Le porto, un grand vin de gastronomie

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°583 Mars 2003Rédacteur : Laurens DELPECH

La France est le pre­mier mar­ché des vins de Por­to (40 % de la pro­duc­tion annuelle), mais c’est aus­si le pays qui consomme les por­tos les plus bas de gamme. Les Fran­çais semblent igno­rer ce qu’est un bon vin de Por­to. Il s’agit pour­tant de pro­duits superbes, de grands vins à part entière qui ont leur place sur les plus grandes tables et lors des repas de fête.

Les vins de Por­to, comme ceux de Bor­deaux portent le nom d’une ville, qui est aus­si le port à par­tir duquel ils s’exportent, mais le vignoble est à une cen­taine de kilo­mètres à l’intérieur des terres, dans les val­lées encais­sées du fleuve Dou­ro et de ses affluents. Ce ter­roir schis­teux, culti­vé en ter­rasses, convient remar­qua­ble­ment bien à la pro­duc­tion de vins de qua­li­té. Les vignes sont pro­té­gées des vents et des pluies de l’Atlantique par des chaînes de mon­tagne. Les étés sont très chauds, presque suf­fo­cants, et les hivers rigou­reux, “ six mois d’hiver et trois mois d’enfer ”.

Le por­to est ce qu’on appelle un vin “muté”, on ajoute de l’alcool au bout de 24 à 48 heures de fer­men­ta­tion. Le vin ain­si obte­nu titre 20 °; il a beau­coup de moel­leux, des arômes de fruits très intenses et un remar­quable poten­tiel de vieillis­se­ment. C’est prin­ci­pa­le­ment un vin rouge, mais il est aus­si pro­duit un peu de por­to blanc.

La plu­part des por­tos rouges vieillissent en bar­riques. Ce sont des vins d’assemblage (assem­blage de vins de plu­sieurs années et de plu­sieurs ter­roirs) et ils sont mis en bou­teilles quand ils sont prêts à boire. Ce n’est cepen­dant pas le cas des plus grands des por­tos, les vin­tages, qui pro­viennent d’un mil­lé­sime pré­cis (vin­tage signi­fie mil­lé­sime en anglais), des meilleurs ter­roirs de l’appellation, et sont mis en bou­teille après deux ans de vieillis­se­ment en fût, comme nos grands crus de Bor­deaux. Seules les grandes années sont millésimées.

C’est un vin rouge très puis­sant, moel­leux, avec de déli­cieux arômes de fruits rouges. Cer­tains vin­tages sont mythiques, comme le Quin­ta do Noval “ Nacio­nal ” issu de vignes cen­te­naires ayant échap­pé au phyl­loxé­ra, un vin que les col­lec­tion­neurs se dis­putent dans les ventes aux enchères. Les vin­tages sont des vins chers et rares. Plus acces­sibles, les late bot­tled vin­tages sont des por­tos mil­lé­si­més mis en bou­teille entre la qua­trième et la sixième année sui­vant les ven­danges. Le late bot­tled vin­tage est une sorte de com­pro­mis entre les vin­tages et les por­tos vieillis dans le bois. Il a les carac­té­ris­tiques de base d’un vin­tage, sauf qu’on peut le boire plus tôt et qu’il est bien meilleur marché.

Proche de ces deux types de por­to, mais beau­coup moins cher, le Ruby est un por­to d’assemblage, dont la cou­leur rouge rap­pelle les pierres pré­cieuses du même nom. C’est un vin jeune et frui­té que l’on obtient par cou­page de vins de mil­lé­simes dif­fé­rents. Le Vin­tage Cha­rac­ter ou Reserve est une sorte de Ruby amé­lio­ré. Il est fait avec des vins jeunes de qua­li­té supé­rieure, âgés de trois ou quatre ans en moyenne.

