En classe

Femmes et filles en science : un plafond de verre qui résiste

Dossier : ExpressionsMagazine N°726 Juin 2017
Par Claudine HERMANN

Alors que l’excellence dans le domaine de la science et de l’innovation réclame les talents conju­gués des femmes et des hommes, celles-ci res­tent sous-repré­sen­tées dans les études et les car­rières en science, dans l’ingénierie, l’industrie, le BTP et l’informatique, à l’exception des sciences de la vie. Tra­vailler à l’égalité entre les femmes et les hommes et à une meilleure com­pré­hen­sion de la dimen­sion du genre dans les sciences est essen­tiel pour en garan­tir l’accès à tous, spé­cia­le­ment aux filles et aux femmes.

Chercheuse dans son labo
Les femmes res­tent une mino­ri­té par­mi les cher­cheurs et les déci­deurs dans le domaine scien­ti­fique. © ÉCOLE POLYTECHNIQUE – J. BARANDE

“L’humanité ne peut pas se per­mettre de négli­ger la moi­tié de son génie créa­tif ” et pour­tant les femmes res­tent une mino­ri­té par­mi les cher­cheurs et les déci­deurs dans le domaine scien­ti­fique. Exa­men des dif­fé­rents pro­jets pour amé­lio­rer la situation.

Les filles conti­nuent de se heur­ter aux sté­réo­types et aux res­tric­tions d’ordre social et cultu­rel qui limitent leur accès à l’éducation et aux finan­ce­ments de la recherche, les détournent des car­rières scien­ti­fiques et les empêchent de réa­li­ser tout leur potentiel.

“ L’humanité ne peut pas se permettre de négliger la moitié de son génie créatif ”

Les femmes res­tent une mino­ri­té par­mi les cher­cheurs et les déci­deurs dans le domaine scien­ti­fique. Cela contra­rie tous les efforts entre­pris pour réa­li­ser le Pro­gramme de déve­lop­pe­ment durable [de l’Unesco] à l’horizon 2030 et l’Accord de Paris sur les chan­ge­ments cli­ma­tiques, qui sou­lignent tous deux le rôle pri­mor­dial de l’égalité des genres et de la science…

L’humanité ne peut pas se per­mettre de négli­ger la moi­tié de son génie créa­tif » a indi­qué Iri­na Boko­va, direc­trice géné­rale de l’Unesco, dans un mes­sage dif­fu­sé à l’occasion de la Jour­née inter­na­tio­nale des femmes et des filles en science, le 11 février dernier.

LA JOURNÉE INTERNATIONALE DES FEMMES ET DES FILLES EN SCIENCE

En effet, l’assemblée géné­rale des Nations unies a déci­dé en 2015 que le 11 février serait désor­mais la Jour­née inter­na­tio­nale des femmes et des filles en science ; la pre­mière célé­bra­tion a eu lieu en 2016.

Le 11 février 2017, un col­loque d’une mati­née s’est tenu au siège de l’Unesco à Paris, avec deux ses­sions : « Au-delà des chiffres : ren­for­cer les capa­ci­tés des femmes et des filles en science et les rendre auto­nomes » et « Femmes, science et socié­té : les faits ».

Cette ques­tion de la place des femmes et des filles en sciences, tech­no­lo­gies, ingé­nie­rie et mathé­ma­tiques (STIM) est à l’ordre du jour de nom­breux cercles.

LES PROJETS EUROPÉENS

Au niveau euro­péen, la Com­mis­sion a finan­cé depuis 2000 de nom­breux pro­jets, pour faire des états des lieux (en par­ti­cu­lier par la publi­ca­tion régu­lière de sta­tis­tiques sexuées, voir She Figures 2015), sou­te­nir les femmes scien­ti­fiques, amé­lio­rer la culture scien­ti­fique pour les jeunes et, depuis quelques années, pour chan­ger les ins­ti­tu­tions de recherche en y amé­lio­rant l’égalité femmes-hommes.

Pour ce qui est des femmes scien­ti­fiques, la Pla­te­forme euro­péenne des femmes scien­ti­fiques EPWS, une asso­cia­tion inter­na­tio­nale sans but lucra­tif qui ras­semble des asso­cia­tions de femmes scien­ti­fiques en Europe et au-delà, repré­sente les inté­rêts de 12 000 d’entre elles au niveau européen.

Les gou­ver­ne­ments de nom­breux pays d’Europe ont mis en place des pro­grammes pour encou­ra­ger les jeunes, filles et gar­çons à s’orienter vers les sciences et/ou à pen­ser à des métiers non tra­di­tion­nels (par exemple en France la cam­pagne sur la mixi­té des métiers).

