un effet de mode. Il apporte les ingré­di­ents néces­saires pour con­stru­ire un com­merce à dis­tance, avec les car­ac­téris­tiques suivantes :

  • le con­som­ma­teur peut voir ou écouter le pro­duit ou ser­vice acheté,
  • les marchés devi­en­nent mondiaux,
  • les coûts de com­mu­ni­ca­tion sont aujour­d’hui très attrayants.


Pour une banque cana­di­enne, la prob­lé­ma­tique était de plan­i­fi­er et de gér­er la com­bi­nai­son la plus rentable des canaux de dis­tri­b­u­tion et non de pass­er au tout Inter­net. Cette banque pos­sède plus de 20 % de part de marché sur les par­ti­c­uliers et les pro­fes­sion­nels. Elle déploie 1 500 agences, 3 000 auto­mates pour la plu­part hors site, trois plates-formes télé­phoniques et Inter­net pour la banque à domicile.

Le géo­mar­ket­ing est l’outil priv­ilégié pour gér­er les migra­tions de clients d’un cou­ple pro­duit-canal à un autre. L’ob­jec­tif est d’i­den­ti­fi­er géo­graphique­ment les clients pour lesquels l’at­tente de prox­im­ité est plus ou moins forte pour un cou­ple pro­duit-canal don­né. Cette matrice de préférences est suiv­ie d’après le com­porte­ment de con­som­ma­tion observé dans le temps et dans l’e­space, grâce à un sys­tème de mar­ket­ing de type Dataware­house (Ter­a­da­ta NCR).

En con­clu­sion, pour les fonc­tions de mar­ket­ing stratégique, l’ap­proche sys­tème géo­mar­ket­ing est plus impor­tante après Inter­net qu’a­vant. La survie de la banque est en jeu. Des expéri­ences sim­i­laires pour­raient être évo­quées pour l’as­sur­ance, les agences de voy­age, les ventes de livres, de dis­ques com­pacts, de logiciels…

B — Les fonctions de marketing opérationnel : l’adresse WEB est-elle suffisante ?

1 — Avant Internet

Avant Inter­net, le mar­ket­ing opéra­tionnel con­sis­tait à fix­er des objec­tifs com­mer­ci­aux et les plans d’ac­tion pour les attein­dre avec les moyens budgétisés. Il s’agis­sait de recourir à des tech­niques de ciblage et de scor­ing pour con­quérir de nou­veaux clients ou fidélis­er les clients acquis. Pour les entre­pris­es de dis­tri­b­u­tion, fix­a­tion d’ob­jec­tifs et ciblage peu­vent se faire en cohérence avec les démarch­es de mar­ket­ing stratégique et en faisant appel au sys­tème géo­mar­ket­ing qui com­pre­nait les don­nées de marché, les don­nées internes de résul­tats sur les dif­férents pro­duits et marchés ; il s’a­gi­ra d’a­jouter les vari­ables per­me­t­tant de mieux con­naître les clients.

Pour une banque impor­tante en France et bien­tôt pour une com­pag­nie d’as­sur­ances leader sur son marché, Markov a mis en place un sys­tème de géo­mar­ket­ing per­me­t­tant aux niveaux nation­al, région­al, local de définir les objec­tifs com­mer­ci­aux, de bâtir les plans d’ac­tions con­crets, de cibler les clients à con­quérir et à fidéliser.

La mise en place du sys­tème est accom­pa­g­née des démarch­es de con­seil en mar­ket­ing, pilotage et com­mu­ni­ca­tion en vue d’as­sur­er le suc­cès de l’u­til­i­sa­tion des postes de tra­vail aux dif­férents niveaux.

2 — Après Internet

Inter­net va être un out­il puis­sant de con­quête de clien­tèle. Il faut trans­former le client virtuel en client fidèle : non fidélisé, un fonds de com­merce de cyber­nautes est volatil et les entre­pris­es qui se con­tenteront de ces ventes ponctuelles seront fragiles.

Markserv : Diffusion de données géomarketing
MARKSERV : UN SERVEUR INTERNET/INTRANET
DE DIFFUSION DE DONNÉES GÉOMARKETING

La fidéli­sa­tion des clients s’ap­puie sur la capac­ité à répon­dre à leurs besoins et attentes dans l’e­space (et le cybere­space) mais aus­si et surtout dans le temps. Il s’ag­it donc de con­naître au mieux son client pour anticiper ses besoins et ses attentes. Un client (par­ti­c­uli­er, pro­fes­sion­nel) sera tou­jours physique ; il habite à un endroit, tra­vaille à un autre, a éventuelle­ment une rési­dence sec­ondaire. Ces adress­es physiques le car­ac­térisent de manière plus pré­cise qu’une adresse virtuelle sur le Web ou qu’un “pseu­do” anonyme. Il sera tou­jours néces­saire de com­par­er une clien­tèle exis­tante par rap­port à un marché exis­tant ; et le marché n’ex­iste que géo­graphique­ment local­isé (du moins en ce qui con­cerne les activ­ités licites). Même dans une per­spec­tive d’en­richisse­ment des fichiers le con­cer­nant, la con­nais­sance du client sera tou­jours incom­plète (et la lég­is­la­tion ne favorise pas un tel enrichisse­ment par le croise­ment de fichiers). La seg­men­ta­tion de marché géo­graphique­ment local­isée, rap­prochée des seg­men­ta­tions clients, restera un fac­teur d’en­richisse­ment de la con­nais­sance du client.

Il ne suf­fit pas de se dot­er des out­ils de fidéli­sa­tion, il faut les utilis­er à bon escient. Inter­net (et d’une autre manière les plates-formes télé­phoniques) per­met d’ap­porter un pre­mier niveau de réponse aux besoins et attentes des clients, deman­des d’in­for­ma­tion ou achat sim­ple. Pour le con­seil, pour les achats de pro­duits et ser­vices com­plex­es, Inter­net passe le relais au réseau de dis­tri­b­u­tion physique. Le site Web de VAG présente les voitures, mais surtout héberge les serveurs de ses con­ces­sion­naires et pro­pose aux cyber­nautes de pren­dre ren­dez-vous avec eux. Bien util­isé Inter­net ne ferme pas les points de vente physiques, mais les rem­plit. Les sys­tèmes de géo­mar­ket­ing per­me­t­tent de cibler ces actions com­mer­ciales mul­ti-canaux et de les suiv­re dans le temps et dans l’espace.

En résumé, la prob­lé­ma­tique n’est plus aujour­d’hui d’op­ti­miser des réseaux d’a­gences mais bien des canaux de dis­tri­b­u­tion ; tout le monde en est con­scient ; encore faut-il se dot­er du sys­tème de pilotage approprié.

Pour les entre­pris­es qui sauront pilot­er ces évo­lu­tions de la dis­tri­b­u­tion et faire évoluer les réseaux, Inter­net va per­me­t­tre de con­quérir de nou­veaux marchés et de ren­forcer les liens entre les réseaux de dis­tri­b­u­tion physique et les clients.

Poster un commentaire