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Étymologie :
50 ans de féminisation de l’École

Dossier : 50 ans de féminisation de l'XMagazine N°777 Septembre 2022
Par Pierre AVENAS (X65)

Les étu­di­antes sont entrées à l’X en 1972 avec une pre­mière fémin­i­sa­tion, celle de leur nom, les poly­tech­ni­ci­ennes. Heureuse­ment, on n’a jamais nom­mé ain­si la femme du poly­tech­ni­cien, comme il y eut la générale, la maréchale… et même l’étu­di­ante qui, selon le TLF, était au XIXe siè­cle l’amie de l’étudiant, encore dans un écrit de Mérimée de 1870, un an avant la pre­mière licence uni­ver­si­taire accordée à une femme en France ! un siè­cle avant la pre­mière poly­tech­ni­ci­enne. Une lente fémin­i­sa­tion des études supérieures, que l’étymologie ne favori­sait pas.

La femme en tant que telle, et même en majesté

La racine indo-européenne notée *gwenā se retrou­ve dans le nom de la femme en grec, gunê, gunaikos (d’où l’élément gyné­co- en français), dans des langues scan­di­naves comme en sué­dois kvin­na, ain­si que dans la plu­part des langues slaves comme en russe ženŝi­na et au sens d’épouse en russe žena, en polon­ais źona.

Sans rap­port avec la racine indo-européenne *génō « engen­dr­er », cette racine *gwenā désigne donc la femme en tant que telle. Elle se retrou­ve même, par le vieil anglais cwēn, dans le nom de la reine en anglais, queen, qui n’est donc pas le féminin de king. Alors que dans presque toutes les langues le nom de la reine est le féminin de celui du roi, en anglais, la reine est la femme par excel­lence et la femme se dit autrement, woman.

La femme et l’homme, ou la femme et son mari

Selon les cas, on emploie, ou pas, le même mot (comme en français) pour désign­er la femme en général et la femme ou l’épouse du mari. Ain­si, en anglais, on a woman et wife « épouse ». Toute­fois, la dif­férence n’est qu’apparente car l’élément wo- de woman est une évo­lu­tion de wife.

En alle­mand, on trou­ve das Weib, équiv­a­lent, devenu péjo­ratif, de l’anglais wife, et surtout die Frau, avec les deux sens de femme et d’épouse, issu du féminin d’un nom ancien du maître. L’espagnol mujer ou le por­tu­gais mul­her pren­nent aus­si les deux sens, du latin muli­er « femme, épouse ».

De muli­er vient aus­si moglie « épouse » en ital­ien, où la femme en général se dit don­na, du latin dom­i­na, féminin de domi­nus « maître de mai­son », de domus « mai­son ». Ain­si, les divers noms européens de la femme sont sou­vent liés à la notion d’épouse, mais en français l’étymologie de femme est en rap­port avec la maternité.

La femme est l’avenir de l’homme

Le français femme vient du latin fem­i­na, qui relève de la racine indo-européenne *dhē- « téter ou allaiter », avec l’initiale *dh- cor­re­spon­dant à des mots grecs en th- et des mots latins en f-. Ain­si, la racine *dhē- se voit en grec thêlê « mamel­on », tithênê « nour­rice »… et en latin dans de nom­breux mots en fe- passés presque tels quels en français, dont fem­i­na « femme », fem­ineus « féminin », fetus « enfan­te­ment », d’où fœtus, ain­si que fecun­dus « fécond » et felix « fécond, heureux », felic­i­tas « félic­ité », felic­itare « ren­dre heureux » d’où féliciter

Au début du XIXe siè­cle, le philosophe Charles Fouri­er a été un précurseur du fémin­isme, et ce terme même lui est attribué : un mot à con­tre-éty­molo­gie car le fémin­isme s’oppose à ce que la femme soit réduite à son rôle dans la mater­nité, mais un mot adop­té tout de même par toutes les langues d’Europe, comme en espag­nol fem­i­nis­mo, en anglais fem­i­nism ou en polon­ais fem­i­nizm.

Épilogue

Quelle que soit l’étymologie, la fémin­i­sa­tion de la société devrait être une préoc­cu­pa­tion human­iste. Une société plus humaine ne peut que ten­dre vers plus de par­ité femme-homme.


Lire aus­si : Éty­molo­gie à pro­pos de l’É­cole polytechnique

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