Robot humanoïde fonctionnant à l’énergie solaire

Étymologie :
À propos d’énergie

Dossier : ExpressionsMagazine N°730 Décembre 2017
Par Pierre AVENAS (X65)

L’énergie peut être renou­ve­lable ou non, pri­maire ou finale, nucléaire, fos­sile, élec­trique, mécanique, ther­mique, lumineuse… Mais du point de vue éty­mologique, que sig­ni­fie ce mot énergie ?

L’énergie, c’est d’abord le travail

Le mot énergie remonte, par le bas latin, au grec energein « agir, pro­duire », d’où energeia, désig­nant la force pro­duisant une activité.

On trou­ve dans energeia le pré­fixe en « en dedans, en » et ergon « action, tra­vail », l’énergie étant donc éty­mologique­ment ce qui con­tient du tra­vail, au pro­pre ou au figuré.

En physique, l’énergie peut en effet être trans­for­mée en tra­vail, qui se mesure, comme l’énergie, en joules. Or le physi­cien anglais J. P. Joule juste­ment a mon­tré, et c’est moins intu­itif, que l’énergie pou­vait aus­si être trans­for­mée en chaleur.

Mais l’étymologie du nom de l’énergie ne rend compte que de son usage mécanique (trans­port, indus­trie), et pas de son usage ther­mique (chauffage) par exem­ple. Si en grec, les noms de l’énergie et du tra­vail sont intime­ment liés, qu’en est-il dans d’autres langues ?

Mais qu’il est dur de travailler

En français, il n’y a pas de lien éty­mologique entre énergie et tra­vail. En effet, tra­vailler vient d’un bas latin sup­posé tri­paliare « tor­tur­er », du nom latin d’un instru­ment de tor­ture à trois pieux, tri­pal­i­um. De là, tra­vailler a d’abord sig­nifié « tour­menter », « tor­tur­er », puis « se don­ner de la peine », un sens qui transparaît encore dans le douloureux tra­vail de l’enfantement, pour lequel la par­turi­ente dépense toute son énergie.

Puis à par­tir du XIIe siè­cle, tra­vailler a rem­placé petit à petit ouvr­er (devenu œuvr­er), encore vis­i­ble dans les jours ouvrés et dans ouvri­er. Il est dom­mage peut-être que tra­vailler, avec sa sin­istre éty­molo­gie, se soit imposé, don­nant une con­no­ta­tion a pri­ori néga­tive au tra­vail quotidien.

Le même com­men­taire s’applique à l’espagnol, où le verbe tra­ba­jar (à côté de obrar « œuvr­er ») a la même orig­ine latine et a con­nu la même évo­lu­tion de sens que tra­vailler.

Mais qu’en est-il dans les langues germaniques ?

C’est à la même racine indo-européenne *werĝ- que se relient les noms du tra­vail en grec, ergon et en anglais, work, où le son [rk] est un dur­cisse­ment du son [rg].

Et donc le cou­ple energy/work est éty­mologique­ment cohérent, tout comme le cou­ple Energie/Werk en alle­mand, où cepen­dant le tra­vail se dit plus couram­ment Arbeit, dont nous allons voir que l’étymologie n’est pas plus agréable que celle de tra­vail.

En effet, Arbeit se relie à une racine ger­mano-slave sig­nifi­ant à l’origine « esclave », d’où « tra­vail pénible », et finale­ment « tra­vail ». Cette racine est représen­tée par le russe rab­o­ta « tra­vail », et l’ancien tchèque rob­o­ta « tra­vail for­cé », dont s’est inspiré l’écrivain tchèque Karel Čapek (1890–1938) dans sa pièce de théâtre de sci­ence-fic­tion R. U. R., Les Robots uni­versels de Rossum (1920), où les « robots » sont des « ouvri­ers artificiels ».

C’est de là que vient le mot robot.

Épilogue

L’origine grecque du mot énergie laisse la place à l’optimisme, comme en anglais, où l’on ne craint pas d’être worka­holic, c’est-à-dire un bour­reau de tra­vail, expres­sion qui cor­re­spond bien à la som­bre éty­molo­gie de tra­vail ou de Arbeit.

Une inci­ta­tion en tout cas à dévelop­per la robotique !


En illus­tra­tion : Robot, humanoïde comme ceux de Karel Čapek, mais fonc­tion­nant à l’énergie solaire. D’une pierre deux coups : moins de tra­vail pénible et plus d’énergie renou­ve­lable ! — © MAX DALLOCCO / FOTOLIA.COM

Décou­vrir d’autres chroniques Ety­mologiX de Pierre Avenas

Poster un commentaire