Uniforme des élèves de l'École polytechnique

Les premiers uniformes polytechniciens : identité, port et popularité

Dossier : Nouvelles du PlatâlMagazine N°785 Mai 2023
Par Olivier AZZOLA

La mili­ta­ri­sa­tion de l’École poly­tech­nique par Napo­léon a entraî­né la mili­ta­ri­sa­tion de l’uniforme que por­taient les élèves. Cela ne se fit pas sans hési­ta­tions et repen­tirs, et les élèves ne se signa­lèrent pas par une rigueur exces­sive dans le port de cet uni­forme, notam­ment lors des sor­ties en ville. Mais cela n’empêcha pas l’uniforme des X de ren­con­trer un franc suc­cès popu­laire, pour le plus grand plai­sir de ces jeunes gens… La fin de l’Empire entraî­na la fin de l’uniforme mili­taire, pour un temps !

16 juillet 1804 : Napo­léon décide de mili­ta­ri­ser l’École et de la caser­ner. L’Empire fran­çais a rem­pla­cé la Répu­blique fran­çaise par séna­tus-consulte orga­nique du 18 mai 1804, dit « Consti­tu­tion de l’an XII ». Le pre­mier modèle qui ins­pire Napo­léon est l’École spé­ciale mili­taire, alors située à Fon­tai­ne­bleau, créée deux ans plus tôt. Ain­si l’École devient corps mili­taire apte à être mobi­li­sée. Le caser­ne­ment devait être prêt au 19 août de la même année, si pos­sible hors de Paris. La caserne où logent les élèves se dis­tin­gue­rait de l’école, entre les­quelles chaque matin et chaque soir les élèves « mar­che­ront mili­tai­re­ment ». Qui dit caserne dit uni­formes et armes, sur le modèle de l’infanterie de ligne. Effec­ti­ve­ment un ordre est émis le 19 novembre 1804, qui déter­mine la com­po­si­tion du grand uni­forme, de cou­leur bleu et rouge, avec pare­ments noirs, bou­tons jaunes et tri­corne avec cocarde tri­co­lore. Ce pre­mier uni­forme fut le pre­mier uni­forme mili­taire de l’École.

Gaston Claris, Uniforme des élèves vers 1801,Notre École polytechnique, Paris, 1895.
Gas­ton Cla­ris, Uni­forme des élèves vers 1801, Notre École poly­tech­nique, Paris, 1895.

Un premier uniforme, civil

Il exis­tait en effet un uni­forme avant la mili­ta­ri­sa­tion. Pré­co­ni­sé par le Comi­té des for­ti­fi­ca­tions dès 1797 en consé­quence d’un pos­sible caser­ne­ment, il fut intro­duit offi­ciel­le­ment par la loi de l’École poly­tech­nique du 25 fri­maire an VIII pro­mul­guée à la suite du coup d’État du 18-Bru­maire : « Il sera arrê­té (…) un règle­ment par­ti­cu­lier, tant sur l’uniforme que sur les autres objets de police. » Il était obli­ga­toire pour les sor­ties. Ain­si, les élèves, bien que n’étant pas en régime d’internat, sont sou­mis à un règle­ment, y com­pris en dehors des horaires offi­ciels des cours. L’uniforme se com­po­sait, selon G. Cla­ris, essentiel­lement d’une redin­gote bleue gar­nie de bou­tons de cuivre et d’un cha­peau demi-claque, c’est-à-dire un bicorne ; « ils se pro­cu­raient les autres par­ties de l’habillement à leur choix », témoi­gne­ra Georges de Cham­bray (X1801). Cet uni­forme a été modi­fié plu­sieurs fois. Un uni­forme était aus­si pré­vu pour les professeurs.

