Remettre les Polytechniciens en Uniforme

Remettre les polytechniciens en uniforme

Dossier : ExpressionsMagazine N°785 Mai 2023
Par Serge DELWASSE (X86)
Par Auguste de LAMBILLY (X21)

Depuis un an, le temps est à l’esprit de défense et à l’économie de guerre. L’idée que l’un d’entre nous avan­çait dans la JR de novembre 2021 est pas­sée du stade de l’idée à la réflexion, et en est aujourd’hui à celui de l’étude.

Depuis le der­nier quart du XIXe siècle, le poly­tech­ni­cien dis­po­sait, outre le grand uni­forme que tout le monde connaît, de deux tenues.

Au commencement, les X étaient militaires

Une tenue de sor­tie. Jusqu’en 1974, elle était basée sur le modèle de la tenue de sor­tie du génie, avec des dis­tinc­tives X (képi, bou­tons, pattes de col­let, losange de bras, pucelle, pas­sants d’épaule). À par­tir de 1975 et l’inversion du ser­vice mili­taire, les X arrivent à Palai­seau dotés de la tenue qui était celle qu’ils ont uti­li­sée durant leur année mili. Seuls les élèves étran­gers, la caté­go­rie dite « par­ti­cu­lière », sont dotés de la tenue du génie (coton beige en été, jas­pée en hiver) précitée.

Une tenue d’intérieur, noire jusqu’à la Seconde Guerre mon­diale (le « ber­ry »), et kaki de la troupe, avec spen­cer, dite BD (le bat­tle-dress deve­nant la « bédé » ; inté­res­sant ce chan­ge­ment de genre…), sans attri­buts, et sans couvre-chef.

Une première rupture : la fin de la BD

À l’occasion du démé­na­ge­ment, on a vou­lu civi­li­ser (civi­lia­ni­ser ?) la BD. Nous étions au milieu des années 1970, la France était majo­ri­tai­re­ment anti­mi­li­ta­riste, les élèves l’étaient encore plus…

On eut alors l’idée de créer une tenue impro­bable com­po­sée d’un pan­ta­lon et d’une che­mise beiges, d’un pull vert armée à col en V. Tenue laide, qui, paraît-il, grat­tait. Tenue qui a don­né lieu, entre 1983 et 1986, à plu­sieurs années de conflit entre les élèves et l’astra. In fine, la rai­son l’a empor­té, et la BD fut sup­pri­mée pour les 86. Exit la tenue d’intérieur, on en pro­fi­ta d’ailleurs pour orga­ni­ser une jour­née dégui­sée, dite… « jour­née BD ».

Une seconde rupture : la fin de l’année mili pour tous

C’est la réforme de 2000, réforme qui conver­tit l’année de ser­vice en « stage de for­ma­tion humaine et mili­taire ». Une par­tie consi­dé­rable (jusqu’à une cen­taine) des X effec­tuent ce stage au sein d’associations tota­le­ment civiles. Par défi­ni­tion, ces der­niers n’ont plus d’uniforme. C’est donc la fin de la tenue de sor­tie. Plus de tenue d’intérieur, plus de tenue d’arme, ne reste donc que le GU. Le GU se porte en « conf-mili », ain­si qu’à toutes les occa­sions où l’uniforme est de rigueur. Il n’y a pas d’alternative.

Le retour à la militarité – imposer l’uniforme ?

Trois ques­tions se posent sys­té­ma­ti­que­ment lorsqu’on veut chan­ger quelque chose dans cette École.

La pre­mière, l’X est-elle une école civile ou mili­taire ? Remettre les élèves en uni­forme serait, en soi, une réponse à la question.

Les élèves sont-ils prêts à l’accepter ? Nous pen­sons que oui, si ladite tenue est belle, confor­table et que les moda­li­tés de son port sont dis­cu­tées et adap­tées. Notons qu’il n’est bien enten­du pas ques­tion de leur deman­der leur avis, ceux qui la por­te­ront n’ayant, par défi­ni­tion, pas encore pas­sé le concours.

Enfin vient la ques­tion du coût : nous pen­sons qu’on peut des­cendre en des­sous de 200 € par élève, soit moins de 100 k€ par pro­mo­tion, avant rem­bour­se­ment des pan­toufles. Que sont 100 k€, com­pa­rés au bud­get de l’École, qui tan­gente les 100 M€ ?

Pour une tenue astucieuse, élégante et tradi

Nous pro­po­sons donc un ensemble de tenues basées sur les cou­leurs du GU, noir et rouge. Pan­ta­lon et veste noirs, che­mi­sette blanche, pull état-major noir, bon­net de police. Le carac­tère astu­cieux vient de la récu­pé­ra­tion d’un cer­tain nombre d’effets exis­tants, qu’il s’agisse de ceux actuel­le­ment déjà dis­tri­bués aux élèves : le calot, le pan­ta­lon de GU, les bot­tines, les pas­sants d’épaule, ou d’effets en dota­tion dans les forces, donc ache­tés en grand nombre et pro­ba­ble­ment très bien négo­ciés : la veste noire de la gen­dar­me­rie, les che­mise et che­mi­sette blanches, le pull état-major, la cra­vate noire.

Un aper­çu est don­né dans les pho­tos ci-contre. C’est, à notre sens, plu­tôt élégant

Quant au côté, tra­di, il est par­tout, du bon­net, le fameux Ossian, aux bou­tons en pas­sant par les bandes du pan­ta­lon, les alphas et le losange de bras.


