Guerre économique, la bataille de Fontenoy, . Les nations et leurs fonds souverains.

Étymologie :
À propos de guerre économique

Dossier : La guerre économiqueMagazine N°755 Mai 2020
Par Pierre AVENAS (X65)

L’économie non dirigiste prône les bien­faits de la con­cur­rence, et c’est lorsque cette con­cur­rence est déloyale que l’on par­le de guerre économique, expres­sion dans laque­lle il con­vient de pré­cis­er d’abord le sens de l’adjectif économique.

L’économie dans tous les sens du terme

Par­tons du grec oikos, désig­nant le lieu d’habitation, pou­vant être une mai­son ou un vaste domaine, et les biens qui y sont attachés. Asso­cié au suf­fixe -nomos, du verbe nemein « dis­tribuer, admin­istr­er », oikos forme oikonomos, pour « le gérant de la mai­son et des biens », d’où oikono­mia « ges­tion, admin­is­tra­tion » et l’adjectif oikonomikos. Ce vocab­u­laire est emprun­té, via le latin, par le français : au tout pre­mier degré, l’économe tient les comptes d’une organ­i­sa­tion, gère son économie, mais ce mot a pris dans l’usage plusieurs niveaux de signification :

  • comme un bon économe gère avec parci­monie, être économe c’est avoir le sens des économies, c’est acheter au plus économique (au meilleur marché) ;
  • plus large­ment, l’économie d’une col­lec­tiv­ité résulte de son activ­ité et ses échanges : de l’économie des ménages et l’économie d’entreprise, jusqu’à l’économie nationale et même l’économie mon­di­ale
  • par exten­sion, on par­le d’économie au sens de l’organisation d’un sys­tème, par exem­ple L’économie des change­ments phoné­tiques (1955) du lin­guiste André Martinet ; 
  • enfin économie désigne aus­si la sci­ence économique, qui porte donc en français le même nom que son objet d’étude, c’est-à-dire l’économie des col­lec­tiv­ités. En anglais au con­traire, on dis­tingue eco­nom­ics « sci­ence économique » de econ­o­my « économie d’une col­lec­tiv­ité », et plus encore en alle­mand, Ökonomie « sci­ence économique » et Wirtschaft « économie d’une col­lec­tiv­ité », avec Wirt « patron » et le suf­fixe -schaft, du verbe schaf­fen « créer, accom­plir » (cf. Gesell­shaft « com­pag­nie », avec Geselle « compagnon »).

Notons qu’un écon­o­miste fait appel à l’économétrie, mot for­mé avec le suf­fixe -métrie, d’où peut venir l’idée qui suit : si l’on voulait vrai­ment nom­mer spé­ci­fique­ment la sci­ence de l’économie, on pour­rait l’appeler « éconolo­gie », ce qui évit­erait la ressem­blance trompeuse avec écolo­gie, où
éco- représente toute forme d’habitat des êtres vivants, y com­pris la planète entière.

Revenons à la guerre économique, qui est donc un con­flit entre économies de col­lec­tiv­ités (entre­pris­es ou États). C’est en espag­nol guer­ra economí­ca, en anglais eco­nom­ic war et en alle­mand Wirtschaft­skrieg.

Le mot guerre est-il per­ti­nent ici ?

La guerre

Ce mot ne vient vis­i­ble­ment pas du grec pole­mos « guerre », relié sans doute au verbe pelem­izein « agiter, sec­ouer », et resté en français dans polémique. Le mot guerre ne vient pas non plus du latin bel­lum « guerre » (cf. en français, belliqueux) mais en fait d’une orig­ine fran­cique, *wer­ra « désor­dre, mésen­tente », dont l’initiale [w] se main­tient en anglais, war, mais évolue phoné­tique­ment vers [g] dans les langues romanes, comme en français, guerre (cf. les cou­ples win/gain, wasp/guêpe…). Enfin en alle­mand, cette orig­ine fran­cique se voit dans l’adjectif wirr « chao­tique », mais pas dans le nom de la guerre, Krieg, lié à une autre racine ger­manique sig­nifi­ant d’abord « obsti­na­tion, effort », « con­flit », racine à laque­lle se rat­tache aus­si Kraft « puissance ».

Épilogue

Au-delà de la con­cur­rence nor­male, la guerre économique naît d’une mésen­tente entre col­lec­tiv­ités rivales, dif­fi­cile à éviter car, en économie, on se méfie aus­si des ententes !

Poster un commentaire