Urbanisme et mobilité

Étymologie :
À propos d’urbanisme et mobilité

Dossier : Urbanisme et mobilitéMagazine N°738 Octobre 2018
Par Pierre AVENAS (X65)

L’urbanisme, c’est l’art d’adapter la ville aux besoins de ses habi­tants, à pro­pos de mobil­ité notam­ment. En latin, la ville se dis­ait urbs, urbis, d’où urbanus, déjà dans les deux sens de urbain : « de la ville » comme pour le tis­su urbain, ou bien « poli, de bon ton », les habi­tants des villes étant sup­posés plus raf­finés que ceux des cam­pagnes. On avait aus­si sub­ur­banus « sub­ur­bain », et sub­ur­banum, pré­fig­u­rant le faubourg ou la ban­lieue. Plus récem­ment sont apparus les ter­mes urban­isme, urban­i­sa­tion, urban­is­tique

Villa, village et ville

D’où vient alors le mot ville ? Du latin vil­la, qui désig­nait une vaste mai­son de maître, entourée d’un domaine agri­cole, en dehors de la ville juste­ment. Mais lorsque l’habitat se dévelop­pait autour d’une vil­la romaine, il se for­mait un petit groupe de maisons, un vil­lage (du bas latin vil­lag­ium, dérivé de vil­la), ou même une plus grande aggloméra­tion, tou­jours nom­mée en bas latin, vil­la, et ce mot l’a finale­ment emporté sur urbs pour devenir la ville en français. À l’origine, la ville était à la campagne !

D’ailleurs une petite mai­son avec jardin hors de la ville, c’est resté de nos jours une vil­la, qui rap­pelle la « mai­son de cam­pagne » des rich­es Romains, en latin vil­la urbana, apparue vers le iie siè­cle. Cela se voit dans le nom même de Villeur­banne, nom­mée Vil­la Urbana vers 1225, qui a donc été une vil­la d’agrément rat­trapée ensuite par la conur­ba­tion lyonnaise.

En résumé, la vil­la romaine a lais­sé son nom à plus petit qu’elle, la vil­la, et à plus grand qu’elle, la ville !

Enfin en latin, l’adjectif vil­lanus désig­nait l’habitant d’une vil­la (au sens latin), donc de la cam­pagne, d’où le nom du paysan en ancien français, le vilain, mot qui a pris un tout autre sens aujourd’hui : un vilain est tout sauf urbain.

Et si l’on remonte dans l’étymologie, on s’aperçoit que la dual­ité urbs/vil­la vient de loin.

Urbs et Rome

En latin, urbs désig­nait une ville entourée d’une enceinte, et en pre­mier lieu la ville de Rome, urbs Romana : urbs, c’est Rome dans la béné­dic­tion papale urbi et orbi « à la ville et au monde ». Le mot urbs se relie en effet à une racine indo-européenne sig­nifi­ant « délim­iter un périmètre cir­cu­laire, enclore ». Lors de la fon­da­tion d’une ville, l’emplacement de l’enceinte était tracé au sol avec une char­rue, dont le manche se nomme en latin urbum. Ain­si à la fon­da­tion de Rome en 753 avant J.-C., c’est Romu­lus qui a tracé le sil­lon sacré, le pomo­eri­um (de post muros) délim­i­tant la ville intra-muros.

Si urbs ren­voie à une grande ville, à une cap­i­tale, et même à une orig­ine sacrée, vil­la, comme on va le voir, est d’extraction beau­coup plus modeste.

Villa et les quartiers

En latin, vil­la est dérivé avec change­ment de suf­fixe de vicus, qui désigne d’abord le quarti­er d’une ville, ou l’une de ses rues, d’où vici­nus « voisin », vicinum « voisi­nage », d’où aus­si en français le chemin vic­i­nal. Ce mot vicus se relie à une racine indo-européenne *weik- exp­ri­mant une unité sociale située juste au-dessus d’une famille ou d’une mai­son, comme une vil­la romaine et ses dépen­dances, un vil­lage, un pâté de maisons…

Épilogue

En défini­tive, si le mot urbs fait penser à la cap­i­tale du monde romain, le mot vil­la con­cerne plutôt la vie des quartiers et des cam­pagnes. Un mes­sage pour l’urbaniste qui doit con­cili­er une vision futur­iste de la ville dans le monde, et les préoc­cu­pa­tions immé­di­ates de ses habi­tants, qui aimeraient bien retrou­ver la cam­pagne à la ville.

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