Le fameux Ossian

Pierre-Ossian Bon­net est un poly­tech­ni­cien de la pro­mo­tion 1838, mathé­ma­ti­cien, pro­fes­seur à l’École poly­tech­nique, à l’École nor­male supé­rieure puis déten­teur de la chaire d’astronomie phy­sique à la facul­té des sciences de Paris. On lui doit d’importantes contri­bu­tions en géo­mé­trie dif­fé­ren­tielle des sur­faces, où il a notam­ment don­né son nom à la for­mule de Gauss-Bonnet.


Réfé­rences :

https://www.lajauneetlarouge.com/quelques-reflexions-sur-levolution-de-lecole-polytechnique/

Illus­tra­tions : @Binet photo

9 Commentaires

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Lio­nel Sain­sau­lieu (84)répondre
22 mai 2023 à 15 h 43 min

C’est assez éton­nant de la part de membres de pro­mos qui se sont ouver­te­ment oppo­sées à la BD de pro­po­ser une nou­velle BD … Mais le monde est fait de contradictions

Daniel Robe­quainrépondre
22 mai 2023 à 15 h 52 min

Quid de l’é­pée et des défi­lés des 14 07 ou 11 11 ? Ces der­niers seront ils sup­pri­més et sinon dans quelle tenue défi­le­ront les élèves ?

Serge Del­wasserépondre
22 mai 2023 à 16 h 09 min
– En réponse à: Daniel Robequain

on conserve le GU, bien sûr. Par contre les répé­ti­tions pour­ront de faire dans la tenue pro­po­sée ici, avec épée et ceituron.

chris­tine chiquetrépondre
22 mai 2023 à 15 h 57 min

… en tous cas, je confirme : la BD grat­tait fort :-)) en plus d’être laide. Mais rap­pe­lons que le port de toute tenue mili­taire était accep­tée par l’en­ca­dre­ment (à l’ex­cep­tion des conf mili où le GU s’im­po­sait). Cela n’empechait pas une bonne par­tie d’entre nous de ten­ter de res­ter habillés le plus pos­sible en civil. Je doute donc qu’in­ves­tir sur l’e­lé­gance d’une nou­velle tenue soit le vrai enjeu. J’ai peut être lou­pé une étape (et je n’ai pas détes­té ces années mili­taires) mais pour­quoi cette ques­tion du « retour à la mili­ta­ri­té » dont l’ui­forme serait le sym­bole ? Il me semble que c’est le débat à avoir avant de par­ler tenues et coût, non ?

Serge Del­wasserépondre
22 mai 2023 à 16 h 15 min
– En réponse à: christine chiquet

Excellent point : la « mili­ta­ri­té » de l’E­cole est un sujet qui va et qui vient depuis près d’une cen­taine d’an­nées. Il est aujourd’­hui, à nou­veau, au coeur de la réforme du cycle ingé­nieur. J’a­vais expri­mé mon point de vue – et ten­té de convaincre – ici : https://www.lajauneetlarouge.com/quelques-reflexions-sur-levolution-de-lecole-polytechnique/.

Hubert Holinrépondre
22 mai 2023 à 16 h 41 min

Que voi­ci une par­ti­cu­liè­re­ment mau­vaise idée ! His­to­ri­que­ment, l’X n’était pas mili­taire, et il a fal­lu une manœuvre de Napo­léon, que n’auraient pas reniée les auto­ri­tés sovié­tiques, pour qu’elle fût mili­ta­ri­sée. Ser­vir la soupe à l’autoritarisme ambiant et crois­sant n’est cer­tai­ne­ment pas le meilleur ser­vice que l’on puisse rendre à la Nation.

PASCAL Oli­vierrépondre
22 mai 2023 à 17 h 01 min

Elève de la 72, mon sou­ve­nir est celui du « bat­tle-dress », avec ver­sion tenue d’hi­ver / tenue d’é­té , et non pas de la « bédé ». Je crois que nous avions un béret.
La tenue de sor­tie, avec képi (je l’ai encore, mes petits-enfants adorent), s’ap­pe­lait tenue 21 ou 22, selon hiver ou été. Elle s’im­po­sait dans les mani­fes­ta­tions de solen­ni­té intermédiaire.
Pour les répé­ti­tions de défi­lé, c’é­tait l’une ou l’autre de ces tenues, com­plé­tée d’é­pée et ceinturon

Jean Luc LEPINE (X62)répondre
22 mai 2023 à 17 h 09 min

Bra­vo aux cama­rades qui lancent cette réflexion bien venue. Le retour à l’u­ni­forme mili, pour­quoi pas …Je trouve cepen­dant que notre tenue de sor­tie à domi­nante beige des années 60 avait plus de classe que les pre­mières idées déve­lop­pées das cet article.

OLIVIER DUBOUISrépondre
23 mai 2023 à 10 h 27 min

Je fais par­tie de la pro­mo 83 qui s’est effc­ti­ve­ment « bat­tue » pour n eplus avoir à por­ter la BD, laide et incon­for­table. Je par­tage tota­le­ment l’a­vis de Chris­tine Chi­quet quant aux doutes sur la per­ti­nence de cette ques­tion et son inter­ro­ga­tion sur ce qui pous­se­rait à reve­nir à plus de « militarité ».

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