À propos de L’École polytechnique

Étymologie :
À propos de l’École polytechnique

Dossier : L'École polytechniqueMagazine N°735 Mai 2018
Par Pierre AVENAS (X65)

Fondée en 1794 par la Con­ven­tion, l’École cen­trale des Travaux Publics est d’abord ori­en­tée vers les activ­ités typ­iques des Ponts, à l’exclusion de celles des Mines ou du Génie maritime.

Dès l’année suiv­ante, son champ de com­pé­tences est élar­gi et elle est rebap­tisée École Poly­tech­nique, ce qui était une inno­va­tion lin­guis­tique comme on va le voir.

Quant au mot école, il est très ancien et son éty­molo­gie gré­co-latine est vrai­ment surprenante.

Un néologisme pour une école innovante

Le qual­i­fi­catif poly­tech­nique est apparu au cours de l’an III (dans sa par­tie 1795). La Con­ven­tion a d’abord pub­lié (en plu­viôse) les Pro­grammes de l’enseignement poly­tech­nique de l’École cen­trale des travaux publics, où l’adjectif poly­tech­nique était un néol­o­gisme puisqu’il n’est attesté antérieure­ment dans aucun dictionnaire.

Inspiré du grec polutekhnos « habile en beau­coup d’arts », ce qual­i­fi­catif a plu, puisque la loi du 15 fruc­ti­dor l’intégrait dans le nom même de l’École poly­tech­nique.

Un nom qui a fait florès dans l’enseignement supérieur fran­coph­o­ne, avec l’École poly­tech­nique de Lau­sanne fondée en 1853, ou celle de Mon­tréal en 1873, et en France les Insti­tuts Nationaux Poly­tech­niques (INP) en 1969 ou plus récem­ment le réseau Poly­tech.

Cet adjec­tif poly­tech­nique ne s’étant pas implan­té dans le lan­gage courant (on dira plus tard : pluridis­ci­plinaire), son usage est resté spé­cial­isé dans les noms d’institutions de for­ma­tion, en français comme dans les langues voisines.

Ain­si en anglais, pour le dic­tio­n­naire d’Oxford, poly­tech­nic est un emprunt au nom de l’École poly­tech­nique de Paris, d’où les Poly­tech­nic Roy­al Insti­tu­tions en Angleterre ou les divers Poly­tech­nic Insti­tutes aux États- Unis.

C’est la voca­tion général­iste de l’École française qui a plu, alors que son organ­i­sa­tion (y com­pris son statut mil­i­taire depuis 1804) n’a pas été imitée dans un monde académique dom­iné par les cam­pus de type anglo-saxon.

Il faut travailler à l’école

On sait que l’étymologie de tra­vail n’est pas réjouis­sante1 et n’incite pas à tra­vailler à l’école, ni pour un écol­i­er, ni pour un élève de l’X. Mais l’étymologie d’école est a pri­ori plus sympathique.

En effet, école vient du latin schola « étude, leçon, école », lui-même emprun­té au grec skholê, mot qui a con­nu une évo­lu­tion séman­tique rad­i­cale : skholê sig­nifi­ait d’abord « loisir, tran­quil­lité, temps libre », voire « paresse ».

Ensuite, par métonymie de type con­tenant-con­tenu, skholê a aus­si désigné ce à quoi l’on emploie son temps libre, notam­ment au livre VII des Lois de Pla­ton, où celui-ci recom­mande docte­ment d’utiliser ce temps à des dis­cus­sions sci­en­tifiques plutôt qu’à s’amuser.

Plus tard, son dis­ci­ple Aris­tote emploie car­ré­ment dans le sens « étude » le mot skholê, qui a fini par sig­ni­fi­er « école », sens resté en grec mod­erne et pro­longé par le latin schola.

Notons que le latin otium « oisiveté, loisir – par­fois studieux – » fait écho au pre­mier sens de skholê, mais n’a pas pris le sens de « école ». Son con­traire negotium « occu­pa­tion, négoce » cor­re­spond au grec askho­lia « manque de loisir, occupation ».

Épilogue

On voit l’idée de l’évolution en grec : les humains doivent s’affranchir du tra­vail matériel et libér­er du temps pour l’étude, pour le tra­vail à l’école qui, loin d’être une « tor­ture », serait une activ­ité de loisir.

Reste à en per­suad­er ceux qui sont les plus con­cernés, et qui devraient être les prin­ci­paux intéressés.

Heureuse­ment, l’école laisse encore de vrais temps de loisir avec les récréa­tions et les vacances !

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1. Cf. Éty­mologiX de décem­bre 2017

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