Une histoire de boutons

C’est à ce moment que fut pour la pre­mière fois ins­crite dans l’habillement des élèves leur appar­te­nance à l’École poly­tech­nique, sur les bou­tons d’uniforme. Vic­times du suc­cès de l’École poly­tech­nique, les bou­tons font d’ailleurs l’objet de contre­fa­çons, par exemple chez la citoyenne Renaud, au 9 de la rue de la Mon­naie à Paris. Le direc­teur rap­porte le 6 août 1800 au pré­fet qu’ils sont « ven­dus à tous venants, nous avons même appris que des jeunes gens s’en sont déco­rés, soit pour trom­per leurs parents, soit dans d’autres vues non moins cri­mi­nelles ». Vêtus de leur uni­forme recon­nais­sable aux bou­tons, les élèves sont iden­ti­fiables dès qu’ils sortent de l’enceinte de l’École, notam­ment au théâtre. Le théâtre est alors « au cœur de la vie poli­tique, où il par­ti­cipe de façon consé­quente à la for­ma­tion de l’opinion publique ». De ce fait les élèves, qui s’y déplacent sou­vent en groupe, se font faci­le­ment remarquer.

En jan­vier 1802 des élèves avaient été apos­tro­phés au théâtre par des cris « à l’appel, l’École poly­tech­nique, allez à l’appel ! », qui sous-enten­daient que les élèves devaient être à l’étude au lieu du théâtre. Or ce jour-là était un jour de sor­tie et cer­tains élèves ont répon­du, selon un témoin : « Allons mettre les crieurs dans leur tort », avant que les chefs de bri­gade ne les détournent de leur objec­tif. Un pro­fes­seur, qui assis­tait à la même repré­sen­ta­tion, a rap­por­té être témoin d’une scène au cours de laquelle un qui­dam a crié : « Voi­là encore un Poly­tech­nique, en dési­gnant une per­sonne étran­gère à l’École… »

Un nouvel uniforme, militaire, pour le sacre et la distribution des aigles

Le fait que le pre­mier modèle d’uniforme mili­taire défi­ni en 1804 ait été effec­ti­ve­ment por­té a été dis­cu­té. Il fut en tout cas por­té lorsque le bataillon de l’École se pré­sen­ta lors du sacre le 2 décembre, et aux maré­chaux lors de la dis­tri­bu­tion des aigles du 5 décembre où fut reçu un pre­mier modèle du dra­peau. Un nou­veau décret ayant à nou­veau modi­fié l’organisation, un ordre du 20 sep­tembre 1805 déter­mi­na la com­po­si­tion nou­velle de l’uniforme, cette fois-ci flan­qué d’un petit uni­forme. Il cor­res­pond à la mise en œuvre du caser­ne­ment effec­tif dans les locaux du col­lège de Navarre, d’où la néces­si­té d’avoir deux uni­formes, un pour l’intérieur, un pour l’extérieur.

Une militarisation générale

Beau­coup d’encre a cou­lé sur la mili­ta­ri­sa­tion de l’École, dès le XIXe siècle. Mais il aurait été éton­nant qu’il en eût été autre­ment, étant don­nés les besoins en ingé­nieurs mili­taires. La pro­por­tion d’élèves sor­tant dans un corps mili­taire fut de 40 % pour la pro­mo­tion 1798, et alla jusqu’à 69 % pour la pro­mo­tion 1802. En fait, dans le sys­tème édu­ca­tif mis en place par Napo­léon, l’uniforme, de modèle mili­taire, était la règle dans les lycées, ins­tau­rés en 1802. Alfred de Vigny témoigne ain­si : « Nos maîtres res­sem­blaient à des capi­taines ins­truc­teurs, nos salles d’étude à des cham­brées, nos récréa­tions à des manœuvres, et nos exa­mens à des revues. » Paral­lè­le­ment Napo­léon exclut les femmes de l’accès à l’éducation. C’est ain­si que, au cours de débats au Conseil d’État en 1806, Napo­léon affir­mait : « Je ne crois pas qu’il faille s’occuper d’un régime d’instruction pour les jeunes filles ; elles ne peuvent être mieux éle­vées que par leurs mères. »

Un uniforme payant ! 

