Le siège de l'Agence européenne de la sécurité aérienne à Cologne

La sécurité aérienne : une affaire désormais européenne

Dossier : AéronautiqueMagazine N°660 Décembre 2010
Par Patrick GOUDOU (70)

La sécu­rité aéri­enne ne con­naît pas de fron­tière. Après bien des débats et une lente évo­lu­tion des esprits, l’ac­cep­ta­tion poli­tique du trans­fert à l’U­nion européenne des com­pé­tences nationales en matière de sécu­rité aéri­enne s’est traduite en 2002 par l’adop­tion d’un pre­mier règle­ment du Con­seil européen et du Par­lement européen créant l’Agence européenne de la sécu­rité aéri­enne. Après deux amende­ments suc­ces­sifs en 2008 et 2009, l’U­nion européenne dis­pose aujour­d’hui d’une base lég­isla­tive lui per­me­t­tant de cou­vrir la sécu­rité de la total­ité des com­posantes de l’avi­a­tion civile.


Une longue genèse

Au début des années soix­ante-dix, la nais­sance de l’Air­bus A‑300 a ren­du indis­pens­able une pre­mière har­mon­i­sa­tion des exi­gences de cer­ti­fi­ca­tion des avions en Europe. Pour ce faire furent créés les JAA (“Joint Avi­a­tion Author­i­ties”) qui regroupaient de façon informelle les autorités nationales européennes. Mais les règle­ments et les cer­ti­fi­cats émis par les JAA n’é­taient pas d’ap­pli­ca­tion oblig­a­toire dans les États. Les règle­ments devaient être trans­posés dans le droit local ce qui était loin d’être fait et les cer­ti­fi­cats devaient être approu­vés formelle­ment par l’au­torité locale bien sou­vent après avoir imposé des exi­gences sup­plé­men­taires. De ce fait la régle­men­ta­tion était très hétérogène d’un pays à l’autre et créait des dis­tor­sions de con­cur­rence inac­cept­a­bles dans un marché unique européen. Ë la grande sat­is­fac­tion de l’in­dus­trie man­u­fac­turière et des opéra­teurs l’A­gence a apporté une régle­men­ta­tion européenne unique directe­ment applic­a­ble et des cer­ti­fi­cats uniques val­ables dans tous les États mem­bres sans pos­si­bil­ité pour eux de les remet­tre en cause.


Les grands principes du système européen de sécurité de l’aviation civile

Le pre­mier principe vise à dot­er l’U­nion européenne d’une régle­men­ta­tion et de normes uniques applic­a­bles dans l’ensem­ble de l’U­nion reflé­tant les meilleures pra­tiques et l’é­tat actuel des con­nais­sances sci­en­tifiques et tech­niques. La référence mon­di­ale en matière de régle­men­ta­tion de l’avi­a­tion civile est bien enten­due don­née par l’Or­gan­i­sa­tion de l’avi­a­tion civile inter­na­tionale (OACI).

Mais pour la sécu­rité de son avi­a­tion civile, l’U­nion européenne a choisi de se dot­er de normes par­fois plus con­traig­nantes que celles de l’OACI en ten­ant compte des spé­ci­ficités locales.

Subsidiarité

Le sec­ond principe vise à une mise en appli­ca­tion de ces règles et normes dans tous les États mem­bres. La plu­part des règle­ments européens sont mis en oeu­vre par les États mem­bres et leurs direc­tions générales de l’avi­a­tion civile selon le principe de sub­sidiar­ité. L’U­nion européenne met en place un mécan­isme de sur­veil­lance de la bonne appli­ca­tion des règle­ments par les États mem­bres. L’AESA est chargée des audits qui sont effec­tués dans un esprit d’aide et de sou­tien aux autorités visitées.

Une organisation globale et efficace

L’A­gence européenne de la sécu­rité aéri­enne est l’élé­ment cen­tral du dis­posi­tif européen. Elle tra­vaille en étroite col­lab­o­ra­tion avec les admin­is­tra­tions nationales des États mem­bres et avec Euro­con­trol pour le domaine de la sécu­rité de la ges­tion du traf­ic aérien. L’A­gence européenne de la sécu­rité aéri­enne s’oc­cupe des tâch­es opéra­tionnelles qu’il est plus effi­cace d’ef­fectuer cen­trale­ment comme la cer­ti­fi­ca­tion de type de l’ensem­ble des avions et de leurs équipements.

Sécurité et respect de l’environnement

L’A­gence a pour voca­tion de garan­tir aux citoyens européens une avi­a­tion civile sûre et respectueuse de l’en­vi­ron­nement. Cela vaut pour tous les acteurs et tous les pro­duits : les avions, les con­struc­teurs, les répara­teurs, les com­pag­nies aéri­ennes, les aéro­dromes, les ser­vices de la nav­i­ga­tion aéri­enne, les ser­vices de la ges­tion du traf­ic aérien, tous les per­son­nels qui y con­tribuent ain­si que leurs organ­ismes de formation.

