Programme Bachelor de l'X

Bachelor de l’X (saison 3 : suite et… confinement !)

Dossier : TrajectoiresMagazine N°755 Mai 2020
Par Alix VERDET
Par Robert RANQUET (72)

Nous les avons suiv­is avec vous depuis trois ans. Ce sont les pio­nniers du nou­veau pro­gramme « bach­e­lors » de l’X. De leurs pre­miers pas un peu timides sur le Platâl (JR n° 728 – octo­bre 2017) à leur statut de platâliens aguer­ris en deux­ième année (JR n° 739 – novem­bre 2018), et main­tenant leur sor­tie toute proche du pro­gramme, nous vous avons fait partager leurs décou­vertes, leurs rêves et leurs ambi­tions, par­fois aus­si un peu leurs craintes. Nous retrou­vons aujourd’hui deux d’entre eux, Agathe et Jules, dans des cir­con­stances qu’aucun n’aurait imag­inées : con­finés, mais tou­jours au travail !

Bachelor de l'X
Agathe et Jules, deux pio­nniers du pro­gramme Bach­e­lor de l’X, con­finés, mais tou­jours au travail !

JR : Tout d’abord, Agathe et Jules, comment allez-vous et comment ce confinement se présente-t-il pour vous ?

Agathe : Tout va bien. Je suis con­finée dans notre mai­son de cam­pagne en Normandie. 

Jules : Pour ma part, je suis resté sur le cam­pus de l’X. Je n’avais sinon qu’une petite cham­bre chez mes par­ents et donc ici ce n’est pas plus mal : on peut aller courir une heure sur le cam­pus, et on peut se retrou­ver de temps en temps avec des cama­rades pour tra­vailler ensem­ble et s’entraider. C’est appréciable !

Agathe : En effet, c’est quelque chose qui me manque con­finée ici : c’est plus dif­fi­cile de con­tac­ter des cama­rades pour s’aider sur des sujets difficiles.

JR : Comment se passent vos cours ?

Agathe : C’est un peu par­ti­c­uli­er. En fait, nous étions en thèse de bach­e­lor jusqu’ici, et nous devions juste­ment repren­dre les cours quand le con­fine­ment est arrivé. Du coup, ces cours ont bien com­mencé, mais en ligne par Zoom, il y a juste une semaine. On reçoit tous nos doc­u­ments via Inter­net. Ça se passe plutôt bien, vu le peu de temps que l’École et les profs ont eu pour se pré­par­er à ce nou­veau mode de fonc­tion­nement. On reçoit des doc­u­ments PDF, mais aus­si des cours en slides avec des vidéos des profs qui expliquent les slides, et on a aus­si des cours en inter­ac­t­if sur Zoom, où on peut se retrou­ver en petits groupes de 5 ou 6 étu­di­ants avec une bonne inter­ac­tion avec les pro­fesseurs. Pour eux aus­si, c’est très nou­veau : ils n’ont jamais enseigné comme ça. Mais ils s’y sont vrai­ment bien mis, et ils sont très deman­deurs de nos idées et de nos sug­ges­tions pour amélior­er le sys­tème. Au départ, c’était un peu dif­fi­cile, car nous avions beau­coup à faire pour pré­par­er les cours, plus le tra­vail per­son­nel ensuite ; en plus avec des étu­di­ants qui étaient pour cer­tains isolés, loin de chez eux… c’était vrai­ment lourd, mais l’École a ensuite réduit la charge de tra­vail, et ça com­mence à aller mieux.

JR : Tous les étudiants ont-ils tous réussi à se raccrocher, ou certains ont-ils été perdus au passage ?

Jules : Glob­ale­ment, ça va. Cer­tains étu­di­ants sont ren­trés chez eux, en Corée du Sud pour cer­tains, mais cela pose alors des prob­lèmes de décalage horaire pour les cours. Pour eux, les cours sont enreg­istrés. Sur le cam­pus, on doit être une cen­taine de per­son­nes du bach­e­lor à être restés, surtout des pre­mière et troisième années. Nous avons notre groupe WhatsApp. 

JR : Comment se passe la vie quotidienne sur le campus ?

Jules : Sur le cam­pus, il n’y a plus rien. Heureuse­ment, nous avons accès aux cuisines d’étage de nos bâti­ments, et il y a le Fran­prix qui est ouvert à coté de Nor­male Sup-Paris Saclay. J’ai des amis qui ont une voiture et qui vont faire de temps en temps une grosse tournée de cours­es à Ville­bon, pour tout un groupe. Je con­somme beau­coup de con­serves, mais ça va…

JR : Et la fin de votre programme, les examens, comment cela va-t-il se passer ?