Le nou­veau décret modi­fie pro­fon­dé­ment l’École, puisque tout indi­vi­du admis doit désor­mais payer une pen­sion de 800 francs par an. Il s’agit de dimi­nuer le bud­get de fonc­tion­ne­ment, en fai­sant repo­ser la charge de l’entretien des élèves entiè­re­ment sur les familles. Le trous­seau, dont l’uniforme, est en sus. En 1805, le coût total du trous­seau est de 542,31 F (un com­mis d’administration touche envi­ron 3 000 F par an). Pour les élèves de la pro­mo­tion 1804 admis ini­tia­le­ment sans avoir à payer ni pen­sion ni trous­seau, cela repré­sen­tait donc une charge inat­ten­due et impor­tante. Cer­taines familles n’y arri­vèrent d’ailleurs pas et c’est l’École qui prit en charge le ver­se­ment du pre­mier quart de la pen­sion de 34 élèves. Les ser­vices sont réor­ga­ni­sés sur le modèle régi­men­taire avec notam­ment un ser­vice spé­cial de l’habillement. Ce ser­vice est char­gé de four­nir l’uniforme aux élèves, en pas­sant chaque année mar­ché auprès des four­nis­seurs, et com­porte les ate­liers de répa­ra­tion et du blan­chis­sage, un maga­sin. Il super­vise le tra­vail de la lin­gère, du maître tailleur. La remise de l’uniforme se fait en pré­sence de l’administrateur, du capi­taine d’habillement, du maître tailleur ou des four­nis­seurs, pour véri­fier qu’ils sont bien à la taille des élèves. Une seconde véri­fi­ca­tion est faite dans les huit jours par le capi­taine de com­pa­gnie. Chaque semaine le grand comme le petit uni­forme sont por­tés à l’atelier de réparation.

Un uniforme perfectible… 

Plu­sieurs his­to­riens ont déjà don­né un des­crip­tif de l’uniforme adop­té en 1805. En voi­ci un des­crip­tif résumé :

Petit uni­forme : frac bleu à un rang de bou­tons jaunes avec aigle impé­rial, pare­ments de velours noir, culottes de drap bleu, guêtres noires mon­tant aux genoux, cha­peau avec ganse et cocarde. 

Grande tenue : habit bleu à revers blancs, pas­se­poils rouges et col­let bleu, pare­ments de velours noir, culottes de drap blanc, guêtres blanches, cha­peau avec ganse et cocarde. 

Les élèves dis­posent d’un bon­net de police en drap bleu lise­ré écar­late, avec gland.

Ceux qui deviennent sous-offi­cier, ser­gent ou four­rier obtiennent une ganse en or au bicorne, au lieu d’une ganse jaune (en poil de chèvre), et des galons d’or au bras et à l’avant-bras. Les dimen­sions offi­cielles du bicorne adop­té en 1805 et fabri­qué d’abord chez Day­dé, puis chez Dan­gla, rue des Lom­bards, sont les sui­vantes : hau­teur sur le der­rière 23 cm, 19 cm sur le devant. Lon­gueur des cornes sur le côté : 17 cm. Hau­teur de la forme de la tête : 11 cm.

Merci Capitaine, Paris : Berthet [1809], L’élève Rabusson (X1813) et Napoléon.
Mer­ci Capi­taine, Paris : Ber­thet [1809], L’élève Rabus­son (X1813) et Napo­léon. © Col­lec­tions École poly­tech­nique (Palai­seau). A1 P8 IA

… et modifié en conséquence

Un élève de l’École polytechnique en petite tenue, 1808. Costumes militaires n° 84 / H. de Viel Castel, lith. Villain. A3 P24 I E
Un élève de l’École poly­tech­nique en petite tenue, 1808. Cos­tumes mili­taires n° 84 / H. de Viel Cas­tel, lith. Vil­lain. A3 P24 I E © Col­lec­tions École poly­tech­nique (Palai­seau)

