Métro Paris

La révolution des transports en Île-de-France

Dossier : Urbanisme et mobilitéMagazine N°738 Octobre 2018
Par Christophe SAINTILLAN (93)

Au-delà du pro­jet très médi­atisé du Grand Paris Express, la région Île-de-France mène une stratégie résol­u­ment tournée vers l’avenir, en investis­sant mas­sive­ment afin de créer les con­di­tions d’un développe­ment économique et social réus­si du bassin de vie et d’emploi le plus impor­tant d’Europe.


© Van­der­Wolf Images 

Le dynamisme de l’Île-de-France masque une grande diver­sité de sit­u­a­tions : très attrac­tive pour un pre­mier emploi, elle demeure mar­quée par ses dif­fi­cultés de trans­port et de loge­ment ; elle est très sou­vent quit­tée par des jeunes ménages qui vont chercher, ailleurs, un cadre de vie qui leur sem­ble plus adapté. 

REPÈRES

L’Île-de-France est une région atyp­ique qui con­cen­tre à la fois de grandes richess­es et des frac­tures ter­ri­to­ri­ales et sociales impor­tantes. Elle représente 20 % de la pop­u­la­tion française, mais plus de 30 % de la créa­tion de richesse et 40 % des enjeux de renou­velle­ment urbain. La région con­naît un fort dynamisme démo­graphique avec 60 000 nou­veaux habi­tants qui s’y instal­lent chaque année. 

Le Grand Paris Express n’est pas tout

La rela­tion entre le développe­ment urbain fran­cilien et les trans­ports est très mar­quée par le développe­ment du Grand Paris Express. Le dou­ble­ment en longueur du réseau de métro vise à assur­er, enfin, des liaisons de ban­lieue à ban­lieue effi­caces en trans­ports en com­mun pour éviter la con­cen­tra­tion des flux dans la zone la plus dense. C’est aus­si une occa­sion unique de requal­i­fi­ca­tion de nom­breux quartiers et villes de l’Île-de-France. Mais le Grand Paris Express ne doit pas mas­quer des dif­fi­cultés per­sis­tantes : le métro du Grand Paris est loin d’apporter une solu­tion à tous les besoins de développe­ment et de mobil­ité. Ain­si, les pro­jets de con­struc­tion de loge­ments en Île-de-France ter­ri­to­ri­al­isés par l’État à l’occasion de l’élaboration du sché­ma région­al de l’habitat et de l’hébergement con­duisent à ne prévoir que seule­ment 60 % des 70 000 con­struc­tions de loge­ment dans le périmètre desservi par le futur métro. 

Vers une stratégie plus globale

Une stratégie plus glob­ale doit être mise en œuvre, tant sur le champ du développe­ment des ter­ri­toires que sur celui des transports. 

Le principe général qui guide la plan­i­fi­ca­tion ter­ri­to­ri­ale est celui de la lim­i­ta­tion de la con­som­ma­tion des espaces, notam­ment naturels et agri­coles, et la con­struc­tion de la « ville sur la ville ». Ce type de con­struc­tion est une gageure, car elle néces­site un tra­vail très appro­fon­di de con­cep­tion et de péd­a­gogie pour faire muter des ter­ri­toires urbains. La lim­i­ta­tion des dis­tances entre les emplois et les loge­ments doit être recher­chée. Ce principe atteint cepen­dant ses lim­ites pour cer­tains sites d’envergure mon­di­ale (comme le quarti­er de la Défense ou le plateau de Saclay) qui ne peu­vent pas être dévelop­pés unique­ment en prévoy­ant que les chercheurs, les enseignants, les étu­di­ants et les salariés habitent tous à prox­im­ité immé­di­ate de ces sites en développement. 

Un système de transport en limite de capacité

Le sys­tème de trans­port fran­cilien, l’un des plus dévelop­pés au monde, est sou­vent van­té par son éten­due et sa qual­ité. Mais il a souf­fert d’un défaut d’investissement pen­dant de longues années, tant pour ce qui con­cerne la régénéra­tion que le développe­ment. Aux heures de pointe, ce sys­tème de trans­port con­naît une très forte ten­sion, qui se traduit par plus de 400 kilo­mètres de bou­chons sur les routes. 

On cite sou­vent le RER A comme la ligne fer­rovi­aire la plus util­isée d’Europe avec 1,2 mil­lion de déplace­ments quo­ti­di­ens. Mais c’est une ligne en lim­ite ultime de capac­ité : en dépit d’une sig­nal­i­sa­tion per­for­mante, du développe­ment de l’automatisation et du change­ment de trains pour des rames ultra-capac­i­taires à dou­ble niveau, le plan de trans­port his­torique n’a pas pu être tenu. Les marges pour accueil­lir de nou­veaux usagers sont qua­si inex­is­tantes alors que le développe­ment de l’Est fran­cilien va génér­er des attentes fortes. 

De même, le réseau Tran­silien con­cen­tre l’essentiel des cir­cu­la­tions fer­rovi­aires de France en nom­bre d’usagers. Mais le retard de régénéra­tion con­duit le sys­tème à sa lim­ite de fonc­tion­nement. La réal­i­sa­tion des travaux de remise à niveau du réseau sera par­ti­c­ulière­ment dif­fi­cile à effectuer car les créneaux de travaux pou­vant être accep­tés par les usagers sont très lim­ités, con­damnant à des années de chantiers. 

