A l'origine du mot Gendarmerie

Étymologie :
À propos de la gendarmerie

Dossier : Gendarmerie & numériqueMagazine N°778 Octobre 2022
Par Pierre AVENAS (X65)

Le mot police vient, par le latin poli­tia, du grec politeia « qual­ité de citoyen, con­sti­tu­tion d’un État », de polis « cité, État », d’où aus­si poli­tikos « relatif aux citoyens, poli­tique ». Une police émane en effet d’une autorité poli­tique, de la cité ou de l’État. Le mot gen­darmerie, plus con­cret, désigne une insti­tu­tion de gens en arme, mot à mot de gen­darmes, mais dont l’ancien nom, maréchaussée, moins trans­par­ent, cache le nom d’un animal.

Du cheval au maréchal

Le cheval a un « nom » indo-européen, noté *ekwo-, pronon­cé ékouo, auquel se rat­tachent le latin equ­us (d’où équestre…) ain­si que le grec hip­pos (d’où hip­pique…), car dans cette langue la con­sonne [k] s’efface au prof­it du son [ou], pronon­cé en rap­prochant les lèvres, ce qui prédis­pose à pronon­cer la con­sonne [p]. Cepen­dant, on trou­ve divers­es autres orig­ines pour les noms européens du cheval (du latin cabal­lus) et de la jument (du latin jumen­tum). Ain­si, une même orig­ine cel­to-ger­manique transparaît dans une série de noms du cheval dans les langues cel­tiques (bre­ton marc’h, gal­lois march) et de la jument dans les langues ger­maniques (anglais mare, néer­landais mer­rie, alle­mand Mähre à côté de Stute, plus fréquent).

C’est ce nom du cheval que l’on retrou­ve dans le vieil-alle­mand marah­skalk « domes­tique chargé de soign­er les chevaux », for­mé avec skalk « valet » (d’où l’allemand Schalk « espiè­gle »). En bas latin, de marescal­cus « valet d’écurie » vient marescal, puis mareschal en ancien français et maréchal à par­tir de 1740.

Ce terme a pris plusieurs sens : l’artisan chargé de fer­rer les chevaux, le maréchal-fer­rant, un offici­er pré­posé aux soins des chevaux, par exem­ple le maréchal des logis (cf. Éty­mologiX de fév. 2022 sur la logis­tique), puis un grand offici­er chargé du com­man­de­ment d’une armée, nom­mé alors maréchal de France. Le nom du maréchal est mariscal en espag­nol, mar­shal en anglais, Marschall en allemand.

L’étymologie de maréchal illus­tre le rôle his­torique du cheval dans les armées. De même, le con­nétable, du bas latin comes stab­u­li « comte de l’étable », fut d’abord respon­s­able des écuries ou écuy­er et ensuite grand chef militaire.

Domes­tiqué en Asie, le cheval fut sans doute une arme déci­sive des envahisseurs indo-européens. Plus tard, Philippe II de Macé­doine (philip­pos « qui aime les chevaux ») a dévelop­pé les corps de cav­a­liers d’élite. Depuis le Moyen Âge, de nom­breuses insti­tu­tions de cav­a­lerie et de cheva­lerie sont apparues, jusqu’à l’ABC, l’Arme blind­ée et cav­a­lerie, encore nom­mée ain­si alors que le cheval a dis­paru des armées combattantes.

Du maréchal à la maréchaussée et à la gendarmerie

De mareschal puis maréchal dérivent mareschaussée puis maréchaussée pour désign­er d’abord la juri­dic­tion des maréchaux de France dépen­dant du con­nétable. Par la suite, la com­pag­nie de gens à cheval sub­or­don­née à ces maréchaux de France et chargée de veiller à la sûreté publique fut nom­mée Maréchaussée et placée en 1720 sous l’autorité d’une autre com­pag­nie de cav­a­liers, dite Gen­darmerie de France, qui exis­tait par ailleurs. En 1791, l’Assemblée nationale renomme enfin l’ensemble Gen­darmerie nationale, effaçant ain­si le nom Maréchaussée jugé trop lié à l’Ancien Régime.

Épilogue

Le mot maréchaussée désigne encore famil­ière­ment la gen­darmerie, mais aux Pays-Bas c’est son nom offi­ciel, la maréchaussée royale (Konin­klijke Marechaussee). En Ital­ie, ce sont les Cara­binieri, les cara­biniers, tou­jours en retard depuis l’opéra bouffe d’Offenbach créé à Paris en 1869, Les Brig­ands. 

« Nous sommes les carabiniers,
La sécurité des foyers ;
Mais, par un malheureux hasard,
Au secours des particuliers
Nous arrivons toujours trop tard. »
Extrait de l’opéra bouffe Les Brigands

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