En fait, des modi­fi­ca­tions mineures sont appor­tées chaque année aux habits, qu’il s’agisse des maté­riaux uti­li­sés ou du modèle, ce qui rend fina­le­ment dif­fi­cile toute ten­ta­tive de don­ner un des­crip­tif défi­ni­tif de l’uniforme. En 1806 le pli des pare­ments de velours de l’habit et du sur­tout est dimi­nué. Le pla­ce­ment des bou­tons est déca­lé… En avril 1807 une plaque de giberne à l’effigie de l’aigle impé­rial, avec la devise, est ajou­tée. Mais c’est en 1809 que l’uniforme sera modi­fié en pro­fon­deur par une déci­sion en date du 19 mai, pour lui enle­ver toute trace de cou­leur blanche. Il s’agit : de sup­pri­mer les revers, veste et la culotte en drap blanc ; de rem­pla­cer les revers blancs par des revers de drap bleu lise­rés d’écarlate, la veste en drap par deux vestes en basin uni, la culotte de drap blanc par une de drap bleu avec bou­tons de métal sur le côté ; de sup­pri­mer les guêtres blanches et de les rem­pla­cer par une paire de guêtres noires avec bou­tons ; de sup­pri­mer la dou­blure bleue du sur­tout et de la rem­pla­cer par une dou­blure écar­late. Cet uni­forme entre en vigueur à la ren­trée de la pro­mo­tion 1809. Pour uni­for­mi­ser les deux divi­sions, les revers de l’ancien modèle d’uniforme des élèves de 2e année (pro­mo­tion 1808) sont chan­gés ; on leur donne aus­si le nou­veau modèle de pantalon. 

Ce qui a moti­vé ce chan­ge­ment est une ques­tion pra­tique sou­mise par le chef de bataillon à l’avis du gou­ver­neur le 5 mai 1809 : « Il est impos­sible que les élèves puissent pas­ser deux et quelques fois trois ans à l’École avec une seule culotte blanche. » Le chan­ge­ment de cou­leur per­met­tra de faire des éco­no­mies de blan­chis­sage. Quant à l’adoption du scha­ko, la date habi­tuel­le­ment don­née pour sa mise en œuvre était en 1806 ou 1809. Les archives nous indiquent qu’ils furent en fait intro­duits par déci­sion du 27 avril 1810, pour la ren­trée de la pro­mo­tion 1810. 

Le port de l’uniforme

Le port de l’uniforme est régle­men­té. Les élèves doivent tou­jours por­ter l’uniforme, qu’il s’agisse du petit ou du grand uni­forme. Tout par­ti­cu­liè­re­ment le port du grand uni­forme est auto­ri­sé seule­ment les dimanches, les jours fériés et les jours où ils en reçoivent l’ordre. On insiste, avant 1809, sur la res­tric­tion du port des habits blancs. À l’extérieur seuls les ser­gents et four­riers ont le droit de por­ter l’épée, et tout élève ren­con­tré sans son uni­forme reçoit une peine de pri­son. Les autres jours, le petit uni­forme est de vigueur, avec une dif­fé­rence entre la sai­son froide (novembre-mai) et la sai­son chaude (juin-octobre). Cela n’empêchait pas les élèves de sor­tir sans se confor­mer au règle­ment. Le port du bicorne fait l’objet de la fan­tai­sie des élèves en ville : plu­sieurs ordres, en 1806, 1807, leur rap­pellent en effet de por­ter leur coiffe « militairement ». 

