Vins de Loire : Sancerre, Pouilly-Fumé

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°549 Novembre 1999Rédacteur : Laurens DELPECH

La Loire naît au cœur de la France, dans le Mas­sif cen­tral, pour se jeter, après un long par­cours sin­ueux dans l’océan Atlan­tique au sud de la Bre­tagne : des dizaines de vig­no­bles se pressent sur les rives de ce grand fleuve majestueux, le plus long des fleuves français (plus de 1 000 kilomètres).

Une des régions viti­coles les plus pres­tigieuses de la Loire est située à peu près exacte­ment au milieu de son cours, à mi-chemin entre sa source et l’Océan, il s’agit du Sancer­rois où sont pro­duits deux grands vins blancs inter­na­tionale­ment con­nus et imités jusqu’en Cal­i­fornie (le “ Fumé blanc ”) et en Nou­velle-Zélande (“Cloudy Bay sauvi­gnon blanc”) : le Sancerre et le Pouil­ly- Fumé.

Ces deux appel­la­tions se font face, de part et d’autre du fleuve, sur un mou­ton­nement de collines. La plu­part des vins sont des blancs faits à par­tir du cépage sauvi­gnon, mais il y a aus­si à Sancerre des rouges et des rosés non dénués d’intérêt issus du pinot noir, le cépage de la Bour­gogne rouge.

Les sancer­res blancs ont une agréable acid­ité qui leur donne beau­coup de fraîcheur, des arômes de buis, de sureau, de feuilles de cas­sis, d’iris et une bouche fruitée, avec une pointe de pierre à fusil. On retrou­ve aus­si sou­vent en finale des notes musquées, car­ac­téris­tiques du cépage. Ils font mer­veille sur le fro­mage local, le crot­tin de Chav­i­g­nol (un fro­mage de chèvre), mais aus­si sur tous les pois­sons de riv­ière gril­lés ou en sauce et les vian­des blanches.

L’appellation Sancerre s’étend sur 2 270 hectares de vignes répar­tis entre 14 com­munes et 400 vignerons : autant dire que l’amateur a le choix…Vous ne vous tromperez pas en vous adres­sant au Domaine Hen­ri Bour­geois à Chav­i­g­nol (tél. : 02.48.78.53.20) avec son excel­lente cuvée La Bour­geoise, au Domaine Alphonse Mel­lot (tél. : 02.48.54.07.41), au Domaine Lucien Cro­chet (tél. : 02.48.54.08.10) qui pro­duit des sancer­res blancs et rouges gour­mands et fruités. Vous ne serez pas déçu non plus en vous adres­sant au Château de Sancerre (tél. : 02.48.54.24.23). Cette pro­priété de Marnier-Lapos­tolle (Le Grand Marnier) fait un excel­lent sancerre, très fin, aux arômes de buis et de genêt, sans grande com­pli­ca­tion mais d’une agréable fraîcheur en bouche.

Les pouil­ly-fumé sont sou­vent plus dens­es et pro­fonds que les sancer­res. Les meilleurs d’entre eux ont un fruité intense qui évoque les fruits blancs ou jaunes (pêche, abri­cot), avec des notes d’agrume et cette pointe indéfiniss­able de “ fumé ” qui a don­né à l’appellation la moitié de son nom. Le sauvi­gnon est ici à la lim­ite septen­tri­onale de sa cul­ture, ce qui explique son élé­gance et la race de ses arômes. En bouche, les pouil­ly-fumé allient au fruit une bonne struc­ture, tou­jours soulignée par cette fraîcheur que l’appellation partage avec les sancer­res. Ces vins s’expriment par­ti­c­ulière­ment bien sur les fruits de mer et les pois­sons : le bro­chet, l’omble cheva­lier, le san­dre, mais aus­si un saumon gril­lé avec un beurre fon­du déli­cate­ment citronné…

La “star ” de l’appellation est Didi­er Dague­neau (tél. : 03.86.39.15.62) qui pro­duit sur des ter­roirs d’exception, avec de tout petits ren­de­ments, des vins d’une race et d’une sub­til­ité extra­or­di­naire, du moins pour les meilleures cuvées (“Silex” et “Pur Sang ”), qui sont quand même ven­dues au prix d’un grand bour­gogne blanc… Autre excel­lent pro­duc­teur, Jean-Claude Dague­neau (tél. : 03.86.39.12.85) au Domaine des Berthiers, avec un pouil­ly-fuis­sé Cuvée d’Ève d’une onc­tu­osité et d’une per­sis­tance exem­plaires à un prix raisonnable (aux envi­rons de 70 F). Il faut enfin citer le Domaine de Ladoucette au Château de Nozet où Patrick de Ladoucette a grande­ment con­tribué à la pro­mo­tion de l’appellation en com­mer­cial­isant la pre­mière cuvée de pres­tige de pouil­ly-fumé qui con­naisse un vrai ray­on­nement inter­na­tion­al : Baron de L.

Le Sancer­rois est trop à l’est pour servir de base à un itinéraire con­sacré aux châteaux de la Loire, mais les collines du Sancer­rois et la vieille ville de Sancerre méri­tent un détour. Vous pou­vez y déje­uner au Restau­rant de la Tour à Sancerre ou bien à Chav­i­g­nol à La Côte des Monts Damnés (vous en prof­iterez pour acheter quelques crot­tins de Chav­i­g­nol chez Dubois-Boulay).

Si vous avez prévu de pass­er quelques jours sur place, Tours est idéale­ment située pour vis­iter les châteaux de la Loire. Cette grande ville est un nœud de com­mu­ni­ca­tions à par­tir duquel il est facile de ray­on­ner. Jean Bardet est le meilleur hôtel de Tours : mem­bre de la chaîne des Relais et Châteaux, deux étoiles au Miche­lin, c’est une véri­ta­ble insti­tu­tion régionale. Cette élé­gante gen­til­hom­mière située dans un beau parc à trois cents mètres de la Loire est lux­ueuse­ment amé­nagée avec des toiles de maître et des meubles anciens. Le restau­rant est un des meilleurs de la région (inou­bli­able pin­tadeau fer­mi­er truf­fé, par­men­tier de char­lotte) et la carte des vins présente tout ce qu’il y a de mieux dans les vig­no­bles de Loire, et notam­ment de remar­quables vou­vray liquoreux, avec un choix de plus de cinquante mil­lésimes, de 1919 à aujourd’hui. Très belle carte égale­ment de bor­deaux, de bour­gognes et de champagnes.

N’oubliez pas, dans votre périple, de faire un détour par la pagode de Chanteloup, à quelques kilo­mètres au sud de Tours. C’est tout ce qui reste du superbe château du même nom, élevé par le duc de Choiseul, min­istre de Louis XV. Exilé sur ces ter­res par les intrigues de la maîtresse du roi, Madame du Bar­ry, il fit con­stru­ire cette pagode à la chi­noise pour inscrire sur ses murs les noms de tous les amis venus lui ren­dre vis­ite lors de son exil. La pagode est haute de 44 mètres : de son som­met on a une vue mag­nifique sur la val­lée de la Loire jusqu’à Tours.

_______________________________________
Restau­rant de la Tour, Nou­velle Place, Sancerre, tél. : 02.48.54.00.81.
Restau­rant La Côte des Monts Damnés, Chav­i­g­nol, tél. : 02.48.54.01.72.
Jean Bardet, 57, rue Croi­son, Tours, tél. : 02.47.41.41.11.
Crot­tins de Chav­i­g­nol, Dubois-Boulay, Chav­i­g­nol, tél. : 02.48.54.15.69

Poster un commentaire