Les équipes d'Alira Health comptent près de 500 scientifiques, consultants, économistes, cliniciens et biostatisticiens en Europe, Amérique du Nord et en Asie-Pacifique.

L’accès aux données de santé : un enjeu de souveraineté et d’attractivité pour la France et l’Europe

Dossier : Health techMagazine N°773 Mars 2022
Par Romain FINAS

Les avancées tech­nologiques autour de la col­lecte, le con­trôle et l’enrichissement des don­nées issues du sys­tème de san­té ouvrent de nou­velles per­spec­tives pour la recherche, les autorités et les indus­tries de san­té. Romain Finas, Vice-Prési­dent, Real-World Evi­dence, au sein d’Alira Health, nous en dit plus.

Quels sont les métiers d’Alira Health ? 

Ali­ra Health s’est dévelop­pée au fil d’acquisitions suc­ces­sives, pour pro­pos­er aux organ­ismes de san­té et de sci­ences de la vie un porte­feuille de ser­vices et de tech­nolo­gies utiles à chaque étape du développe­ment de leurs pro­duits de san­té. Nos équipes comptent près de 500 sci­en­tifiques, con­sul­tants, écon­o­mistes, clin­i­ciens et bio­sta­tis­ti­ciens en Europe, Amérique du Nord et en Asie-Paci­fique. Nos inter­ven­tions cou­vrent des domaines var­iés comme la déf­i­ni­tion d’un porte­feuille de recherche, la ces­sion ou l’acquisition de pro­duits de san­té, la réal­i­sa­tion d’essais clin­iques, l’accompagnement à la mise sur le marché des pro­duits de san­té ou la trans­for­ma­tion dig­i­tale des activ­ités mar­ket­ing et commerciales.

Vous accompagnez les industriels de santé à utiliser les données issues des soins courant aussi appelées données de vie réelle. À quoi servent-elles ? 

Les don­nées issues du soin courant per­me­t­tent tout d’abord de com­pren­dre l’épidémiologie et les par­cours diag­nos­tiques ou thérapeu­tiques des patients dans des con­di­tions réelles de prise en charge ou d’utilisation des médica­ments ou dis­posi­tifs médicaux. 

Elles com­plè­tent les don­nées des essais clin­iques issues d’un cadre d’utilisation con­trôlé, appli­quant un pro­to­cole stan­dard de traite­ment et de suivi sur un échan­til­lon restreint de patients. Pour un indus­triel, cela per­met à la fois de quan­ti­fi­er et qual­i­fi­er les besoins médi­caux non cou­verts, puis de mod­élis­er l’impact et les béné­fices d’une inno­va­tion sur le sys­tème de san­té. Une fois le pro­duit mis sur le maché, les don­nées de vie réelle per­me­t­tent égale­ment de con­firmer l’efficacité, ou la sécu­rité d’un médica­ment sur un échan­til­lon plus large de patients. 

Les don­nées de vraie vie sont égale­ment dev­enues un out­il pré­cieux pour la recherche puisqu’elles per­me­t­tent d’identifier les car­ac­téris­tiques des patients qui ont dévelop­pé une mal­adie, bien répon­du, ou dévelop­pé une résis­tance à un traitement. 

L’utilisation des images, du séquençage géné­tique, des don­nées du dossier médi­cal sur de nom­breux patients, per­me­t­tent ain­si d’identifier des mar­queurs diag­nos­tics, pronos­tics ou de ciblage des traitements. 

Quel est votre métier ?

La don­née de san­té issue du soin est une don­née indi­vidu­elle et donc sen­si­ble. Notre méti­er est d’être le tiers de con­fi­ance entre les indus­triels, les autorités et les patients pour réalis­er des études issues des hôpi­taux ou de l’assurance mal­adie. Comme bureau d’étude, nous inter­venons à la demande d’industriels ou d’assureurs pour écrire les pro­to­coles de recherche, accom­pa­g­n­er le proces­sus de déc­la­ra­tion ou de demande d’autorisation pour faire ces études, accéder ou col­lecter ces don­nées, réalis­er les analy­ses et les pub­li­ca­tions scientifiques. 

Nous faisons sou­vent le con­stat que les infor­ma­tions néces­saires aux analy­ses sont incom­plètes et ne per­me­t­tent pas de répon­dre à la ques­tion de recherche. Notre deux­ième méti­er, con­siste donc à accom­pa­g­n­er les sociétés savantes et les étab­lisse­ments de san­té dans la déf­i­ni­tion de jeux de don­nées répon­dants au besoin de recherche puis à organ­is­er, opér­er et aider à financer leurs entre­pôts de san­té qui servi­ront aux analyses.

L’usage des données de santé devient un outil majeur pour accélérer l’accès aux innovations thérapeutiques

Quel est le point de vue des agences d’évaluation des produits de santé et de veille sanitaire ? 

L’usage des don­nées de san­té devient un out­il majeur pour accélér­er l’accès aux inno­va­tions thérapeu­tiques, et offriront bien­tôt la pos­si­bil­ité de réalis­er les phas­es d’évaluations com­par­a­tives aux stan­dards de prise en charge, non plus sur des don­nées con­trôlées mais sur des don­nées des soins courants. 

