Étymologie :
À propos de la météo et du temps

Dossier : La météorologie partie 2Magazine N°748 Octobre 2019
Par Pierre AVENAS (X65)

À l’usage, on écourte par­fois les mots per­çus comme trop longs ou trop com­pli­qués. Ain­si l’on dit fami­liè­re­ment spé­léo au lieu de spé­léo­lo­gie… Une telle sup­pres­sion de syl­labes en fin du mot se nomme en lin­guis­tique une apo­cope, du grec apo­ko­pê « action de retran­cher » (de apo- « en sépa­rant » et kop­tein « cou­per »), terme dési­gnant déjà le rac­cour­cis­se­ment des noms dans La Poé­tique d’Aristote.

S’agissant de météo­ro­lo­gie, on parle plus sou­vent de météo, où l’apocope ne sup­prime pas seule­ment -logie, mais trois syl­labes, -rolo­gie. De plus, le mot rési­duel météo, une simple abré­via­tion au départ, est deve­nu un mot à part entière avec ses signi­fi­ca­tions propres. Il est entré dans Le Petit Larousse 1994, sépa­ré­ment de météo­ro­lo­gie, avec les sens « bul­le­tin météo­ro­lo­gique » et « condi­tions atmo­sphé­riques ». Puis dans Le Petit Larousse 2012 est ajou­té l’adjectif inva­riable météo. Ain­si, on espère que le ou la spé­cia­liste météo publie une météo fiable, c’est-à-dire une bonne pré­vi­sion du temps.

À ce pro­pos, le mot météo­ro­lo­gie ayant fait l’objet du der­nier Éty­mo­lo­giX, nous pou­vons nous inté­res­ser ici à l’étymologie du mot temps.

Le temps qui passe et le temps qu’il fait

S’agit-il du même mot temps dans les deux cas ? Oui, comme dans la plu­part des langues romanes (ita­lien tem­po, espa­gnol tiem­po…), car c’est déjà le cas en latin, où tem­pus, tem­po­ris a pour sens pre­mier le « temps qui passe », ou le « moment », la « divi­sion du temps », d’où des « cir­cons­tances par­ti­cu­lières », ce qui conduit en bas latin au sens du « temps qu’il fait ». L’idée est que le temps qu’il fait, appe­lé par­fois temps météo­ro­lo­gique, et que nous appel­le­rons temps2, évo­lue avec le temps qui passe, que nous appel­le­rons temps1. On sent bien que la suc­ces­sion des quatre sai­sons, dont la pre­mière est le prin­temps (du latin pri­mus tem­pus « pre­mier temps1 ») rythme tout à la fois le temps1 et le temps2 tout au long de l’année.

Ce pas­sage d’un temps à l’autre en latin se confirme avec tem­pes­tas (déri­vé de tem­pus), qui dési­gnait d’abord, comme tem­pus, le temps1 puis aus­si le temps2, et dont le sens s’est fina­le­ment res­treint au « mau­vais temps », d’où natu­rel­le­ment tem­pête en fran­çais (alors que l’adjectif intem­pestif « à contre-temps » conserve la trace de tem­pes­tas au sens du temps1).

Le même mot pour les deux « temps » partout ?

En grec ancien, le temps1 se dit cou­ram­ment khrô­nos, sans aucun rap­port avec le temps2. En revanche, il existe dans cette langue un autre mot, kai­ros, pour le temps1, plus par­ti­cu­liè­re­ment le temps favo­rable, les cir­cons­tances, d’où la sai­son, et de là le temps2. L’évolution du mot a été telle qu’en grec moderne kai­ros signi­fie à la fois « temps1 » et « temps2 ».

Le lien entre les deux « temps » consta­té en grec et en latin s’observe aus­si dans la plu­part des langues slaves. Serait-ce donc une idée qui va de soi ? Pas dans les langues ger­ma­niques en tout cas, qui dis­tinguent le nom du temps1 (anglais time, alle­mand Zeit…) de celui du temps2 (anglais wea­ther, alle­mand Wet­ter…), lui-même relié peut-être à celui du vent (anglais wind, alle­mand Wind…).

Épilogue

La météo pré­voit l’évolution du temps et de la tem­pé­ra­ture… dans le temps. Y aurait-il un rap­port entre temps et tempéra­ture ? Oui si l’on rap­proche tem­pus au sens « mesure du temps1 », et le verbe tem­pe­rare « gar­der la mesure, tem­pé­rer », d’où tem­pe­ra­tu­ra « bonne mesure, tem­pé­ra­ture », ce qui ouvre un autre cha­pitre éty­mo­lo­gique autour d’une racine indo-euro­péenne *temp, bien au-delà de la météo.

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