La question du rangement

Le règle­ment pré­voit aus­si la façon dont doit être ran­gé le cha­peau : dans les cham­brées, atta­ché aux clous pla­cés au-des­sus des planches à bagage. Avec l’adoption du scha­ko, l’administration four­nit des boîtes pour les ran­ger, en bois et équi­pées d’un anneau en fil d’archal pour les sus­pendre au mur. Le bon­net de police doit être ran­gé dans les tiroirs s’il est lais­sé dans la salle d’étude. Les chambres sont aus­si équi­pées de râte­liers d’armes pour y ran­ger le fusil, la giberne et la baïon­nette. L’uniforme était pas­sé en revue tous les dimanches. Jean-Louis Rieu (X1806) nous apprend ain­si que « le dimanche com­men­çait par une sévère ins­pec­tion mili­taire à laquelle il fal­lait se pré­pa­rer par de fas­ti­dieux net­toyages faits le same­di ». Tout élé­ment en mau­vais état entraî­nait une consigne.

Un succès populaire

Les occa­sions de por­ter l’uniforme avec armes étaient sou­vent liées à des évé­ne­ments natio­naux. Pour les pro­mo­tions 1806 et 1807 par exemple, ce furent ain­si la trans­la­tion aux Inva­lides des cendres de Vau­ban ou une haie d’honneur rue Saint-Hono­ré en vue d’une céré­mo­nie à Notre-Dame pour la fin de la cam­pagne de Prusse. L’uniforme de Poly­tech­nique se fait connaître du public pari­sien et ouvre les portes : « Nous avons été par­tout, parce que rien n’est plus com­mode qu’un uni­forme dans une cir­cons­tance pareille », ou encore « grâce à mon uni­forme, j’ai été me joindre aux sous-offi­ciers » lors de la fête de la Garde impé­riale, témoigne Frous­sard (X1808). « Depuis leur créa­tion, Poly­tech­nique et Saint-Cyr sont des écoles par­ti­cu­liè­re­ment mises en valeur dans l’exposition publique des armées », résume Odile Roy­nette dans « L’uniforme mili­taire et la mode, une attrac­tion para­doxale » (Les X et la mode, La Jaune et la Rouge, n° 768).

Georges Scott, L’uniforme de 1805-1809. Livret du Bal de l’X à l’Opéra le 30 janvier 1934.
Georges Scott, L’uniforme de 1805–1809. Livret du Bal de l’X à l’Opéra le 30 jan­vier 1934. © Col­lec­tions École poly­tech­nique (Palai­seau) . Don­né par M. Roger (X1965) VI 2a4 (1934)

L’École impériale polytechnique à Paris et la fin de l’Empire

L’École poly­tech­nique se dis­tin­guait dans le pay­sage pari­sien pour plu­sieurs rai­sons. C’est la seule école mili­taire située dans Paris. C’est aus­si la plus ancienne à fonc­tion­ner de façon conti­nue avec autant d’élèves, hor­mis l’école de san­té. Au début du Consu­lat, ni l’école de droit (1802), ni l’école de phar­ma­cie (1803), ni l’Université (1806, 1808) n’ont été créées ou recréées. Créés sous la Conven­tion, le Muséum d’histoire natu­relle, l’Institut natio­nal de musique, l’École des langues orien­tales vivantes ou encore l’Institut des aveugles tra­vailleurs ont com­pa­ra­ti­ve­ment peu d’étudiants. Rieu témoigne du pres­tige de l’uniforme : « Nous nous figu­rons être un objet d’admiration pour les pas­sants » ; l’un d’eux deman­da un jour à l’un de ses cama­rades s’il était « un des savants de l’illustre École poly­tech­nique » ; lequel répon­dit : « Oui, Mon­sieur, vous ne vous trom­pez pas. » Rieu conclut par une note d’autodérision : « Nous nous amu­sâmes assez de cette naïve réponse, dans laquelle se réflé­chis­sait cepen­dant au natu­rel notre amour-propre. Je ne sais si le qui­dam empha­tique fit la même obser­va­tion à part lui. » Ain­si, l’enfermement des élèves, l’encasernement se font en paral­lèle avec une affir­ma­tion de la place des élèves en ville, notam­ment les cafés et les théâtres, qui sera for­ma­li­sée dans le Code X. Dans les théâtres ce sont des places gra­tuites ou des fau­teuils bien pla­cés. Dans les cafés et res­tau­rants s’organisent des repas en groupe, réunis­sant des élèves des deux divi­sions, où se passent les tra­di­tions : chants, soli­da­ri­té finan­cière entre élèves, ou hymnes poli­tiques (répu­bli­cains sous l’Empire), ces der­niers fai­sant l’objet de rap­ports de police.

