Lorsque santé et technologie vont de pair !

Dossier : Supplément Nouvelles technologies & performance des entreprisesMagazine N°751 Janvier 2020
Par Arnaud ROSIER
Par Agathe ARLOTTI

Les nou­velles tech­no­lo­gies ren­for­cées par l’IA pré­sentent de nom­breuses pistes de déve­lop­pe­ment notam­ment pour le sec­teur de la san­té. Le point avec Arnaud Rosier, CEO et co-fon­da­teur d’Implicity et Agathe Arlot­ti, Res­pon­sable de l’équipe inno­va­tion san­té à Medicen. 

Présentez-nous Implicity et son cœur de métier.

Fon­dée en 2016 par Arnaud Rosier, car­dio­logue et cher­cheur en intel­li­gence arti­fi­cielle, Impli­ci­ty déve­loppe une pla­te­forme de télé­mé­de­cine des­ti­née aux car­dio­logues. Elle est aujourd’hui uti­li­sée par plus de 25 centres pour suivre envi­ron 15 000 patients. Au-delà de la col­lecte de don­nées cli­niques, Impli­ci­ty crée des briques d’IA pour l’aide à la déci­sion médi­cale et la pré­dic­tion de troubles cardiaques.

Comment le secteur de la santé peut-il bénéficier de l’utilisation de l’Intelligence Artificielle ?

L’IA dans le domaine de la san­té a de nom­breux avan­tages que nous pou­vons clas­ser sous deux prin­ci­pales caté­go­ries : l’intelligence arti­fi­cielle à but d’apprentissage, et celle des­ti­née à l’automatisation. En effet, les tech­niques de Machine Lear­ning et de Deep Lear­ning peuvent révo­lu­tion­ner le diag­nos­tic et les pré­dic­tions de cer­taines mala­dies. Elles sont géné­ra­le­ment uti­li­sées sur des images ou des don­nées numé­riques pour détec­ter tous types de Agathe Arlot­ti signaux (ima­ge­rie, élec­tro­car­dio­gramme, etc.). Cela per­met­tra d’augmenter la pré­ci­sion de détec­tion de cer­taines patho­lo­gies et donc de mieux les trai­ter. Quant à l’utilisation de l’IA pour l’automatisation de cer­taines tâches, elle per­met d’augmenter la pro­duc­ti­vi­té. En effet, cette approche pré­sente une solu­tion aux tâches coû­teuses en res­sources humaines ou qui néces­sitent une pré­pa­ra­tion à très faible valeur ajou­tée en termes de pro­ces­sus (tri de don­nées, sys­tème d’alertes, moni­to­ring à dis­tance, tests de qua­li­té, etc.). Il s’agit d’applications néces­si­tant des connais­sances déter­mi­nistes et figées expri­mables pour la machine. Elles peuvent donc fonc­tion­ner sans avoir recours à des bases de don­nées. Ces sys­tèmes per­mettent aus­si de pal­lier le manque de per­son­nel en san­té ou de libé­rer les res­sources des tâches fastidieuses.

Dans ce cadre, quels sont les points forts de la France face à la compétition internationale ?

Nous dis­po­sons d’un atout majeur en termes de com­pé­tences de data scien­tists ain­si que d’ingénieurs et de mathé­ma­ti­ciens. De plus, nous béné­fi­cions de l’une des meilleures poli­tiques de finan­ce­ment de la R&D au monde. Cela nous garan­tit une très bonne place dans la com­pé­ti­tion inter­na­tio­nale. En paral­lèle, nous avons un sys­tème de san­té géné­ra­li­sé et uni­ver­sel. En d’autres termes, nous avons un niveau de soin très éle­vé et peu biai­sé en fonc­tion de la situa­tion sociale du patient. Il s’agit en effet d’un atout impor­tant puisque quand nous appli­quons des approches d’IA aux don­nées issues de cohortes de patients, elles repro­duisent les biais de la cohorte d’apprentissage. Ain­si, nous avons la chance d’avoir un envi­ron­ne­ment qui nous per­met de déve­lop­per des solu­tions basées sur l’IA et dont les biais notam­ment socio-éco­no­miques sont limités.

Qu’en est-il des enjeux qui persistent ?

Le mar­ché interne et plus par­ti­cu­liè­re­ment la capa­ci­té de nos hôpi­taux à payer les solu­tions de l’IA et à les uti­li­ser est très limi­tée. Cela veut dire que lorsque nous déve­lop­pons une inno­va­tion en France, nous sommes obli­gés de la com­mer­cia­li­ser sur le mar­ché amé­ri­cain. En sus, le mar­ché euro­péen est très frag­men­té en termes de régle­men­ta­tions et de contraintes de rem­bour­se­ment, qui varient d’un pays à l’autre. Par ailleurs, l’utilisation de l’IA en san­té néces­site des volumes très impor­tants de don­nées. C’est vrai que nous dis­po­sons de data de très bonne qua­li­té, cepen­dant, celle-ci est sou­vent inac­ces­sible, notam­ment avec les légis­la­tions qui pro­tègent l’accès aux don­nées per­son­nelles. Néan­moins, il y a de plus en plus d’efforts qui visent à encou­ra­ger les ini­tia­tives dans ce sens et à démo­cra­ti­ser l’accès aux don­nées au ser­vice de la santé.

Quelles sont les perspectives d’évolution de l’IA dans ce domaine ?