L’A­gence doit éval­uer les risques présen­tés par cha­cun de ces élé­ments et les dimin­uer autant que faire se peut afin que le risque résul­tant soit extrême­ment faible. Elle dis­pose pour cela de deux out­ils essen­tiels. Le pre­mier est l’étab­lisse­ment de règle­ments, procé­dures et normes de sécu­rité. La régle­men­ta­tion européenne est pro­posée par l’A­gence, adop­tée par le lég­is­la­teur européen ou la Com­mis­sion et est directe­ment applic­a­ble dans les 27 États mem­bres de l’U­nion européenne, et dans les États asso­ciés (Norvège, Suisse, Islande et Liechtenstein).

“L’Union européenne a choisi de se doter de normes parfois plus contraignantes que celles de l’OACI.”

Le sec­ond out­il est la cer­ti­fi­ca­tion, c’est-à-dire la véri­fi­ca­tion de la con­for­mité aux normes en ques­tion des avions et des organ­i­sa­tions. L’A­gence cer­ti­fie elle-même les avions et les organ­ismes de con­cep­tion des con­struc­teurs. Les autres cer­ti­fi­cats (pro­duc­tion, main­te­nance, com­pag­nies aéri­ennes, répara­teurs, pilotes…) sont délivrés par les autorités nationales, et en France, par la DGAC.

Des compétences progressivement élargies

La pre­mière mis­sion don­née à l’A­gence dès 2002 a con­cerné la nav­i­ga­bil­ité des avions. De par la lég­is­la­tion européenne, l’A­gence est chargée de cer­ti­fi­er les avions util­isés par les opéra­teurs européens (cer­ti­fi­cat de type).

Aéroport : Agence européenne de la sécurité aérienneQuelques chiffres

L’A­gence a vu le jour au début de 2003, en appli­ca­tion du Règle­ment européen du 15 juil­let 2002.
Aujour­d’hui elle emploie près de 600 per­son­nes provenant de 27 États mem­bres. Le bud­get glob­al annuel est d’en­v­i­ron 125 mil­lions d’eu­ros dont les trois quarts provi­en­nent de rede­vances payées par l’in­dus­trie, et un quart du bud­get de l’U­nion européenne.

Elle est aus­si chargée du suivi de cette nav­i­ga­bil­ité tout au long de la durée de vie des avions en approu­vant les mod­i­fi­ca­tions, les répa­ra­tions et tout autre change­ment apporté au cer­ti­fi­cat de type. L’A­gence cer­ti­fie aus­si les capac­ités des bureaux de con­cep­tion des con­struc­teurs. Les États mem­bres, eux, sont chargés entre autres de la cer­ti­fi­ca­tion des organ­ismes de main­te­nance et des organ­ismes de for­ma­tion des per­son­nels de maintenance.

En 2008, la pre­mière exten­sion des respon­s­abil­ités de l’A­gence com­prend de nou­velles tâch­es rel­a­tives aux com­pag­nies aéri­ennes (OPS), aux licences des pilotes (FCL) et à l’au­tori­sa­tion des exploitants des pays tiers.

“L’Agence vérifie la sécurité des compagnies aériennes non communautaires désirant effectuer des vols commerciaux vers et au départ de l’Union”

Dans tous ces domaines, l’ac­tiv­ité essen­tielle est d’établir et de main­tenir la base régle­men­taire et de véri­fi­er sa bonne appli­ca­tion par les États membres.

Néan­moins, l’A­gence se voit con­fi­er une tâche opéra­tionnelle très impor­tante qui est la véri­fi­ca­tion a pri­ori de la sécu­rité des com­pag­nies aéri­ennes non com­mu­nau­taires désir­ant effectuer des vols com­mer­ci­aux vers et au départ de l’Union.

La délivrance des cer­ti­fi­cats de trans­port aérien et des licences des pilotes reste de la respon­s­abil­ité des États membres.

En 2009 la deux­ième exten­sion a porté sur la sécu­rité de la ges­tion du traf­ic aérien, des ser­vices de la nav­i­ga­tion aéri­enne et des aéro­dromes. Là encore l’ac­tiv­ité de l’A­gence porte essen­tielle­ment sur la régle­men­ta­tion et la stan­dard­i­s­a­tion des États mem­bres. Mais les four­nisseurs paneu­ropéens de ser­vice de nav­i­ga­tion aéri­enne seront cer­ti­fiés par l’Agence.

L’Eu­rope de la sécu­rité aéri­enne est en marche. Des étapes cru­ciales ont été franchies dans les dix dernières années par la mise en place pro­gres­sive d’un sys­tème glob­al européen effi­cace pourvu que cha­cun y joue son rôle. Il est évi­dent que de nou­veaux développe­ments auront lieu pour amélior­er encore ce sys­tème en inté­grant plus avant les dif­férentes autorités. C’est le sens de l’his­toire. Il est aus­si prob­a­ble que le lég­is­la­teur européen ne s’ar­rêtera pas en si bon chemin et con­fiera d’autres mis­sions à l’A­gence européenne de la sécu­rité aérienne.

Ciel unique européen

Les nou­velles com­pé­tences attribuées en 2009 à l’A­gence européenne de sécu­rité aéri­enne pren­nent tout leur sens dans le cadre du Ciel unique européen, du pro­gramme de développe­ment tech­nologique SESAR en vue d’un futur sys­tème de con­trôle du traf­ic aérien et des liens de plus en plus étroits entre l’U­nion européenne et l’A­gence Euro­con­trol. Dans cet ensem­ble, l’A­gence est chargée des aspects liés à la sécurité.

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