Concert hommage à H. von Karajan

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°646 Juin 2009Par : Anne-Sophie Mutter, Seiji Ozawa, Orchestre Philharmonique de BerlinRédacteur : Marc DARMON (83)

Coffret DVD du concert hommage à H. Von KarajanÀ l’occasion du cen­te­naire de la nais­sance de Kara­jan, Sei­ji Oza­wa et Anne-Sophie Mut­ter ont entre­pris une tournée hom­mage, qui les a menés de Berlin à Paris, Lucerne, Vienne puis Salzbourg sa ville natale, avec l’orchestre que le mae­stro a dirigé pen­dant plus de trente ans. Chaque fois le même pro­gramme, sym­bol­ique avec deux œuvres phares du réper­toire de Her­bert von Kara­jan. Ces œuvres ont été enreg­istrées de mul­ti­ples fois par Kara­jan et sont même disponibles sous sa direc­tion en DVD (Deutsche Grammophon).

Kara­jan a été un chef emblé­ma­tique du XXe siè­cle, inven­teur et pro­mo­teur d’un star-sys­tem pour les chefs d’orchestre poussé à l’extrême. Si bien qu’à la fin de sa vie beau­coup se demandaient si la forme n’avait pas pris le pas sur le fond et doutaient que son héritage discographique lui sur­vive longtemps. On con­naît désor­mais la réponse : un grand nom­bre de ses inter­pré­ta­tions res­teront références pour longtemps, on revien­dra sou­vent à ses sym­phonies de Beethoven, de Brahms, de Tchaïkovs­ki et ses enreg­istrements des opéras de Strauss ou de Puc­ci­ni ne seront prob­a­ble­ment jamais dépassés. On peut compter une cen­taine de dis­ques qui peu­vent, qui doivent, fig­ur­er dans la dis­cothèque de l’honnête homme.

Mut­ter et Oza­wa sont les inter­prètes naturels d’un tel hom­mage. Anne-Sophie Mut­ter a été décou­verte à l’âge de treize ans par Kara­jan et le chef autrichien en a fait sa parte­naire priv­ilégiée jusqu’à la fin de sa vie, jouant et enreg­is­trant tous les grands con­cer­tos du réper­toire : Beethoven (le plus sou­vent), Brahms, Vival­di, Mendelssohn, Bruch, Tchaïkovs­ki. D’origine japon­aise, Sei­ji Oza­wa a été for­mé par Kara­jan qui en a vite fait son assis­tant. Oza­wa racon­te d’ailleurs dans l’interview don­née en bonus ce que lui a apporté son aîné et ce qu’il lui doit. Oza­wa a d’ailleurs comp­té par­mi les suc­cesseurs poten­tiels à Berlin dont on par­lait à la fin des années qua­tre-vingt (au même titre que Muti, Bychkov, Haitink et Abba­do qui finale­ment l’emporta).

Le con­cert lui-même est mag­nifique. Anne-Sophie Mut­ter, dans une robe som­bre adap­tée à l’hommage qui tranche avec ses toi­lettes vives habituelles, fait preuve d’un jeu bien plus recueil­li et moins démon­stratif que le style auquel elle nous a habitués depuis une dizaine d’années. Notons qu’elle joue dans le pre­mier mou­ve­ment du Con­cer­to de Beethoven la mag­nifique, rare et longue cadence de Kreisler, ce qui est d’une grande orig­i­nal­ité. Et à l’issue de cette pre­mière par­tie, elle nous donne en bis la Sara­bande de la sec­onde Par­ti­ta de Bach, Par­ti­ta qu’elle joua lors de sa pre­mière ren­con­tre avec Kara­jan en 1976, à treize ans on l’a dit. En sec­onde par­tie, Oza­wa se retrou­ve seul face à l’orchestre, sans baguette, pour une très belle Pathé­tique de Tchaïkovs­ki, enlevée et émou­vante. Une des seules sym­phonies du réper­toire se ter­mi­nant par un mou­ve­ment lent (avec les 3e et 9e de Mahler, si je ne tiens pas compte des sym­phonies inachevées de Schu­bert et Bruck­n­er), elle per­met de ter­min­er le con­cert dans un grand recueille­ment et une grande intensité.

Il nous faut aus­si par­ler de la réal­i­sa­tion de ce disque, excep­tion­nelle. Pub­lié simul­tané­ment en DVD et en Blu-Ray, ce nou­veau for­mat qui per­met une déf­i­ni­tion et une net­teté bien supérieures nous offre une image superla­tive. Les détails de la scène et de l’Orchestre sont nets comme jamais, les plans par­faite­ment syn­chrones et adap­tés à la musique, la prise de son de démon­stra­tion. Sans rou­tine aucune et dans des con­di­tions de réal­i­sa­tion remar­quables, un con­cert à con­serv­er, et à regarder souvent.

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