Industrie du futur

Étymologie :
À propos de l’industrie du futur

Dossier : L'industrie du futurMagazine N°741 Janvier 2019
Par Pierre AVENAS (X65)

Voi­là des mots qui viennent tout droit du latin, indus­tria et futu­rus. Cepen­dant, l’étymologie latine de indus­tria est assez com­pli­quée, et elle n’est pas sans consé­quences en fran­çais. Quant à futu­rus, c’est un mot plu­tôt simple à condi­tion de faire un peu de gram­maire latine.

Mais com­men­çons par l’indus­trie.

L’industrie tantôt spécialisée, tantôt généraliste 

En latin, indus­trius signi­fie « actif, labo­rieux, zélé » d’où indus­tria « acti­vi­té, zèle » et au plu­riel indus­triae « efforts ». Le latin indus­tria a donc un large usage, conti­nué en fran­çais jusqu’au xixe siècle par indus­trie, signi­fiant « habi­le­té (manuelle) » et s’appliquant à toutes les sortes d’activités : pro­duc­tions domes­tiques, arti­sa­nales et manu­fac­tu­rières, agri­cul­ture, ser­vices, com­merce, trans­port. C’est à par­tir de la révo­lu­tion dite indus­trielle (du latin médié­val indus­tria­lis) que l’on a dis­tin­gué l’agriculture, l’industrie et les services.

Le sens d’indus­trie s’est donc res­treint en fran­çais moderne, mais on va voir qu’il s’était élar­gi par rap­port à l’origine éty­mo­lo­gique d’indus­tria.

En effet, indus­trius remonte à une forme archaïque endos­truus for­mée de endo- « à l’intérieur » et -struus, élé­ment relié au verbe struere, signi­fiant d’abord « dis­po­ser par couches, empi­ler », à rap­pro­cher du verbe ster­nere « étendre », d’où stra­tum « couche, strate ». Puis struere signi­fie « assem­bler »… des briques par exemple, donc « édi­fier, structurer » et dans un sens abs­trait « tra­mer, préparer ».

Le sens concret se ren­force avec des pré­fixes : construere « construire », des­truere « détruire », obs­truere « obs­truer », et ins­truere, d’abord concret pour « assem­bler dans, insé­rer » puis « équi­per (à l’intérieur) », et fina­le­ment au sens figu­ré « infor­mer », d’où en fran­çais le verbe ins­truire. À noter que le latin avait toute une série d’autres verbes concrets comme ad-, cir­cum-, ex-, per-, sub­struere, pour dif­fé­rentes étapes de la construc­tion, qui a dû être en quelque sorte la pre­mière des industries.

Le mot industrie au passé ambigu

L’élément indu- « à l’intérieur » a conduit le grand lin­guiste Ben­ve­niste à pen­ser qu’indus­tria avait ori­gi­nel­le­ment le sens d’« acti­vi­té secrète », indus­trius étant alors celui « qui construit à l’intérieur d’une manière cachée ». Était-ce pour pré­ser­ver les secrets de fabri­ca­tion ? ou parce qu’il y avait quelque chose à cacher ? comme lorsque le mot indus­trie était pris en mau­vaise part, lorsqu’on exer­çait une cou­pable indus­trie ou que l’on vivait d’industrie, c’est-à-dire par des moyens indé­li­cats. Des expres­sions heu­reu­se­ment obso­lètes, qui en tout cas ne concernent pas l’industrie du futur.

Le futur c’est simplement ce qui va être

Enfin futur vient du latin futu­rus « sur le point d’être », qui est le par­ti­cipe futur du verbe esse « être », un temps inexis­tant en fran­çais, où ne sub­sistent que les par­ti­cipes pré­sent et pas­sé. Ce par­ti­cipe futur est en -urus : amaturus « sur le point d’aimer », for­mé sur amare « aimer ». Mais pour­quoi futurus n’est-il pas for­mé sur esse ? En fait, ce verbe esse « être » est irré­gu­lier car ses formes ver­bales se rat­tachent à deux radi­caux dis­tincts : celui du pré­sent avec esse « être », et celui du par­fait, avec par exemple fuit « il fut », sur lequel est for­mé futu­rus.

Épilogue

En tout état de cause, pour construire l’industrie du futur, il est bon d’être indus­trieux (du bas latin indus­trio­sus) et futu­riste (de l’italien futu­ris­mo, d’abord appli­qué aux arts, puis aux arts et métiers…). 

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