SENSIBILISER DÈS L’ÉCOLE

Dans de nom­breux pays d’Europe, asso­cia­tions ou socié­tés savantes cherchent à pro­mou­voir les sciences auprès des jeunes. Des asso­cia­tions de femmes scien­ti­fiques vont à la ren­contre des jeunes dans les classes, pour les sen­si­bi­li­ser aux sciences et témoi­gner de leur métier : ain­si, au Por­tu­gal, Amo­net s’adresse en par­ti­cu­lier aux jeunes enfants, de la mater­nelle et du pri­maire ; au Royaume-Uni, le groupe « Femmes en phy­sique » de l’Institut de phy­sique (socié­té savante bri­tan­nique pour la phy­sique) mène l’opération Phy­si­cists in Pri­ma­ry Schools dans les écoles primaires.

En France, les asso­cia­tions Femmes & Sciences, Femmes & Mathé­ma­tiques et Femmes Ingé­nieurs se rendent dans les col­lèges et les lycées à la demande du corps ensei­gnant. Les femmes scien­ti­fiques s’adressent à la fois aux filles et aux gar­çons mais comme ce sont des femmes qui parlent, les filles peuvent plus faci­le­ment se repré­sen­ter dans ces métiers.

LE CAS FRANÇAIS

En France, la Confé­rence des grandes écoles (CGE) se sou­cie de la pré­sence très mino­ri­taire des filles dans les écoles d’ingénieurs (sauf dans celles spé­cia­li­sées en bio­lo­gie et en chimie).

“ Quand ce sont des femmes qui parlent, les filles peuvent plus facilement se représenter dans ces métiers ”

Depuis sa créa­tion en 2004, le Groupe Éga­li­té femmes-hommes de la CGE tra­vaille en par­ti­cu­lier sur cette ques­tion. Dif­fé­rentes écoles d’ingénieurs ont mené et mènent des ini­tia­tives variées.

C’est le cas de l’ENS Ulm et de l’École poly­tech­nique : au prin­temps 2015, un groupe de tra­vail a été réuni, à l’initiative du Pôle diver­si­té et réus­site de l’École poly­tech­nique et des pro­grammes de l’ENS pour l’égalité sco­laire uni­ver­si­taire, dans le cadre du « Pro­jet X‑ENS au fémi­nin » (La Jaune et la Rouge n° 712).

Son constat est le sui­vant : « En 2014, seules 10 % de jeunes filles inté­graient l’ENS Ulm (filières MP I et PC) et 15 % inté­graient l’X, tan­dis que 21 % rejoi­gnaient par exemple Cen­trale Supé­lec. On remarque par ailleurs que 29 % des filles ins­crites au concours X/ ENS ne s’y sont pas présentées. »

DÉCONSTRUIRE LES PRÉJUGÉS

Ces phé­no­mènes peuvent être expli­qués de plu­sieurs façons : le carac­tère mili­taire de l’X, la forte empreinte de la recherche fon­da­men­tale à l’ENS, l’autocensure des jeunes filles liée au manque de confiance en soi, la date avan­cée du concours X/ ENS – au détri­ment d’une semaine sup­plé­men­taire de révision.

Suite à ces constats, l’X et l’ENS ont déci­dé de s’allier pour par­tir à la ren­contre des élèves pré­pa­ra­tion­naires au niveau natio­nal et de décons­truire ces pré­ju­gés. Il en est résul­té un docu­ment pour aider les élèves de ces écoles qui retournent dans leur classe pré­pa­ra­toire d’origine, à encou­ra­ger, de manière per­ti­nente, les dif­fé­rents pro­fils des jeunes filles élèves en pré­pa scien­ti­fique à se pré­sen­ter aux concours de l’X et de l’ENS.

En conclu­sion, les quelques exemples abor­dés ici montrent que de nom­breuses actions sont en cours, à tous les niveaux, mais le chan­tier est énorme…

Or, pro­mou­voir une meilleure éga­li­té entre les femmes et les hommes dans les métiers scien­ti­fiques et tech­niques, entre les filles et les gar­çons dans les études menant à ces pro­fes­sions, est indis­pen­sable pour pro­fi­ter de tous les talents et assu­rer l’avenir de nos pays.

RAPPORT PISA : LES MÉTHODES D’ENSEIGNEMENT DES SCIENCES SONT-ELLES EN CAUSE ?

Les résultats de l’enquête PISA montrent que lorsque les enseignants expliquent et démontrent fréquemment les concepts scientifiques et discutent des questions des élèves, ceux-ci obtiennent de meilleurs résultats en sciences et sont plus susceptibles d’envisager exercer une profession scientifique à l’âge adulte.
Inversement la démarche d’investigation (basée sur l’expérience et les travaux pratiques), fortement promue en France, n’est pas efficace selon l’OCDE. Ces méthodes d’enseignement défavoriseraient-elles les filles ?
Source : Le café pédagogique

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