Tramway Paris
© Stu­dio Laure 

Révolutionner les transports du quotidien

Il fau­dra une dizaine d’années pour que le Grand Paris Express et la régénéra­tion du réseau fer­rovi­aire soient menés à leur terme et pro­duisent réelle­ment leurs effets. Dix années, ce sont donc 600 000 nou­veaux Fran­ciliens qui se seront instal­lés et plusieurs mil­lions de déplace­ments quo­ti­di­ens qu’il fau­dra pou­voir sat­is­faire. La région Île-de-France mène donc la révo­lu­tion dans les trans­ports pour accom­pa­g­n­er le développe­ment de la région. 

Out­re le Grand Paris Express qui demeure du ressort de l’État et dont les vicis­si­tudes récentes sont pour le moins préoc­cu­pantes, un pro­gramme sans précé­dent d’investissement de 24 mil­liards d’euros dans les trans­ports en com­mun est mené pour apporter rapi­de­ment des solu­tions aux usagers. 

Il s’agit tout d’abord de chang­er ou de rénover la total­ité du parc des trains d’Île-de-France. D’ici 2021, ce sont ain­si 708 rames qui seront changées ou rénovées pour dis­pos­er de trains plus fiables, plus con­fort­a­bles avec la cli­ma­ti­sa­tion, l’augmentation de leur capac­ité, l’information des voyageurs et sécurisés avec le développe­ment de la vidéosurveillance. 

Le change­ment du matériel sur la ligne K a ain­si per­mis d’en faire la plus régulière de la région. Il faut dire que le pas­sage des « petits gris » suran­nés aux fran­ciliens flam­bant neufs mar­que une rup­ture dans tous les domaines et surtout une régu­lar­ité qui a fait un bond en avant, plaçant la ligne en tête du réseau Transilien. 

Il s’agit aus­si d’investir 3 mil­liards d’euros dans les gares fran­cili­ennes pour leur acces­si­bil­ité aux per­son­nes à mobil­ité réduite et pour l’intermodalité ou, autrement dit, pour ren­dre les gares faciles à vivre. Les gares sont en effet des points nodaux par­ti­c­ulière­ment impor­tants où il faut arriv­er à men­er de manière har­monieuse l’intégration urbaine et la facil­ité des cor­re­spon­dances. Près de 270 gares fer­rovi­aires seront ain­si ren­dues acces­si­bles aux per­son­nes à mobil­ité réduite d’ici 2025. 

Inventer la mobilité nouvelle

À l’aube de l’avènement des véhicules autonomes, les répons­es en ter­mes de trans­port doivent évoluer et pass­er d’une logique sta­tique et cloi­son­née entre les modes de trans­port à une approche dynamique et des usages. 

Les nou­veaux modes de tra­vail inci­tent d’ailleurs à cette réflex­ion. Le télé­tra­vail, le décalage des horaires s’appuyant sur de nou­veaux espaces de cowork­ing ou de tiers-lieux appor­tent une pre­mière réponse au soulage­ment du sys­tème de trans­port (qui n’atteint sa lim­ite de fonc­tion­nement que pen­dant quelques heures). 

La route – qui demeure l’infrastructure de trans­port de l’écrasante majorité des déplace­ments en France – doit être mod­ernisée et son usage dévelop­pé en facil­i­tant sa flu­id­ité par une exploita­tion plus dynamique et le développe­ment des nou­veaux usages, comme les voies aux­il­i­aires ou l’utilisation des ban­des d’arrêt d’urgence pour cer­taines caté­gories de véhicules. Le sou­tien aux véhicules pro­pres, con­nec­tés et autonomes ouvre la voie à l’effacement pro­gres­sif de la fron­tière entre les trans­ports en com­mun lourds et le véhicule indi­vidu­el pos­sédé au prof­it d’une nou­velle forme de mobil­ité qui ouvre, à son tour, de nou­velles per­spec­tives pour la ville du futur. En par­ti­c­uli­er, la réduc­tion des besoins de sta­tion­nement per­met de libér­er un espace urbain utile à une ville plus accueillante. 

C’est pour anticiper ces évo­lu­tions et les accom­pa­g­n­er au béné­fice d’une poli­tique publique cohérente d’aménagement et de mobil­ité, que la région a engagé ses plans : plan anti-bou­chons et, pour chang­er la route, plan région­al pour le vélo et stratégie pour le fret et la logistique. 

Par­tant du principe qu’une révo­lu­tion de la route et des véhicules est lancée avec des moteurs économiques con­sid­érables, il s’agit pour la région de faire de l’Île-de-France un ter­ri­toire par excel­lence de l’expérimentation et du développe­ment du véhicule de demain. En accom­pa­g­nant les évo­lu­tions qui se dessi­nent, la région entend soutenir l’industrie auto­mo­bile qui emploie aujourd’hui 25 % des salariés de l’industrie fran­cili­enne. Il s’agit aus­si de répon­dre aux besoins de mobil­ité qui ne peu­vent pas tous être sat­is­faits par les solu­tions clas­siques. Il s’agit enfin de faire en sorte que les développe­ments tien­nent compte des con­traintes publiques plutôt que de se plac­er dans une pos­ture sans doute vaine d’opposition à des mod­èles disruptifs. 

Mieux desservir La Défense

Le pro­longe­ment du RER E (Eole) vers l’ouest per­me­t­tra d’ici à 2024 de dis­pos­er d’une nou­velle ligne est-ouest en Île-de-France qui soulagera le RER A tout en offrant une liai­son rapi­de et fréquente entre des quartiers dif­fi­ciles et le pôle d’emplois de Nan­terre – La Défense. La qua­si-total­ité des crédits du CPER sont ain­si con­sacrés à ces développe­ments, avec un bud­get total de plus de 8,5 mil­liards d’euros dont 3,5 à la charge de la seule région Île-de-France. 

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