Agathe : En fait, on n’en sait encore rien. Les cours devaient se ter­min­er le 20 juin, mais avec l’annonce d’un con­fine­ment jusqu’au 11 mai (au moins), on ne sait pas du tout com­ment va se pass­er notre fin de sco­lar­ité. Cer­tains pro­fesseurs ont annon­cé qu’ils fonc­tion­neraient par pro­jets en groupes, mais on n’en sait pas plus. 

JR : Sur quoi vos thèses portaient-elles ? Comment les avez-vous choisies ?

Agathe : Le sujet de thèse est en lien avec ma majeure choisie en 2année : pour moi, c’était maths et infor­ma­tique. J’ai tra­vail­lé avec un médecin dans un labo de l’X, encadré par un de mes profs de 2année, sur un sujet asso­ciant infor­ma­tique (ma majeure) et médecine, et plus par­ti­c­ulière­ment sur le som­meil et ce qui se passe dans le cerveau en rela­tion avec le som­meil ou l’insomnie. C’était passionnant !

Jules : De mon côté, j’ai fait une thèse inter­dis­ci­plinaire en économie et infor­ma­tique, un peu aus­si sur un sujet médi­cal puisqu’il s’agissait de tra­vailler sur l’optimisation des algo­rithmes pour gér­er les dons de reins en France. C’était à moitié avec l’X et à moitié avec l’École d’économie de Paris (EHESS-ENS). Moi aus­si, j’ai adoré ! En fait, ce n’était pas vrai­ment un sujet de médecine : c’est plutôt un prob­lème de logis­tique et d’allocation. J’avais déjà tra­vail­lé sur un sujet un peu sem­blable, mais cette fois avec des pub­lic­ités sur Inter­net, à l’ENS-Cachan. J’avais envie de con­tin­uer à tra­vailler sur ça, parce que c’est vrai­ment un sujet à la croisée des math­é­ma­tiques et de l’économie. On a été très soutenus par les équipes de recherche de l’X, comme celle du Crest. Dès le pre­mier jour, tout le monde a été très atten­tif, ils nous ont vrai­ment aidés. 

Agathe : Nous avons eu beau­coup de chance de faire nos thès­es à l’X, car j’ai l’impression que ceux qui sont par­tis ailleurs ont par­fois eu plus de mal à ne pas être can­ton­nés à des tâch­es plutôt d’assistant, tan­dis qu’ici les gens ont vrai­ment eu à cœur de nous faire pro­gress­er en nous asso­ciant vrai­ment à leur recherche.

JR : Et maintenant, avez-vous une meilleure idée de ce que vous voulez faire après ce bachelor ?

Agathe : C’est la grande ques­tion du moment ! De mon côté, les répons­es des uni­ver­sités où j’ai can­di­daté com­men­cent à arriv­er. Je voudrais pour­suiv­re dans le machine learn­ing, soit à l’EPFL soit en Angleterre. Le prob­lème, c’est qu’on est sou­vent accep­té sous réserve des notes du dernier semes­tre, et là, on ne sait du tout com­ment cela va se passer…

Jules : Moi, je con­tin­ue à vouloir faire de l’économie. J’ai présen­té mes dossiers pour des mas­ters en France et j’espère avoir des répons­es bientôt.

JR : Vous êtes la première promotion qui sort de ce bachelor de l’École polytechnique. Comment ce diplôme est-il reçu à l’extérieur ?

Agathe : Pour l’instant, tous les retours qu’on a des uns et des autres sont très posi­tifs : notre diplôme est très bien reçu dans les plus grandes écoles du monde, que ce soit à Stan­ford, à Cam­bridge, etc., ce bach­e­lor a fait son effet ! Notre pro­fil intéresse. 

Jules : Nous sommes très bien reçus aus­si parce que nous avons eu une très bonne expo­si­tion à la recherche comme à l’industrie. J’ai fait les deux, et je me rends compte de la grande valeur de notre for­ma­tion parce que nous avons une très grosse cul­ture générale sci­en­tifique. On a des con­nais­sances dans de nom­breuses matières, on est capa­bles d’apprendre rapi­de­ment, et d’être très adapt­a­bles. C’est un plus énorme. On a passé beau­coup de temps à faire des pro­jets de recherche appliquée, ce qui fait qu’on a une bonne capac­ité à appli­quer nos savoirs théoriques à des pro­jets concrets.

JR : Selon vous, quel est le point fort de ce bachelor ?

