Étymologie : que signifie le mot soft skills

Étymologie :
À propos des soft skills

Dossier : Soft skillsMagazine N°787 Septembre 2023
Par Pierre AVENAS (X65)

L’expression soft skills s’est pop­u­lar­isée aux États-Unis au début des années 1990. Elle est apparue explicite­ment au cours de la Soft Skills Train­ing Con­fer­ence organ­isée par l’état-major de l’armée améri­caine en décem­bre 1972. Il s’agissait de dévelop­per les com­pé­tences met­tant en jeu le côté émo­tion­nel de l’homme en com­plé­ment des com­pé­tences rel­e­vant de con­nais­sances tech­niques et formelles, qual­i­fiées en anglais de hard skills. À par­tir du con­texte mil­i­taire, cette approche s’est large­ment éten­due au monde de l’entreprise, un peu comme on a pu le voir à pro­pos de la logis­tique (cf. Éty­mologiX de fév. 2022).

En direc­tion des ressources humaines, on tient compte de plus en plus des soft skills. Cette locu­tion anglaise s’emploie telle quelle en français car elle se traduit mal par « com­pé­tences ou habiletés sociales », « com­pé­tences inter­per­son­nelles et de savoir être », ce qui n’est pas sans rap­port avec le savoir-vivre ou le savoir-faire relationnel…

Dans les dic­tio­n­naires usuels, le français emprunte hard et soft en tant qu’adjectifs invari­ables, et quelques expres­sions comme hard-rock, hard­ware… ou soft-drink, soft­ware… mais pas encore soft skills alors que, dans un reg­istre voisin, soft pow­er est entré au Petit Larousse 2023. Quant au dic­tio­n­naire de l’Académie, il n’admet de tous ces angli­cismes que soft­ball (vari­ante du base-ball, appelée balle molle au Québec), ain­si que soft­ware, tout en recom­man­dant l’emploi de logi­ciel, néol­o­gisme intro­duit avec suc­cès au début des années 1970. On voit que le sens de soft est vari­able selon ses usages, et il est utile d’invoquer ici son étymologie.

Que dit l’étymologie ?

Tout d’abord, l’anglais skill est d’origine scan­di­nave. À l’ancien nor­rois skil­ja « divis­er, dis­tinguer », ski­la « décider », skil « rai­son, dis­cerne­ment » se rat­tachent le sué­dois skäl « rai­son », skick­lig « com­pé­tent, habile » et l’anglais skill « com­pé­tence, habileté ».

L’origine de l’anglais soft est plus com­plexe : du vieil anglais sefte « agréable, gen­til, doux », lui-même relié à une racine ger­manique *samft- dont dépen­dent aus­si l’allemand san­ft, le néer­landais zacht « doux, mou ». Cette orig­ine ger­manique elle-même peut être rap­prochée de la racine indo-européenne *som-, *sem- rel­a­tive à l’égalité, la simil­i­tude (cf. Éty­mologiX de fév. 2018), vis­i­ble dans le latin simul (archaïque semul), l’anglais same « sem­blable » : en effet, l’égalité de niveau d’une sur­face se traduit par une douceur du con­tact, et le pied d’égalité entre per­son­nes apporte une douceur, au sens fig­uré, dans les relations.

Ain­si, soft a pour pre­mier sens « agréable, doux » avant de sig­ni­fi­er plus con­crète­ment « mou », le con­traire de « dur », et même de s’opposer à « dur, matériel » pour sig­ni­fi­er car­ré­ment « immatériel, abstrait », comme dans soft­ware. On peut trou­ver dans l’expression soft skills (comme dans soft pow­er) ces dif­férents niveaux de sig­ni­fi­ca­tion de soft : l’agrément dans les atti­tudes respectueuses des per­son­nes, l’absence de dureté dans les rela­tions inter­per­son­nelles et l’abstraction des qual­ités humaines et apti­tudes non techniques.

Épilogue entre soft et hard

On par­le aus­si de sci­ences dites molles (soft sci­ences) par oppo­si­tion aux sci­ences dures (hard sci­ences) comme la physique, y com­pris la physique de la matière molle (soft mat­ter) ! À ce pro­pos, l’ingénierie du logi­ciel (software engi­neer­ing) est bien mal­gré son nom une sci­ence dure (hard sci­ence). Cepen­dant l’ingénieur en logi­ciel doit aus­si faire preuve de soft skills, tout en tra­vail­lant dur (hardwork­ing). 

Commentaire

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Do-Khac Tru (X79)répondre
21 septembre 2023 à 17 h 18 min

Mer­ci pour ce tra­di­tion­nel bil­let “Éty­molo­gie” qui, à chaque fois, émaille le dossier de La Jaune et La Rouge et qui, en rap­pelant que l’ex­pres­sion “soft skills” est apparue explicite­ment chez l’armée améri­caine en décem­bre 1972, invite à rechercher si c’est bien en 2013 que celle-ci serait apparue explicite­ment dans le cur­sus Cycle ingénieur de l’X.

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