Créer de la valeur pour les actionnaires
Le concept de » valeur actionnariale » (VA) a été développé au début des années 80 aux États-Unis.
Il a connu un vaste retentissement avec la parution en 1986 du livre Creating Shareholder Value écrit par Alfred Rappaport, professeur à l’université Northwestern. D’autres publications ont rapidement suivi portant sur des approches similaires (EVA, MVA, CFROI).
Le succès d’une entreprise se traduit par sa capacité à créer de la valeur pour ses actionnaires. De plus en plus de sociétés reconnaissent la validité de ce principe, même si sa mise en œuvre dans certains pays, comme la France, en est encore à ses balbutiements. En fait, la gestion par la valeur actionnariale ne doit pas seulement être un des objectifs de l’entreprise, mais l’axe central de sa politique.
Principes
La création de VA passe par différentes étapes, pour lesquelles l’accompagnement par un cabinet extérieur spécialisé s’avère souvent nécessaire. Quelques principes simples peuvent être retenus.
1. L’estimation de la valeur actionnariale d’une entreprise implique d’avoir une vision à long terme
L’approche – qui repose sur les prévisions de cash-flows actualisés – intègre par sa nature même les perspectives à long terme de l’entreprise, comme le démontre la forte corrélation entre la capitalisation boursière et la valeur des cash-flows actualisés.
Les analystes chargés d’estimer la valeur des actions d’une entreprise utilisent (entre autres) la méthode des cash-flows actualisés, qui tient compte à la fois des événements affectant l’entreprise à court terme, mais aussi des développements à long terme créateurs ou destructeurs de valeur.
C’est ainsi que dans des secteurs réputés d’avenir, des sociétés qui n’ont à proposer à leurs actionnaires que des pertes à court terme mais des perspectives prometteuses à long terme peuvent atteindre en quelques jours des capitalisations boursières impressionnantes (biotechnologies, software).
2. Les sociétés les plus créatrices de valeur ont aussi les clients les plus fidèles et les employés les plus motivés
Ce sont des employés motivés et performants qui créent de la valeur pour les clients et les actionnaires.
Les sociétés dont l’unique objectif est de réduire leur masse salariale, d’exploiter au maximum une main-d’œuvre peu qualifiée et sous-payée ne sont pas les mieux placées dans la course à la création de valeur actionnariale.
Si le client n’est pas satisfait, il n’y a pas d’affaires… et pas de création de valeur. Pour toute entreprise dans un secteur concurrentiel, il est possible d’effectuer un compromis fructueux qui maximisera à la fois valeur pour l’actionnaire et valeur pour les clients.
3. Les outils traditionnels d’analyse sont trompeurs et peuvent mener à des décisions d’investissement erronées
Les approches traditionnelles, basées sur des indicateurs comptables (marge d’exploitation, rentabilité des capitaux propres, croissance du bénéfice par action…), sont facilement manipulables et peu fiables pour la prise de décisions managériales. L’approche par la valeur actionnariale prend en compte tous les flux financiers et les risques liés au secteur, au marché et à la structure financière de la société.
4. La mise en œuvre d’une approche de gestion par la valeur ne doit pas être du ressort exclusif de quelques initiés
Ce qui est nécessaire, c’est la conviction et l’enthousiasme partagés à tous les niveaux de l’entreprise.
Parfois, alors même que la création de VA est définie comme le but à atteindre, sa mise en œuvre apparaît comme un obstacle infranchissable. Pourtant, la gestion par la valeur actionnariale n’est pas particulièrement complexe :
- les concepts financiers relèvent de la théorie classique. Le principal apport de la VA est que les implications de ces concepts sont appliquées à l’organisation dans son ensemble ;
- la mise en œuvre est logique et relève du bon sens : calculer la valeur de l’entreprise, comprendre ce qui détermine cette valeur, mettre en place un système pour s’assurer que la création de valeur soit véritablement au rendez-vous.
En revanche, la réussite du processus repose sur une motivation sans faille des plus hauts échelons de la hiérarchie de l’entreprise, garantissant au projet la priorité suffisante pour l’allocation des ressources internes nécessaires.
Les objectifs, le planning et les résultats escomptés doivent être définis avec soin, avant de s’accompagner d’un important programme en vue d’éduquer tous les niveaux hiérarchiques sur les bénéfices et les conséquences d’une telle approche. Il faut impliquer dès le départ les unités opérationnelles dans le processus, et institutionnaliser la création de valeur comme la pierre angulaire de toute planification et de toute prise de décision.
Mise en œuvre
1. Révision du plan stratégique existant
Il faut procéder en premier lieu à l’analyse de la structure de l’industrie et de la position concurrentielle de la société. Les hypothèses d’évaluation par la méthode des cash-flows actualisés sont ensuite discutées avec le management (période de création de valeur, coût du capital, valeur terminale…). À partir de ces éléments, le plan stratégique est alors analysé en détail puis validé.
2. Identification des déterminants de la valeur pour chaque activité principale de l’entreprise et création des modèles appropriés afin de tester leur impact
La valeur totale est décomposée en une « carte routière économique » qui va aider le management à mieux comprendre ce qui détermine réellement la valeur à chaque niveau de l’organisation.
Les facteurs de création de valeur qui ont un impact significatif et qui sont contrôlables par le management méritent le plus d’attention et vont servir de base pour fixer des objectifs chiffrés du business plan. D’autres facteurs de caractère plus exogène peuvent faire l’objet d’une stratégie de couverture du risque ou devront être réexaminés dans le cadre d’un changement de stratégie.
3. Identification des indicateurs-clés de performance
Ce sont des mesures de la position stratégique ou de la performance opérationnelle et elles vont varier selon le niveau, le rôle et les responsabilités des employés de la société.
Ces indicateurs-clés de performance répondent à certains critères : ils doivent avoir un lien direct avec le cash-flow et un impact significatif sur la valeur ; le management doit pouvoir les influencer et ils doivent pouvoir être mesurés facilement et fréquemment.
Il devient ensuite possible de juger les performances d’un employé sur des critères de création de valeur, si l’entreprise souhaite baser sa politique de rémunérations avec les objectifs suivants : rétribuer une bonne performance et non pas un « coup de chance », utiliser une structure commune applicable à toute l’entreprise, encourager sa cohésion, être réaliste en termes de fixation, de mesure et de suivi des indicateurs de performance.
Conclusion
La valeur actionnariale n’est pas seulement un instrument de mesure a posteriori des performances d’une entreprise, mais un outil de pilotage stratégique qui vient souvent compléter et enrichir les procédures habituellement utilisées. C’est ce qui peut freiner son adoption par les dirigeants qui craignent de renforcer ainsi inutilement le contrôle interne… sans parler des possibilités accrues de lier les rémunérations à la performance individuelle.
La roue tourne pourtant inexorablement, et la pression des fonds de pension anglo-saxons, très sollicités dernièrement, notamment dans la privatisation de France Télécom, poussera à la mise en place d’outils de gestion par la valeur actionnariale, pour le bien de tous : employés, clients et actionnaires. Mais il est regrettable de constater que ce que les entreprises à capitaux familiaux ont découvert empiriquement tarde à éveiller l’attention des dirigeants chargés de gérer au mieux les intérêts de leurs actionnaires.