Vins de la Vallée du Rhône : Châteauneuf-du-Pape, Gigondas, Muscat de Beaumes-de-Venise

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°572 Février 2002Rédacteur : Laurens DELPECH

Entre Orange et Avi­gnon, les 3300 hectares du vig­no­ble de Châteauneuf-du-Pape pro­duisent au coeur d’une des plus belles régions de France des rouges puis­sants et généreux mais aus­si des blancs opu­lents et fruités. La plu­part des vignes sont plan­tées sur une sorte d’océan de galets qui masquent la terre. Ces gros cail­loux agis­sent comme des calorifères, resti­tu­ant la nuit la chaleur emma­gas­inée pen­dant la journée, on dit que la vigne est placée ici “ entre deux soleils ”. Les ren­de­ments sont faibles (35 hl par hectare) et la mul­ti­plic­ité des cépages per­met de pro­duire des vins très dif­férents selon les producteurs.

On ne compte en effet pas moins de treize cépages rouges et blancs (qua­torze, avec le grenache blanc), mais le grenache noir est très majori­taire : c’est le grand cépage tra­di­tion­nel des châteauneuf-du-pape rouges. Il est sou­vent com­plété par la syrah, qui donne de la struc­ture au vin et le mourvè­dre, qui apporte ses agréables notes poivrées. Les cépages des blancs sont surtout la clairette, la rous­sanne et le grenache blanc qui don­nent des châteauneuf-du-pape blancs gras et aro­ma­tiques, que l’on com­pare par­fois aux vins de Meursault.

Le meilleur est prob­a­ble­ment celui du Château de Beau­cas­tel. Jeune, il accom­pa­gne très bien les plats d’oeuf, de pois­son, de viande blanche ou de crus­tacé con­tenant du beurre ou de la crème, ain­si que les pois­sons gras, comme le bar. Plus vieux, il fera mer­veille sur la cui­sine exo­tique ou avec des plats relevés par un assaison­nement de truffe blanche du Pié­mont, la fameuse tuber mag­na­tum, comme par exem­ple des ravi­o­les aux truffes du Pié­mont ou une salade d’artichauts à la truffe blanche ou encore un risot­to d’Alba. On peut aus­si l’essayer avec des lan­goustines sautées à l’huile d’olive et truffes, comme on fait chez Pic à Valence… mais aus­si avec des plats de ter­roir robustes et goû­teux, comme un saint-marcellin.

Quand il est jeune, le châteauneuf-du-pape rouge de Beau­cas­tel a des effluves de fleurs et de fruits ; quand il vieil­lit, les arômes devi­en­nent plus épicés, avec une note ani­male, et le bou­quet gagne en com­plex­ité, avec des arômes de figue sèche et de truffe. Il accom­pa­gne très bien toutes les pré­pa­ra­tions de viande, de plats goû­teux (lasagnes au foie gras de canard) et de gibier.

On ne saurait par­ler des vins de Châteauneuf-du-Pape sans men­tion­ner Château Rayas qui pro­duit un vin déli­cieux, que les ama­teurs du monde entier s’arrachent, à par­tir d’un superbe ter­roir (15 hectares de vieilles vignes de grenache exposées plein nord, entourées de forêts de pins et de chênes) et avec des ren­de­ments minus­cules (15 hl par hectare). Il en résulte un vin incroy­able­ment savoureux, d’une den­sité et d’une con­cen­tra­tion excep­tion­nelles. Il s’accordera avec les pré­pa­ra­tions les plus fortes (il ne craint pas, par exem­ple, les sauces à base de madère ou de por­to) mais sa finesse saura met­tre en valeur un plat aus­si sim­ple et déli­cat qu’un poulet truf­fé à la broche ou une truffe à la croque au sel, servie sur une tranche de pain cuit dans la cheminée…

Au pied des Dentelles de Montmirail

Les Den­telles de Mont­mi­rail sont ces collines qui con­stituent le dernier con­tre­fort du mont Ven­toux vers le Rhône : de hautes parois blanch­es, très découpées, qui domi­nent la plaine. Leur beauté les avait fait appel­er par les Romains “ Mons mirabilis ”, la mon­tagne mer­veilleuse, d’où le nom de Mont­mi­rail. À leur pied s’étendent des vig­no­bles qui comptent par­mi les plus fameux des Côtes du Rhône : ceux de Gigondas et de Beaumes-de- Venise.

Les vins de Gigondas ont accédé à l’appellation d’origine en 1971. Le cépage dom­i­nant de l’appellation est le grenache, qui réus­sit par­ti­c­ulière­ment bien sur ces sols mai­gres. Com­plété de syrah et de mourvè­dre, il donne un vin rouge puis­sant, de grande garde, aux nuances aro­ma­tiques de petits fruits rouges et d’épices, avec en finale, une agréable pointe de fraîcheur. Le Domaine Per­rin fait d’excellents gigondas. Ce sont des vins puis­sants, avec beau­coup de matière, il faut par­fois atten­dre pour les boire que l’âge vienne adoucir leurs tannins.

Presque incon­nu il y a dix ans, le mus­cat de Beaumes-de- Venise jouit main­tenant de la faveur du pub­lic, ain­si que de celle des som­me­liers et des cri­tiques spé­cial­isés. La magie de son nom y est sans doute pour quelque chose, bien qu’on soit fort loin de Venise : “Beaumes” est une évo­lu­tion de “ balmes ”, mot qui désigne des grottes naturelles situées dans les Den­telles de Mont­mi­rail. On s’y réfu­giait autre­fois, en péri­ode de trou­bles. La région était au treiz­ième siè­cle sous admin­is­tra­tion papale et s’appelait alors Comté de Venasque, appel­la­tion que le par­ler provençal fit évoluer en Com­tat venaissin, et par défor­ma­tion Venise. Il faut recon­naître que ce joli nom va très bien à ce vin tout en finesse et en beauté. C’est un grand vin de dessert, spec­tac­u­laire­ment aro­ma­tique et flat­teur, avec des nuances de pêche blanche, d’abricot, de fruits secs, et une fin de bouche très pure et très longue.

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