Aujourd’hui, nous par­lons de l’IA en san­té, cepen­dant, il y a encore assez peu de pro­duits sur le mar­ché qui ont réel­le­ment obte­nu la vali­da­tion avec des preuves cli­niques. Les pers­pec­tives sont donc incroyables et il y a énor­mé­ment de valeur à appor­ter. Néan­moins, nous avons besoin de don­nées struc­tu­rées. C’est le cata­ly­seur de l’émergence de beau­coup de pro­jets d’IA sur les flux d’images notam­ment en radio­lo­gie, en ana­lyse du fond d’œil, ou en his­to­lo­gie. Tou­te­fois, tout ce qui concerne l’IA basée sur les don­nées de san­té qui dépassent ces champs d’application doit encore faire ses preuves en termes de démons­tra­tions cli­niques. Enfin, la France a énor­mé­ment d’atouts pour être l’un des acteurs mon­diaux de l’IA en san­té. Cela néces­site de conti­nuer à pous­ser la R&D sur ces champs à tra­vers l’engagement des ins­ti­tu­tions et notam­ment l’écosystème de start-ups. Depuis 2005, le pôle Medi­cen fédère les acteurs fran­ci­liens de la san­té et les accom­pagne vers le déve­lop­pe­ment de leurs pro­jets d’innovation jusqu’à la mise sur le mar­ché. Res­pon­sable de son dépar­te­ment inno­va­tion San­té, Agathe Arlot­ti revient sur le re de cette struc­ture quant à l’application de l’IA en san­té. Aujourd’hui, nous fédé­rons près de 500 acteurs des domaines entre­pre­neu­riaux, indus­triels et de la recherche en san­té autour de 5 axes : le diag­nos­tic bio­lo­gique, l’imagerie, la san­té numé­rique, les bio­thé­ra­pies et techno.thérapies. Au sein de cha­cun d’entre eux, l’intelligence arti­fi­cielle est pour nous un outil incon­tour­nable pour accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment des solu­tions thé­ra­peu­tiques de demain. Ain­si, par­mi nos 400 start-ups et PME adhé­rentes, près d’un quart ont fait de l’IA et du trai­te­ment de don­nées de san­té un axe prio­ri­taire. Pour leur don­ner toutes leurs chances de voir leurs pro­jets d’innovation se concré­ti­ser, nous dis­po­sons de trois leviers d’action : la mise en rela­tion de chaque por­teur de pro­jet avec les par­te­naires les plus per­ti­nents, le sou­tien à l’obtention de finan­ce­ments publics, et l’accompagnement vers la crois­sance et l’international. Ces actions com­plé­men­taires menées auprès de struc­tures tant publiques que pri­vées nous donnent le rôle de tiers de confiance au sein de l’écosystème. Par ailleurs, notre connais­sance des enjeux de l’innovation et de ses acteurs nous conduit régu­liè­re­ment à mener des actions en vue de struc­tu­rer la filière san­té en Île-de-France et au niveau natio­nal. À titre d’exemple, nous copi­lo­tons actuel­le­ment la concer­ta­tion san­té lan­cée par la Région afin d’établir une feuille de route stra­té­gique 2021–2022, dans laquelle les enjeux de valo­ri­sa­tion et d’exploitation des don­nées de san­té occupent une part majeure.

Concrètement, quelles applications peut prendre l’intelligence artificielle pour améliorer le soin des patients ?

Les pro­jets por­tés par nos adhé­rents sont variés mais convergent tous vers le déve­lop­pe­ment de solu­tions de méde­cine de pré­ci­sion. Par­mi les champs d’application de l’IA à la san­té, on trouve l’utilisation du Machine Lear­ning pour diag­nos­ti­quer les tumeurs can­cé­reuses lors d’examens ana­to­mo­pa­tho­lo­giques ou la modé­li­sa­tion in sili­co pour accé­lé­rer le déve­lop­pe­ment de nou­velles molé­cules phar­ma­ceu­tiques. Par exemple, nous avons accom­pa­gné la start-up Iktos, qui a déve­lop­pé un algo­rithme grâce au Deep Lear­ning pour desi­gner de nou­velles molé­cules. Puisque ces axes sont encore émer­gents, nous invi­tons régu­liè­re­ment nos adhé­rents à pré­sen­ter leurs pro­jets, par­ta­ger leurs expé­riences et bonnes pra­tiques lors de com­mis­sions men­suelles. C’est clé pour ani­mer l’écosystème et dif­fu­ser cette idée forte : la san­té de demain ne se fera pas sans l’IA. C’est donc l’accompagnement de ces pro­jets d’innovation qui nous per­met de nous posi­tion­ner comme un acteur cen­tral pour struc­tu­rer le déve­lop­pe­ment de la filière san­té autour de la data.

Quels sont les enjeux d’Implicity dans ce cadre ?

Le chal­lenge est de décloi­son­ner les dif­fé­rentes dis­ci­plines en san­té dans le cadre d’une approche tou­jours plus trans­ver­sale. L’objectif est donc d’inciter tou­jours plus les dif­fé­rents acteurs à se rap­pro­cher pour col­la­bo­rer et ain­si accroître leur com­pé­ti­ti­vi­té de ce domaine. Nous œuvrons pour posi­tion­ner la France par­mi les lea­ders des inno­va­tions de san­té de demain.

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