L’originalité des por­tos non mil­lé­si­més réside dans la déli­ca­tesse des assem­blages dont ils sont issus. Ces vins acquièrent leur équi­libre et leur har­mo­nie grâce au contrôle de l’oxydation qui s’effectue lors de leur vieillis­se­ment en fûts de bois. La plu­part sont regrou­pés dans la caté­go­rie taw­ny, parce que le vieillis­se­ment en fût leur a don­né une cou­leur pâle (taw­ny signi­fie en anglais “ cou­leur fauve ”). Les taw­nies recouvrent une infi­ni­té de styles de por­tos, du pire au meilleur.

Pour être sûr d’acquérir un pro­duit de qua­li­té, mieux vaut ache­ter un taw­ny avec men­tion d’âge. La plu­part sont des dix ans d’âge, mais on trouve aus­si des vingt ans d’âge, plus rare­ment des trente ans d’âge et des qua­rante ans d’âge. Ce sont des vins très fins, avec de déli­cieux arômes de figue, d’amandes et de chocolat.

En France, où l’on consomme beau­coup de por­tos médiocres, on les boit en apé­ri­tif, ce qui n’est pas une très bonne idée, car le por­to qui est un vin sucré et riche en alcool risque de faire paraître maigres les vins secs qui suivront.

La place natu­relle d’un grand por­to est plu­tôt à la fin du repas, avec le fro­mage et le des­sert, puis en accom­pa­gne­ment des cigares. On peut ima­gi­ner, par exemple, de boire un late bot­tled vin­tage avec le fro­mage, puis un taw­ny vingt ans d’âge sur le des­sert et avec les cigares.

Le por­to est un vin puis­sant, riche en alcool, il n’est guère conce­vable de faire un repas entiè­re­ment au por­to, mais c’est un vin qui s’accorde bien avec des plats salés, comme le foie gras, le canard au miel et aux épices, le canard à l’orange, le filet de porc aux pru­neaux, les fro­mages (stil­ton, roque­fort, fourme d’Ambert, gor­gon­zo­la). Le por­to accom­pagne mer­veilleu­se­ment les des­serts au cho­co­lat, mais aus­si les tartes aux fruits, les pithi­viers ou les gâteaux aux amandes…

Il vaut mieux évi­ter les por­tos pre­miers prix qui se vendent à moins de dix euros dans les super­mar­chés. Il n’y a pas de mys­tère : un bon por­to se paie au prix d’un bon vin et se trouve plu­tôt chez les cavistes et dans les épi­ce­ries fines que dans la grande distribution.

Plu­sieurs marques pro­posent d’excellents pro­duits sur le mar­ché fran­çais : Ramos Pin­to, qui a été rache­tée il y a quelques années par la mai­son Louis Roe­de­rer, de Reims, ce qui lui a don­né les moyens d’une poli­tique de qua­li­té. Le vin­tage 1983 et le taw­ny vingt ans d’âge sont par­ti­cu­liè­re­ment délec­tables et à un niveau de prix raisonnable.

Quin­ta do Noval, qui appar­tient aus­si à un groupe fran­çais (Axa Mil­lé­simes), fait éga­le­ment d’excellents por­tos, en par­ti­cu­lier de remar­quables vin­tages et late bot­tled vin­tages.

Bur­mes­ter appar­tient main­te­nant à un groupe por­tu­gais, mais est dis­tri­bué en France par le cham­pagne Deutz, leur “sot­to voce reserve” déve­loppe des notes frui­tées de mûres, fram­boises et cas­sis, assor­ties d’arômes tor­ré­fiés de cacao et de cho­co­lat. Doté d’un bon volume et d’une tex­ture soyeuse et chaude, c’est un por­to par­ti­cu­liè­re­ment déli­cieux sur les des­serts au cho­co­lat et aux fruits rouges.

Par­mi les meilleures marques, il faut aus­si citer Taylor’s et Fon­se­ca. Le Fon­se­ca late bot­tled vin­tage 1996, en vente actuel­le­ment, est très réus­si. Il accom­pagne mer­veilleu­se­ment les fro­mages bleus, les cho­co­lats et les cigares…

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