Etymologie du mot environnement

Étymologie :
À propos de Chine et environnement (2/2)

Dossier : Chine et environnementMagazine N°744 Avril 2019
Par Pierre AVENAS (X65)

Le dernier Éty­mologiX por­tait sur le nom de la Chine, celui-ci en vient au mot envi­ron­nement, qui se con­stru­it comme des tables gigognes : envi­ron­nement inclut env­i­ron, et env­i­ron inclut l’ancien français viron, lui-même de la famille de vir­er, un avatar du verbe vibr­er, un peu inat­ten­du ici.

Vibrer, virer… (en)viron

Tout en amont, par­tons en effet du verbe latin vibrare, tran­si­tif ou intran­si­tif selon les cas : tran­si­tif dans le sens « agiter, sec­ouer, lancer », et intran­si­tif dans le sens « être en vibra­tion, en trem­ble­ments », sens qui s’est con­servé en français dans le verbe vibr­er, qui n’est presque jamais tran­si­tif (quelques excep­tions comme l’action de vibr­er le béton). Par­al­lèle­ment est apparu en bas latin le verbe *virare, où le [b] a dis­paru car la présence dans vibrare de deux con­sonnes labi­ales rap­prochées, [v] et [b], a entraîné la dis­pari­tion de la sec­onde. Ce verbe *virare se con­tin­ue en français, vir­er, qui est surtout tran­si­tif dans le sens « faire tourn­er, déplac­er, expulser » et par­fois intran­si­tif, si l’on vire de bord, ou si le temps vire à l’orage.

C’est en tout cas de *virare que vient, en ancien français, viron, désig­nant un rond, un cer­cle, le tour de quelque chose, d’où aus­si le pays d’alentour. Et finale­ment, l’ancien français viron a dis­paru au prof­it d’une forme pré­fixée, env­i­ron, sou­vent au pluriel : les envi­rons. Notons incidem­ment l’existence d’une autre forme pré­fixée, avi­ron, qui désigne une rame ani­mée d’un mou­ve­ment tournant.

Mais revenons à env­i­ron, d’où vient naturelle­ment le verbe envi­ron­ner, moins employé d’ailleurs que son dérivé, l’adjectif envi­ron­nant.

Environ, environner… environnement

Les noms en -ment dérivent sou­vent d’un verbe, et désig­nent alors l’action cor­re­spon­dant à ce verbe, ou le résul­tat de cette action : par exem­ple développe­ment dérive ain­si du verbe dévelop­per. Moins sou­vent, ces noms en -ment dérivent d’un autre nom, et désig­nent alors une exten­sion de la réal­ité exprimée par ce dernier nom : par exem­ple le terme fil­a­ment est un élar­gisse­ment du mot fil (déjà en latin, fil­a­men­tum dérivé de filum avec le suf­fixe -men­tum).

Le mot envi­ron­nement pour­rait certes se com­pren­dre comme l’action d’environner, mais en général, et en tout cas ici, il se com­prend comme l’extension de l’environ : l’ensemble des élé­ments envi­ron­nants, du niveau le plus local jusqu’au plus large, le niveau glob­al au sens anglais, celui de la Terre, y com­pris sa couche d’ozone, son cli­mat ou sa biodiversité.

Environnement ou milieu ?

Cer­tains philosophes des sci­ences font remar­quer que le mot envi­ron­nement désigne une réal­ité extérieure à l’objet envi­ron­né. À cause de cela, ils préfèrent employ­er le terme milieu, con­sid­érant que l’être humain, par exem­ple, n’est pas seule­ment envi­ron­né par le milieu dans lequel il vit, mais qu’il en fait par­tie (milieu biologique, naturel, social…). En effet, le milieu (de mi-lieu), c’est au pre­mier sens le cen­tre d’un lieu, puis par exten­sion à par­tir du XVIIe siè­cle, c’est aus­si ce cen­tre et tout son envi­ron­nement. Et donc l’être humain est plus inté­gré (encore plus respon­s­able peut-être ?) dans son milieu que dans son environnement…

Épilogue chinois

Qu’en est-il dans la langue de l’empire du Milieu ? L’environnement se dit en chi­nois 环境, pronon­cé huán­jìng, for­mé des idéo­grammes 环 « boucle » et 境 « fron­tière ». Ce mot cor­re­spond bien au con­cept des envi­rons, et pas à celui de milieu, qui, il est vrai, est déjà pris en compte dans le nom du pays !

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