étymologie de l'intelligence artificielle : Hal 9000, le supercalculateur de 2001 l'Odyssée de l'Espace est doué d’une intelligence comparable à celle d’un être humain.

Étymologie :
À propos de l’intelligence artificielle

Dossier : Intelligence artificielleMagazine N°781 Janvier 2023
Par Pierre AVENAS (X65)

L’expression intel­li­gence arti­fi­cielle (IA) est apparue vers 1956 aux États-Unis à pro­pos de la sim­u­la­tion par un ordi­na­teur des capac­ités cog­ni­tives d’un être humain. L’étude des réseaux de neu­rones était déjà en cours à cette date, et s’y ajouteront celles des sys­tèmes experts dans les années 1960 et de l’appren­tis­sage pro­fond aujourd’hui. L’étymologie de la plu­part de ces ter­mes fait l’objet de précé­dents Éty­mologiX, déjà sur l’intel­li­gence arti­fi­cielle en mars 2018, et sur des sujets con­nex­es comme le numérique, l’ordinateur et la sim­u­la­tion, l’expertise, la cyberné­tique, la cognition…

L’IA est une intel­li­gence humaine assistée par l’informatique, et ce pro­pos donne l’occasion de s’intéresser au mot infor­ma­tique, qui englobe tout ce qui précède, ain­si qu’au mot algo­rithme, qui lui est couram­ment associé.

L’informatique, le traitement de l’information

L’ingénieur et uni­ver­si­taire alle­mand Stein­buch, spé­cial­iste des réseaux de neu­rones, pro­pose avec un con­frère en 1956 le mot Infor­matik et pub­lie en 1957 Infor­matik : Automa­tis­che Infor­ma­tionsver­ar­beitung, c’est-à-dire « traite­ment auto­matique de l’information ». En 1962 sont créées en France la Société d’informatique appliquée et aux États-Unis la société Infor­mat­ics Inc., dont le fon­da­teur a cher­ché à garder l’exclusivité du nom, ce qui a con­tribué à lim­iter l’usage d’infor­mat­ics au prof­it de com­put­er sci­ence en anglais.

Dans la plu­part des langues, on emploie un mot proche d’infor­ma­tique, dérivé d’infor­ma­tion, non pas au sens abstrait d’un ren­seigne­ment, mais au sens d’une don­née analogique ou logique, numérisée, for­matée dans l’esprit du latin infor­mare « façon­ner », for­mare « don­ner une forme », de for­ma « moule, forme ». L’élément de base du traite­ment infor­ma­tique est l’algorithme.

L’algèbre et l’algorithme

Les savants du monde arabo-musul­man ont sys­té­ma­tisé l’usage des chiffres, dits arabes, élaborés en Inde vers le VIe siè­cle (cf. Éty­mologiX d’avril 2020). L’un des plus illus­tres de ces savants fut l’astronome et math­é­mati­cien per­san Muham­mad ibn Musa Al-Khwariz­mi, orig­i­naire du Khwarezm, jadis province du Grand Iran.

Al-Khwariz­mi est mort en 850 à Bag­dad, où il a tra­vail­lé au sein de l’emblématique Mai­son de la sagesse ouverte au début du IXe siè­cle. Le titre de son traité sur les équa­tions des pre­mier et deux­ième degrés est l’Abrégé du cal­cul par la restau­ra­tion et la com­para­i­son, où restau­ra­tion traduit l’arabe al-jabr, de sens général « répa­ra­tion, remplissage ».

Ce mot s’applique en médecine à l’art de remet­tre les mem­bres démis, et il s’applique ici au fait de « répar­er » une équa­tion en ajoutant le même terme à ses deux mem­bres pour élim­in­er un terme négatif. Ain­si résout-on une équa­tion du pre­mier degré en pas­sant de x‑a=b à x=b+a. En référence à cette opéra­tion pri­mor­diale, algèbre vient de l’arabe al-jabr.

L’autre grand traité d’Al-Khwarizmi, per­du en arabe mais trans­mis en latin, est De numero Indo­rum, ou À pro­pos de la numéra­tion des Indi­ens. L’importance de ce texte fut telle que du nom d’Al-Khwarizmi vient, par l’ancien espag­nol, l’ancien français augorisme, algo­risme désig­nant au XIIIe siè­cle le cal­cul au moyen des chiffres arabes, puis au XVIe siè­cle l’art du cal­cul en général. La forme algo­rithme est due sans doute à l’influence du grec arith­mos « nombre ».

Épilogue

En 1614, John Napi­er, dit Neper, a for­mé, du grec logos « pro­por­tion » et arith­mos « nom­bre », le mot log­a­rith­mus, une ana­gramme d’algo­rith­mus : est-ce par hasard ?

Poster un commentaire