Agathe : Une énorme valeur ajoutée est d’avoir eu des maths vrai­ment poussées. Dans mes péri­odes d’échanges, j’ai vu que, par exem­ple pour moi en infor­ma­tique, cela fait une grande dif­férence avec des étu­di­ants qui ont des bases en maths moins solides : on ne se con­tente pas d’appliquer un théorème d’informatique, mais on sait « pourquoi ça marche », et cela fait notre valeur.

Jules : J’ai pu voir quand j’étais à Berke­ley que je pre­nais des cours d’économie de mas­ter. Les étu­di­ants améri­cains étaient très forts sur de nom­breux points, mais le fait d’avoir cette base pluridis­ci­plinaire très solide, et d’avoir été exposé tout au long du cur­sus à des choses très avancées dans tous les domaines de recherche donne un grand avantage. 

Agathe : J’ai beau­coup aimé aus­si le tronc com­mun en pre­mière année, où on fait un peu de tout. Par exem­ple, moi, je n’aurais jamais imag­iné faire de l’informatique quand j’étais au lycée, et c’est pour une rai­son très sim­ple : c’est qu’on ne fait pas d’info au lycée. Le tronc com­mun à l’X per­met de faire un vrai choix, à la dif­férence d’autres for­ma­tions, comme à l’EPFL ou en Angleterre, où on doit choisir sa spé­cial­ité dès la pre­mière année. 

Jules : Pareil pour moi, en arrivant, je pen­sais faire de la physique. Et puis, le cours d’électro­magnétisme m’a vite fait com­pren­dre que ce n’était pas pour moi, et j’ai adoré faire de l’économie.

JR : Que vous ont apporté vos échanges à l’étranger ?

Jules : Cela se passe au pre­mier semes­tre de 3e année. Je suis par­ti à Berke­ley, mais beau­coup d’autres sont allés à Geor­gia Tech, à Toron­to, ou à Hong Kong… 

Agathe : Je suis allée au Dane­mark. Un petit tiers de la pro­mo a préféré rester ici, soit pour des raisons finan­cières, soit parce qu’ils préféraient con­tin­uer à se pré­par­er dans l’optique de rester en France. Mais par­tir à l’étranger per­met de voir autre chose et de se com­par­er à d’autres : c’est très for­ma­teur. On se rend compte qu’il n’y a aucun autre endroit qu’ici à l’X où on peut faire autant de matières à ce haut niveau en même temps.

JR : Qu’avez-vous retenu de l’ambiance globale, de vos rapports avec les étudiants du cycle ingénieur ?

Agathe : Au début, c’était un peu com­pliqué, nous étions des nou­veaux venus, un peu des intrus… pas vrai­ment les bien­venus ! Et puis, au fil des pro­mos, cela s’est bien arrangé : les élèves poly­tech­ni­ciens ont vite vu que nous étions sérieux, tra­vailleurs. Beau­coup ont tutoré les bach­e­lors, et ont pu se ren­dre compte de ce qu’ils valaient. Du coup, le regard a changé. Et les années pas­sant, nous avons trou­vé notre place. Quand les pro­mos X suiv­antes sont arrivées, nous étions déjà instal­lés sur le cam­pus et nous étions chaque année plus nom­breux, et donc nous avions pris de l’assurance. Les rela­tions du BDE avec les Kès suc­ces­sives ont été de mieux en mieux : main­tenant beau­coup de bach­e­lors par­ticipent aux binets des élèves. 

Jules : Glob­ale­ment, tout s’est bien passé, même si, au début, il a pu y avoir un peu de mal-être, surtout pour les inter­na­tionaux, qui ont eu plus de mal à s’intégrer dans un cam­pus qui reste très majori­taire­ment fran­coph­o­ne. Leur maîtrise ini­tiale de la langue était insuff­isante à cause du nom­bre trop restreint d’heures de français pro­posées, en com­para­i­son notam­ment des inter­na­tionaux du cycle ingénieur qui suiv­ent un stage de for­ma­tion inten­sive. Il faut dire que c’était le début du pro­gramme, et que nous, comme l’administration, avons dû essuy­er les plâtres et nous ajuster. Et nous avons tous été sur­pris par la quan­tité de tra­vail qui nous était demandée. Cer­tains n’avaient pas vrai­ment saisi que ces études après le bac pou­vaient être aus­si intens­es. Par rap­port à d’autres for­ma­tions, comme aux États-Unis par exem­ple, nous sommes très forts sur beau­coup de points, mais on a moins de temps pour les activ­ités extra-sco­laires, ou pour s’investir dans des projets. 

Mais c’est aus­si une grande richesse du pro­gramme de se retrou­ver avec autant de gens très dif­férents qui n’ont pas du tout les mêmes pro­jets en ter­mes de car­rières : nous avons adoré ces trois ans ici ! 

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