Remise de diplômes du cursus d'alternants.

Des formations universitaires en alternance contre l’exclusion

Dossier : ExpressionsMagazine N°721 Janvier 2017
Par Jacques DENANTES (49)
Par Pascale PARLIER

Le départe­ment mécanique de la fac­ulté des sci­ences et tech­nolo­gies de l’université Claude-Bernard à Lyon (Lyon‑I) a pris l’initiative de dévelop­per des for­ma­tions uni­ver­si­taires en mécanique de niveau bac + 5 en alter­nance, per­me­t­tant ain­si à des étu­di­ants issus de milieux défa­vorisés d’accéder à un niveau équiv­a­lent à celui des diplômés d’une école d’ingénieurs.

Ces for­ma­tions nous ont été présen­tées par Pierre Valiorgue, maître de con­férences, enseignant-chercheur au départe­ment de mécanique de l’université Claude-Bernard de Lyon‑I.

Le départe­ment de mécanique a mis en place deux mas­ters pro­fes­sion­nel 2 qui pré­par­ent aux métiers d’ingénieur mécanique, de chargé d’affaires tech­ni­co-com­mer­cial, d’ingénieur cal­cul ou d’ingénieur consultant.

“ Les étudiants sont tous originaires de la région lyonnaise, 12 étant d’origine immigrée ”

Le pre­mier est basé sur un par­cours mod­éli­sa­tion et appli­ca­tions en mécanique (MAM2) dont la respon­s­able est Ivana Vinkovic, pro­fesseur des uni­ver­sités. Cette for­ma­tion fonc­tionne depuis plus de vingt ans. Elle a été ouverte sur l’alternance à par­tir de sep­tem­bre 2015. Elle accueille actuelle­ment 40 étu­di­ants à plein temps et 8 en alternance.

Le sec­ond est un nou­veau cur­sus ren­for­cé de mas­ters en ingénierie (CMI) qui peut s’effectuer en alter­nance, dont la respon­s­able est Del­phine Doppler, maître de con­férences. Cette for­ma­tion accueille 16 étu­di­ants dont 8 en alternance.

UNE VOIE POUR ENTRER DANS L’ENTREPRISE

Les étu­di­ants en alter­nance des deux mas­ters sont tous orig­i­naires de la région lyon­naise, 12 étant d’origine immi­grée. D’après leurs CV, ils ont fait de bonnes études sec­ondaires, la plu­part dans des lycées de leur pays d’origine.

Ils ont obtenu un bac­calau­réat sci­en­tifique, mais peu de dossiers font état d’une men­tion. Prob­a­ble­ment moins à l’aise dans la sig­nalé­tique de l’orientation pro­fes­sion­nelle et parce qu’ils devaient tra­vailler pour financer leurs études, ils n’ont pas eu la pos­si­bil­ité d’être admis dans une classe pré­para­toire aux écoles d’ingénieurs.

Ils ont suivi la voie uni­ver­si­taire com­mençant par une licence de mécanique, qu’ils ont pour­suiv­ie jusqu’au mas­ter 1. Leurs CV témoignent des petits boulots qu’ils ont exer­cés durant les trois années de licence et la pre­mière année de mas­ter : gérant de park­ing, péager, équip­i­er Mac Do, manu­ten­tion­naire, agent de cuisine.

Pour le mas­ter 2, ils ont choisi la voie pro­fes­sion­nelle en alter­nance qui leur per­met d’entrer de plain-pied dans l’entreprise et de gag­n­er leur vie.

UN TISSU INDUSTRIEL DYNAMIQUE

Il existe dans la région Auvergne-Rhône- Alpes un tis­su de petites entre­pris­es d’ingénierie et de con­seil tra­vail­lant pour l’industrie qui, ensem­ble, représen­tent un effec­tif de 20 000 emplois. Un cer­tain nom­bre d’entre elles sont regroupées dans INGERA2, un clus­ter, rassem­blant des entre­pris­es clientes et des insti­tu­tions de recherche.

Ces entre­pris­es d’ingénierie et de con­seil trou­vent par­mi les étu­di­ants des per­son­nels qual­i­fiés. Plus tard, des indus­triels clients recruteront dans ce vivi­er de can­di­dats les pro­fes­sion­nels dont ils ont besoin.

Les ingénieurs diplômés des qua­tre grandes écoles pres­tigieuses implan­tées à Lyon se posi­tion­nent aus­si sur ce même marché. En ciblant les for­ma­tions sur la mod­éli­sa­tion, le mas­ter 2 répond aus­si aux besoins spé­ci­fiques des entre­pris­es du territoire.

