Château Cos d’Estournel

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°531 Janvier 1998Rédacteur : Laurens DELPECH

De pas­sage dans le Médoc, Stend­hal n’a pas été sans remar­quer Cos d’Estournel :

« Je trou­ve d’abord dans ce pays assez désert quelques grands arbres autour d’une sorte de château qui a une tour. Quelque temps après, j’arrive à un bâti­ment sin­guli­er qui n’a qu’un rez-de-chaussée. “ Ce sont des écuries appar­tenant à un riche pro­prié­taire dont le château est à un quart de lieue de la route ”, me dit le pos­til­lon. Je crois plutôt que c’est un chai : c’est le nom qu’on donne en ce pays aux cel­liers ou fab­riques de vin.

Ce bâti­ment fort élé­gant, d’une bril­lante couleur jaune clair, n’est à la vérité d’aucun style ; cela n’est ni grec, ni goth­ique, cela est fort gai et serait plutôt dans le genre chi­nois. Sur la façade on lit ce seul mot : Cos. »

La référence à l’Orient est per­ti­nente, elle est cor­roborée par la présence sur les murs du chai de pagodes et de divers­es fig­ures orne­men­tales d’origine ori­en­tale. Ce chai a en effet été con­stru­it par le fon­da­teur du cru, Louis- Gas­pard d’Estournel surnom­mé “le Maharad­jah de Saint- Estèphe ” non pas parce qu’il expor­tait son vin jusqu’aux Indes – cela n’avait rien d’extraordinaire ; la lec­ture des ouvrages de l’époque mon­tre que les Anglais con­som­maient aux Indes des quan­tités impor­tantes de vins de Bor­deaux – mais parce qu’il eut le pre­mier l’idée de ven­dre des vins “ retour des Indes ”, c’est-à-dire étant allés en bar­riques jusqu’à Bom­bay ou Cal­cut­ta avant de revenir en Europe.

Cet orig­i­nal, qui a façon­né le Cos que nous con­nais­sons aujourd’hui, est mort ruiné en 1853, un an après l’Empire et deux ans avant le classe­ment de 1855 des vins de Bor­deaux qui devait con­sacr­er Cos d’Estournel comme le pre­mier des Saint-Estèphe.

Cos fait aujourd’hui par­tie de ce que nos amis améri­cains appel­lent les “ Super Sec­onds ”, c’est-à-dire ces quelques sec­onds crus classés du Médoc qui ont su s’élever suff­isam­ment haut pour créer une sorte de classe inter­mé­di­aire entre les sec­onds crus classés et les pre­miers crus classés. La qual­ité de Cos s’est encore accrue à par­tir de 1978, année à par­tir de laque­lle s’est fait sen­tir l’influence de Bruno Prats, qui a pris les com­man­des du domaine dans les années soixante-dix.

Le ter­roir de Cos – qui n’est séparé de Lafite-Roth­schild que par la Jalle du Breuil – est un superbe ensem­ble de graves günzi­ennes mod­elées en croupes régulières par­faite­ment drainées. L’encépagement est adap­té aux poten­tial­ités du ter­roir. Le caber­net sauvi­gnon (60 %) est com­plan­té sur les graves mai­gres des som­mets et sur les ver­sants sud ; le mer­lot (38%) sur les pentes est et dans les côtes où affleure le socle cal­caire de Saint-Estèphe.

À ces deux cépages, s’ajoute un peu (2 %) de caber­net franc. Il y a beau­coup de vieilles vignes (l’âge moyen du vig­no­ble est de trente-cinq ans) et la den­sité de plan­ta­tion est élevée (8 000 à 10 000 pieds à l’hectare), ce qui est un fac­teur de qual­ité très important.

La vini­fi­ca­tion, fidèle aux tra­di­tions des crus classés, s’inspire par­ti­c­ulière­ment des recherch­es menées par l’Institut d’oenologie de Bordeaux :

– recherche d’une légère sur­mat­u­ra­tion des raisins par le choix per­ti­nent de la date de ven­dan­ge, par­celle par parcelle,
– extrac­tion des meilleurs tan­nins par remon­tages tout au long de la fermentation,
– con­trôle des tem­péra­tures de fer­men­ta­tion, pour préserv­er le fruit,
– vieil­lisse­ment en fûts neufs, pour une durée et dans une pro­por­tion adap­tées à la puis­sance de chaque millésime.

L’intégralité de la récolte est mise en bouteilles au Château, selon les mil­lésimes, la pro­duc­tion varie de 180 000 à 400 000 bouteilles.

Les grands crus classés du Médoc vini­fient à part les raisins des vignes âgées qui don­nent le “ Grand Vin ”. Les raisins des vignes plus jeunes sont assem­blés pour don­ner le “Deux­ième Vin”. Jusqu’en 1994, Cos d’Estournel n’avait pas à pro­pre­ment par­ler de “ Deux­ième Vin ”. Les raisins des jeunes vignes de Cos étaient en effet vinifiés avec ceux des vignes du château de Mar­buzet. À par­tir du mil­lésime 1994 Bruno Prats a décidé de vini­fi­er à part les raisins du vig­no­ble de Mar­buzet et de rassem­bler les raisins des jeunes vignes de Cos pour con­stituer un véri­ta­ble “Deux­ième Vin ” de Cos qui s’appelle Les Pagodes de Cos.

Les Pagodes de Cos sont, stric­to sen­su, le “ Deux­ième Vin ” de Cos d’Estournel. Les vignes qui le pro­duisent don­neront dans quelques années le “ Grand Vin ” du grand cru classé en 1855. Elles appar­ti­en­nent au même ter­roir et reçoivent les mêmes soins. Elles sont sim­ple­ment plus jeunes et leurs racines s’enfoncent moins pro­fondé­ment dans le sol de graves. Le vin est élé­gant et rond en bouche, il est moins con­cen­tré que Cos d’Estournel, ce qui per­met de l’aborder plus tôt en atten­dant la matu­rité du grand vin.

Château Cos d’Estournel, 33180 Saint-Estèphe
Tél. : 05.56.73.15.50. Fax : 05.56.59.72.59.

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