Des dis­posi­tifs par­ti­c­uliers en France dits d’accès pré­co­ces, per­me­t­tent d’ores et déjà de met­tre un pro­duit sur le marché sous la con­di­tion de fournir des infor­ma­tions con­fir­mant l’apport sur ser­vice médi­cal ren­du dans un délai d’un à deux ans. Ces infor­ma­tions per­me­t­tront de définir le prix et le niveau de rem­bourse­ment défini­tifs du pro­duit, le prix tem­po­raire ayant été défi­ni lors d’une pre­mière négo­ci­a­tion entre l’industriel et les autorités sur la base des don­nées d’efficacité et de toxicité. 

Pour accom­pa­g­n­er cette trans­for­ma­tion, la Haute Autorité de san­té a émis en 2021 un guide pour dévelop­per l’usage des don­nées dans l’évaluation des pro­duits de san­té. Une équipe dédiée est égale­ment en place depuis novem­bre 2021 pour ren­forcer l’usage de ces don­nées dans les déci­sions de l’Agence.

Pour l’Agence nationale de la sécu­rité du médica­ment et des pro­duits de san­té (ANSM) c’est égale­ment la pos­si­bil­ité de men­er des con­trôles de phar­ma­covig­i­lance en temps réel. 

La com­bi­nai­son des don­nées de vie réelle en temps réel per­met donc de mesur­er l’efficacité et la sécu­rité des médica­ments en même temps. 

Qu’en est-il du point de vue du biostatisticien ? 

Les don­nées de vie réelle don­nent accès à l’histoire de la mal­adie et des traite­ments de nom­breux patients en asso­ciant des infor­ma­tions de natures totale­ment dif­férentes : image, génomique, don­nées clin­iques… Le méti­er de bio­sta­tis­ti­cien, main­tenant data sci­en­tist, évolue d’un tra­vail descrip­tif sur des don­nées homogènes (don­née du soin) à un rôle de chercheur de mar­queurs pré­dic­tifs, issues de l’analyse de cor­réla­tions entre dif­férentes car­ac­téris­tiques comme le pro­fil géné­tique d’une tumeur, et du patient répon­deur ou résis­tant à un traite­ment par exem­ple. C’est toute la promesse d’une médecine plus per­son­nal­isée, préven­tive et pré­dic­tive qui implique une évo­lu­tion du méti­er vers une démarche pluridis­ci­plinaire impli­quant médecins, bioin­for­mati­ciens, data sci­en­tists, quand 90 % des altéra­tions tumorales dans les can­cers n’ont pas encore de sig­ni­fi­ca­tion pour com­pren­dre la genèse d’une tumeur.

Disposons-nous de suffisamment de bases de données en France et en Europe ?

En France, il existe près de 150 bases de don­nées publiques ou privées, dont la colonne vertébrale est le SNDS, piloté par le Health Data Hub. Un pat­ri­moine unique dans la com­péti­tion mon­di­ale. Mais l’enjeu va être de le main­tenir en adéqua­tion avec les recherch­es en cours ce qui n’est pas simple. 

D’un point de vue organ­i­sa­tion­nel tout d’abord, car la col­lecte de don­nées de vraie vie ne peut se résumer à capter des infor­ma­tions sur des dossiers médi­caux infor­ma­tisés : il faut définir les mod­èles et stan­dards de don­nées com­muns à col­lecter. Cela néces­site un effort d’alignement et de prospec­tive essen­tiel au risque d’avoir des entre­pôts hétérogènes et donc non attrac­t­ifs. Ensuite c’est un enjeu tech­nologique et humain, car la don­née, pour être recev­able, doit être con­trôlée. Cela néces­site à la fois des moyens tech­niques pour maîtris­er des flux impor­tants d’information mais égale­ment humains pour cor­riger les erreurs ou com­pléter les don­nées man­quantes ; n’oublions pas que ces don­nées sont pro­duites durant l’exercice du soin. Rester dans la course néces­site donc de mobilis­er des fonds impor­tants, reposant à la fois sur une col­lab­o­ra­tion pub­lic-privé mais égale­ment de moné­tis­er la trans­for­ma­tion de cette donnée. 

L’information des patients sur les recherch­es menées et la sim­pli­fi­ca­tion des modal­ités de retrait des bases vont per­me­t­tre de péren­nis­er la con­fi­ance de cha­cun dans l’utilisation et la monéti­sa­tion de la trans­for­ma­tion de nos don­nées per­son­nelles en base exploita­bles pour la recherche. Inve­stir pour pro­duire des don­nées rich­es et pré­cis­es devient égale­ment un enjeu stratégique : c’est à la fois un enjeu de sou­veraineté dans nos déci­sions d’accès et de con­trôles des pro­duits de san­té, de trans­parence et enfin d’attractivité pour la recherche, vecteur d’innovations indus­trielles à venir. C’est égale­ment un enjeu européen car la diver­sité des normes, des mod­èles de don­nées, mais égale­ment des règles des autorités d’évaluation pour ren­dre une don­née recev­able, ne pour­ront dif­fér­er d’un pays à l’autre sans décourager les industriels. 

Plusieurs ini­tia­tives notam­ment menées par l’agence européenne du médica­ment ou le réseau des autorités d’évaluation visent à juste­ment définir des règles de cer­ti­fi­ca­tion et faciliter l’accès aux don­nées de manière homogène. La don­née de vraie vie est donc au cœur d’un enjeu géotech­nique majeur dans la com­péti­tion mon­di­ale dont il faut se saisir maintenant. 

Poster un commentaire