Hommage à Maurice Allais

Dossier : ExpressionsMagazine N°662 Février 2011Par Gérard PILÉ (41)

C’est surtout après 1995 (Jean Duquesne ayant repris La Jaune et la Rouge) que nos rela­tions se firent fréquentes et libres, sou­vent liées à des envois d’ou­vrages aux fins d’analyse ou de dis­cus­sion, ce qui n’al­lait pas par­fois sans éclats, mais n’é­tait-il pas de ceux dont on dit famil­ière­ment : ” Il est comme ça Maurice. ”

À le mieux con­naître, on décou­vrait vite chez lui maints lieux de sen­si­bil­ité, de sa soif de générosité et de recon­nais­sance ; les traces lais­sées par l’épreuve famil­iale pré­coce de la mort de son père à la guerre, un attache­ment vis­céral à notre pays. Il esti­mait avoir mis à son ser­vice le meilleur de lui-même, des dons naturels excep­tion­nels, une vie de labeur sans relâche. Ce choix délibéré de car­rière (pro­fes­so­rat, recherch­es pour­suiv­ies en toute indépen­dance) était cer­taine­ment le meilleur, le mieux assor­ti aux traits de sa per­son­nal­ité, mais autant il l’a pleine­ment assumé, à en juger par son impres­sion­nant bilan, autant il com­pre­nait mal que sa quête de recon­nais­sance ait eu à en souf­frir, lui qui, à sa manière, savait se mon­tr­er fidèle en ami­tié, ce dont je crois devoir témoign­er avec d’autres camarades.

On ne mesure pas assez com­bi­en éprou­vantes ont été ses dernières années déjà assom­bries par la dis­pari­tion de son épouse. Bien­veil­lante et instru­ite, elle était pour lui une pré­cieuse col­lab­o­ra­trice (les 40 000 vol­umes de sa bib­lio­thèque auraient cer­taine­ment des choses à dire à ce sujet). Notre grand cama­rade ne dis­sim­u­lait plus son amer­tume de se savoir mal aimé, non écouté, tenu à dis­tance, comme si ” on avait organ­isé un cor­don san­i­taire autour de lui ” (La Tri­bune, 6 févri­er 2010). Accep­tons de voir un signe dans la dis­pari­tion, quelques jours seule­ment après celle de Mau­rice Allais, de Benoît Man­del­brot (44), célèbre par sa théorie des frac­tales, autre “mal aimé” qui dut émi­gr­er aux États-Unis pour s’y faire reconnaître.

Maître et disciple
On entend dire encore sou­vent : “Il (Mau­rice Allais) n’a pas su se faire de dis­ci­ples “, et d’a­vancer des raisons comme son car­ac­tère tran­chant (je con­nais des écon­o­mistes lui ayant gardé ran­cune de man­quer d’é­coute et de con­sid­éra­tion à leur égard). Il n’en demeure pas moins qu’un “maître”, si sou­vent à con­tre­courant de la pen­sée dom­i­nante, donne à réfléchir à ses jeunes élèves, légitime­ment soucieux d’avoir à con­stru­ire leur pro­pre car­rière. Que deman­der à un dis­ci­ple ? Sinon, et avant tout, de faire croître ce qu’il a reçu, de relabour­er tel ou tel champ, de l’agrandir.
Gérard Debreu, Nobel d’é­conomie, nor­malien, ancien élève de Mau­rice Allais, a lui aus­si com­pris que seuls les États-Unis pou­vaient lui offrir un ter­rain favorable.
Bien des signes lais­sent penser qu’à l’avenir plus nom­breux seront ceux qui se réclameront ouverte­ment de la pen­sée et des mes­sages que nous laisse Mau­rice Allais.

Commentaire

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jean gun­therrépondre
2 février 2011 à 13 h 59 min

retraité
Mer­ci, cher camarade,de ne pas avoir dimin­ué la mémoire de Mau­rice Allais en vous abs­tenant d’évo­quer ses “travaux” en pysique.

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