LES MODALITÉS DE L’ALTERNANCE

Il existe dif­férentes modal­ités d’alternance, le con­trat d’apprentissage, le con­trat de pro­fes­sion­nal­i­sa­tion et aus­si la pra­tique de stages longs rémunérés.

Céré­monie de remise de diplômes du cur­sus d’alternants.
© UNIVERSITÉ CLAUDE-BERNARD (LYON‑I)

L’apprentissage est la meilleure solu­tion pour les entre­pris­es car il est financé par une taxe à laque­lle elles sont toutes assu­jet­ties et aus­si parce que des sub­ven­tions sont attribuées par l’État et par la Région à celles qui accueil­lent des apprentis.

La demande d’agrément en appren­tis­sage du mas­ter 2 pro­fes­sion­nel de mécanique de Lyon‑I a reçu un accueil très favor­able de l’association For­ma­sup Ain Rhône Loire qui, regroupant les représen­tants des milieux pro­fes­sion­nels, des grandes écoles et des uni­ver­sités, a pour mis­sion de dévelop­per l’apprentissage dans l’enseignement supérieur et de valid­er les projets.

Mais la déci­sion finale revient au Con­seil région­al dont la réponse est pour l’instant néga­tive, ce qui oblige le départe­ment de mécanique à recourir au con­trat de pro­fes­sion­nal­i­sa­tion dont la prise en charge par les entre­pris­es est plus dif­fi­cile parce qu’il béné­fi­cie moins d’incitations financières.

LA LONGUE QUÊTE D’ENTREPRISES D’ACCUEIL

Trou­ver une entre­prise pour accueil­lir, for­mer et rémunér­er les étu­di­ants con­stitue un défi : il y a peu d’offres spon­tanées et le départe­ment doit aider les étu­di­ants dans leur prospec­tion. À l’université, Pierre Valiorgue est chargé des parte­nar­i­ats avec les entreprises.

Il les ren­con­tre dans le cadre du clus­ter INGERA2 et il utilise aus­si les réseaux asso­ci­at­ifs OPE1 et NQT2 d’assistance à la recherche d’emplois pour les jeunes diplômés de niveau bac + 4.

ASSURER LE POSITIONNEMENT DE CES FORMATIONS

La com­plé­men­tar­ité entre les for­ma­tions tech­niques et sci­en­tifiques de niveau bac + 5 dis­pen­sées dans le cadre uni­ver­si­taire et celles dis­pen­sées dans les écoles d’ingénieurs est à établir et à faire recon­naître tant au plan local que nation­al. L’université de Lyon‑I accueille dans son école d’ingénieurs, Poly­tech Lyon, des étu­di­ants issus des class­es préparatoires.

“ Des formations accessibles à des étudiants d’origine sociale défavorisée ”

Les for­ma­tions mas­ter pro 2 mécanique s’en dis­tinguent parce qu’elles sont l’aboutissement d’une fil­ière moins sélec­tive et acces­si­ble à des étu­di­ants d’origine sociale défa­vorisée : exclus du rythme inten­sif des class­es pré­para­toires aux écoles d’ingénieurs, l’alternance en mas­ter 2 représente, pour eux, une deux­ième chance.

Il reste, pour péren­nis­er cette ini­tia­tive, à obtenir l’habilitation du Con­seil région­al pour le finance­ment de l’alternance.

Au plan nation­al, une ving­taine d’universités, dont celle de Lyon‑I, ont lancé des for­ma­tions tech­niques inti­t­ulées cur­sus de mas­ters en ingénierie. Cette dénom­i­na­tion fait l’objet d’un débat entre la Con­férence des directeurs des écoles français­es d’ingénieurs (CDEFI) et la Com­mis­sion des titres d’ingénieur (CTI) d’une part, la Con­férence des prési­dents d’université (CPU) de l’autre, débat qui, mal­heureuse­ment, ne porte pas sur la com­plé­men­tar­ité des for­ma­tions, mais sur la légitim­ité de l’usage du mot « ingénierie ».

On a trop sou­vent reproché aux uni­ver­sités leur éloigne­ment des besoins de l’économie pour ne pas soulign­er l’intérêt de leur engage­ment dans des for­ma­tions à voca­tion indus­trielle où elles peu­vent faire val­oir l’avantage résul­tant de leur voca­tion à jumel­er la recherche avec la formation.

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1. Asso­ci­a­tion Objec­tif pour l’emploi, cf. Forum social dans La Jaune et la Rouge n° 711 de jan­vi­er 2016.
2. Asso­ci­a­tion Nos Quartiers ont des tal­ents, cf. Forum social dans La Jaune et la Rouge n° 715 de mai 2016.

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