Etymologie de la fabrication additive

Étymologie :
À propos de fabrication additive

Dossier : La fabrication additiveMagazine N°756 Juin 2020
Par Pierre AVENAS (X65)

Les pre­mières fab­ri­ca­tions d’objets ont sans doute été sous­trac­tives, à par­tir de la pierre, du bois, de l’os… ou encore, à l’époque mod­erne, de blocs de métal, par usi­nage. Très tôt sont apparus aus­si la fonderie des métaux, et des procédés dits de trans­for­ma­tion (au sens pro­pre de « change­ment de forme ») pour des matières mal­léables : le mod­e­lage des argiles, le façon­nage du verre à chaud, le forgeage des métaux… À ce pro­pos, du verbe grec plas­sein « mod­el­er » dérive plas­tikos, « mod­e­lable », d’où par le latin la notion de plas­tic­ité, s’appliquant aux argiles, aux métaux, puis au XXe siè­cle aux matières dites plas­tiques, aptes à la trans­for­ma­tion à chaud.

À la mise en forme par sous­trac­tion, fonderie ou trans­for­ma­tion s’ajoute main­tenant la fab­ri­ca­tion dite addi­tive : une imp­ri­mante 3D, à com­mande numérique, con­stru­it un objet ex nihi­lo en déposant (ou en élab­o­rant in situ) la matière, couche après couche.

Cette fabrication additionne et même plus, elle ajoute

Le latin addi­tivus, d’où addi­tif, vient du verbe addere « plac­er à côté, addi­tion­ner », for­mé du pré­fixe ad et de l’élément ver­bal -dere « plac­er », sans lien éty­mologique avec adhér­er, du latin adhaerere, de haerere « être fixé », ni avec ajouter, dou­blet de adjoin­dre, des verbes tout de même per­ti­nents ici car chaque couche doit être adhérente, jointe à la précé­dente. Cette super­po­si­tion de couch­es rap­pelle l’étymologie de con­stru­ire, basée sur le verbe latin struere « édi­fi­er en dis­posant par couch­es » (cf. Éty­mologiX de jan­vi­er 2019, l’industrie du futur), comme si l’imprimante 3D imi­tait la con­struc­tion des édi­fices, réal­isée depuis tou­jours en assem­blant des strates de pier­res ou d’autres matéri­aux (l’assemblage de com­posants est un tout autre con­cept de fab­ri­ca­tion, qui pour­rait aus­si être qual­i­fié d’« additif »).

Et que dit l’étymologie de fab­ri­ca­tion ?

De l’artisan à la fabrique et à la forge

En latin, faber désig­nait d’abord tout arti­san qui fab­rique des objets dans un matéri­au dur, tel que le métal, la pierre, le bois, l’ivoire… puis plus spé­ciale­ment le forg­eron. Ce mot faber sub­siste dans orfèvre, et surtout dans une mul­ti­tude de patronymes : Faber, Fab­re, Favre, Fau­re, Fèvre, Lefè(b)vre, Lefébu­re… De faber dérive en latin fab­ri­ca, désig­nant un mode de fab­ri­ca­tion ou le plus sou­vent un ate­lier de fab­ri­ca­tion, une fab­rique, puis surtout une forge. Un nom d’une autre orig­ine ? En fait non, forge est un dou­blet éty­mologique de fab­rique. En effet, fab­ri­ca a évolué avec le pas­sage du b au v, l’atténuation du son [k] en [g] puis en [j], des muta­tions de voyelles, d’où l’ancien français favarge, et finale­ment, avec la chute de la con­sonne cen­trale, farge, puis forge. Divers toponymes de France illus­trent cela : La Fab­rique, Fab­règues, Faverges, Lafarge, Forge… et la forge inspire encore d’autres patronymes, Lafar­gue, Laf­forgue, For­get, Deforges

Mais revenons à la fabrication.

Épilogue

En latin, de fab­ri­ca vien­nent fab­ri­cari, fab­ri­ca­tio, d’où fab­ri­quer, fab­ri­ca­tion. On trou­ve aus­si en anglais, to fab­ri­cate, fab­ri­ca­tion, mais au sens fig­uré d’une his­toire fab­riquée, alors qu’au sens pro­pre « fab­ri­quer » se dit plutôt to man­u­fac­ture (d’où addi­tive man­u­fac­tur­ing), qui remonte par le français et l’italien au latin man­u­fac­tum « œuvre faite à main d’homme ». Une imp­ri­mante 3D géante fab­rique ain­si une mai­son en addi­tion­nant les couch­es de béton ou d’autres matéri­aux, en lieu et place de l’assemblage manuel des com­posants dans la con­struc­tion traditionnelle.


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