Crus de la vallée du Rhône : Lirac et Tavel

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°564 Avril 2001Rédacteur : Laurens DELPECH

Out­re l’ap­pel­la­tion régionale (Côtes-du-Rhône) et les côtes du rhône-vil­lages, il y a treize crus dans la val­lée du Rhône, entre Lyon et Avi­gnon, dont cinq dans le Sud, trois rive gauche (Châteauneuf-du-Pape, Gigondas, Vac­queyras) et deux rive droite (Lirac et Tavel). Les crus de la rive droite, ceux du Gard, sont moins con­nus que ceux de la rive d’en face. C’est une des nom­breuses injus­tices de l’histoire, qui en compte tant, car au XVIIe siè­cle, cette région était pra­tique­ment la seule à porter des vignes dans les Côtes-du-Rhône méridionales.

On voy­ait à cette époque beau­coup d’oliviers à Gigondas, mais peu de raisin alors que les lirac et tavel se trou­vaient sur les plus grandes tables de France. Le drame de ces vig­no­bles a été leur totale destruc­tion par le phyl­loxéra au XIXe siè­cle, destruc­tion d’autant plus vio­lente et rapi­de que le pre­mier vig­no­ble français touché par ce fléau se trou­vait dans le Gard.

Le XXe siè­cle a été large­ment con­sacré à la remise en état de ces ter­roirs qui méri­tent d’être mieux con­nus qu’ils ne le sont aujourd’hui. Les crus du Gard pos­sè­dent en effet une per­son­nal­ité œnologique orig­i­nale qui per­met de les class­er à part dans les Côtes-du-Rhône mérid­ionales : on y trou­ve de bons vins rouges et un grand rosé de gas­tronomie, mais aus­si – c’est moins con­nu – d’excellents vins blancs.

Le grand rosé de gas­tronomie, c’est bien sûr le Tavel : la seule appel­la­tion con­trôlée française à ne faire que des vins rosés. Il paraît que ce rosé vinifié comme un rouge était le vin préféré de Philippe le Bel, il pos­sède en tout cas plus de couleur et de corps que la plu­part des autres rosés. C’est un vin puis­sant et char­nu, avec des arômes flat­teurs de fruits à noyau.

La puis­sance du vin et une par­tie de son pat­ri­moine aro­ma­tique provi­en­nent de la présence majori­taire du cépage grenache, com­plété par du mourvè­dre et une pointe de cin­sault, qui lui apporte un zeste de finesse et de ner­vosité. Le tavel accom­pa­gne la cui­sine du Sud, il ne craint pas les saveurs fortes ni les mets relevés, ce qui en fait un excel­lent com­pagnon des cuisines exo­tiques et notam­ment des plats chi­nois, indi­ens ou thaïlandais.

Lirac, en revanche, pro­duit une gamme com­plète de rouges, de rosés et de blancs. Avant l’accession de Vac­queyras à l’AOC, c’était le seul cru mérid­ion­al qui offrait les trois couleurs. Par ailleurs l’appellation Tavel ne compte qu’une seule com­mune alors que celle de Lirac s’étend sur qua­tre vil­lages, dont le vil­lage éponyme de Lirac.

Les lirac rosés sont plus légers que les tavel. Ce sont des rosés de saignée, alors qu’à Tavel on ne se con­tente pas de saign­er, on presse égale­ment les raisins, ce qui per­met d’obtenir un vin plus fon­cé et plus corsé. Le lirac rosé est un bon parte­naire des vian­des blanch­es et des salades de l’été, il accom­pa­gne aus­si très bien les fruits. Le lirac blanc est un vin d’une finesse et d’une ner­vosité éton­nantes pour un vin du Sud.

À quelques rares excep­tions près, les vig­no­bles du Sud excel­lent en effet plutôt dans le rouge et le rosé que dans le blanc. Lirac est l’exception qui con­firme la règle ; grâce à un ter­roir pau­vre et fil­trant, on pro­duit ici des blancs déli­cieux, fins et sub­tils, qui s’harmonisent par­faite­ment avec des pois­sons gril­lés, des légumes far­cis ou des fro­mages de chèvre.

Le lirac rouge, enfin, est un vin aro­ma­tique et fin, de bonne garde, qui accom­pa­gne bien les petits gibiers, les vian­des rouges, les magrets de canard, les fro­mages, voire même cer­tains desserts au chocolat.

Par­mi les meilleurs domaines de Tavel et de Lirac, il faut citer le Domaine de la Mor­dorée, le Château Saint-Roch (qui appar­tient à la famille Brunel, du Château de la Gar­dine, à Châteauneuf-du-Pape), le Domaine Ami­do et le Domaine Lafond Roc-Épine. Le tavel du Château de Trin­quevedel est par­ti­c­ulière­ment délectable.

Toute­fois, les meilleurs vins dans les deux appel­la­tions sont pro­duits par le Château d’Aquéria. Ce beau domaine de 65 hectares, dirigé par Vin­cent de Bez, pro­duit du tavel et du lirac rouge et blanc. Son tavel est “coup de coeur” de la dernière édi­tion du Guide Hachette des Vins de France, et ses lirac, comme son tavel, col­lec­tion­nent les médailles d’or dans les con­cours les plus pres­tigieux (et notam­ment le Con­cours général agricole).

Voici nos com­men­taires sur les vins de la propriété :

  • Tavel 1999
    Couleur vive et soutenue. Nez intense de fruits rouges, d’amandes et d’agrumes. La bouche est ample et généreuse et se car­ac­térise par sa belle struc­ture longue et fruitée. Un rosé char­nu et con­cen­tré qui peut accom­pa­g­n­er tout un repas.
  • Lirac rouge 1998
    Robe grenat. Nez de fruits noirs et d’épices avec une pointe de cerise à l’eau-de-vie. Un vin pro­fond et capi­teux qui sur­prend par sa richesse aro­ma­tique. Beaux tan­nins soyeux. Un vin de gastronomie.
  • Lirac blanc 1999
    Belle couleur jaune pâle aux reflets bril­lants. Le nez se dis­tingue par ses arômes flo­raux (aca­cia, fruits blancs) et miel­lés. En bouche, il est nerveux et vif avec une belle ron­deur, des notes d’épices et une finale très fraîche._____________________________
    Château d’Aquéria, 30126 Tavel, tél. : 04.66.50.04.56.

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