Changement de régime

La plu­part des étu­diants de Paris sont mobi­li­sés dans la garde natio­nale au moment de la chute de l’Empire en 1814. Abon­dam­ment illus­trée, cette par­ti­ci­pa­tion nous montre les poly­techniciens dans un uni­forme bien reconnais­sable : « Le peuple ne voit plus l’uniforme d’un élève de l’École poly­tech­nique sans atten­dris­se­ment, et l’étranger sans admi­ra­tion », pour­ra-t-on lire dans Le Nain jaune, jour­nal d’inspiration libé­rale, en 1816. Mais la chute de l’Empire, la Pre­mière Res­tau­ra­tion, les Cent-Jours, la Seconde Res­tau­ra­tion furent autant d’occasions de modi­fier les insignes de l’uniforme. Après l’abdication d’avril 1814, le gou­ver­neur ordonne de mettre en pri­son tout élève qui sor­ti­ra sans cocarde ou avec une autre cocarde que la blanche. Le 28 juillet 1815, en pleine Ter­reur blanche, le comte Dejean, gou­ver­neur de l’École, écrit au colo­nel com­man­dant en second : « J’invite (…) M.M. les élèves à ne point lais­ser croître les moustaches. »

Bataille de Paris. Les élèves de l’École polytechnique.
Bataille de Paris. Les élèves de l’École poly­tech­nique. © Col­lec­tions École poly­tech­nique (Palai­seau). A1 P3 IC


Références

  • F. Butt­ner, « Uni­formes et dra­peaux de l’École poly­tech­nique sous le Pre­mier Empire », Car­net de la Sabre­tache, Nou­velle série, n° 78, 3e tri­mestre 1985
  • Gas­ton Cla­ris, Notre École poly­tech­nique, Paris : Librai­ries-Impri­me­ries réunies, 1895
  • Ambroise Four­cy, His­toire de l’École poly­tech­nique, Paris, 1828
  • Jacques-Oli­vier Bou­don, « Napo­léon orga­ni­sa­teur de l’Université », Revue du Sou­ve­nir napo­léo­nien, n° 464, avril-mai 2006
  • Jean-Claude Yon, His­toire du théâtre à Paris de la Révo­lu­tion à la Grande Guerre, Paris : Aubier, 2012
  • Mémoires et témoi­gnages d’anciens élèves
  • « Mémoires de Jean-Louis Rieu » in : Sol­dats suisses au ser­vice étran­ger, tome 3, Genève : Jul­lien, 1910
  • Phi­lippe Godet (éd.), La jeu­nesse du géné­ral Dufour : sou­ve­nirs inédits, Lau­sanne : Impr. réunies, 1914
  • Louis Dille­mann, F. Butt­ner, « Un poly­tech­ni­cien sous le Pre­mier Empire, Claude Vic­tor Louis Frous­sard (1790−1813) », Car­net de la Sabre­tache, n° 37, 1977
  • Georges de Cham­bray, De l’École poly­tech­nique, Paris, 1836
  • Archives de l’École polytechnique
  • Concours d’admission, II 1
  • Car­ton n° 1 « Uni­forme », VII 2a2
  • Cor­res­pon­dance géné­rale, X2C 11
  • Ordres et déci­sions, X2C 1
  • Conseil d’administration, X2C 12
  • X2B 204, Règle­ment intérieur

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Colette Remyrépondre
20 octobre 2023 à 17 h 57 min

Votre nou­veau site est magni­fique. Je trouve cepen­dant très dom­mage de ne plus avoir accès aux articles en .PDF que j’ai­mais pou­voir conserver.

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