Nicolas Duvinage (95) : « Servir mon pays et les autres »

Dossier : TrajectoiresMagazine N°740 Décembre 2018
Par Robert RANQUET (72)

J’ai com­mencé ma car­rière en com­man­dant un pelo­ton de gen­darmerie mobile à Besançon. C’était en 1998, juste à ma sor­tie de l’école d’appli. Vrai­ment sur le ter­rain !… Et depuis, j’ai veil­lé à altern­er, comme le font la plu­part des cama­rades gen­darmes, postes opéra­tionnels sur le ter­rain et postes plus spé­ci­fiques, générale­ment en région parisi­enne. Le Fin­istère, c’est mon troisième temps de com­man­de­ment : après Besançon puis, quelques années après, le com­man­de­ment de la com­pag­nie départe­men­tale de Loire-Atlan­tique à Rezé. Là-bas, je commandais
235 gen­darmes, pour cou­vrir un ter­ri­toire de 50 com­munes et 250 000 habi­tants. C’était déjà la dimen­sion au-dessus ! Et main­tenant, le Fin­istère : je ne suis pas bre­ton, mais c’était mon pre­mier choix géo­graphique. J’aurais cer­taine­ment pu plus mal tomber !

De la criminalistique à la cybercriminalité

Entre-temps, j’ai alterné avec des postes plus spé­cial­isés à dom­i­nante sci­en­tifique, d’abord à l’Institut de recherche crim­inelle de la Gen­darmerie nationale (IRCGN), alors instal­lé à Ros­ny et depuis relo­cal­isé à Pon­toise. Ce cen­tre a été fondé par un cama­rade, Serge Cail­let (75). J’y ai rejoint le départe­ment d’informatique-électronique comme adjoint d’un autre cama­rade, Éric Freyssinet (92), à qui j’ai ensuite suc­cédé comme patron du départe­ment. Notre chef de divi­sion était aus­si un X : Philippe Bau­doin (85). Bref, l’IRCGN était un peu le cen­tre de prédilec­tion pour les X au sein de la Gendarmerie !

Ensuite, après mon pas­sage sur le ter­rain à Rezé, ce fut l’Office cen­tral de lutte con­tre les atteintes à l’environnement et à la san­té publique (Oclae­sp) à Arcueil. Ce cen­tre avait été créé à l’époque pour traiter les aspects judi­ci­aires (pénaux) de l’affaire du sang con­t­a­m­iné. J’ai eu à y traiter la fin du volet pénal de l’affaire des implants mam­maires PIP, puis à celui du scan­dale de la viande de cheval dans l’affaire « Spanghero »…

Pour mon troisième poste « en cen­trale », j’ai dirigé, tou­jours à Pon­toise, le C3N (cen­tre de lutte con­tre les crim­i­nal­ités numériques). On y est au cœur de la lutte con­tre la cyber­crim­i­nal­ité. On y trou­ve le pistage d’individus qu’on repère au départ juste comme des auteurs de tweets apologiques, jusqu’à ce qu’on les iden­ti­fie comme des indi­vidus rad­i­cal­isés. Mais aus­si le traf­ic d’armes sur le dark­net… Ce cen­tre a accom­pa­g­né le développe­ment du GIP ACYMA, éma­na­tion de l’ANSSI pour le sou­tien aux par­ti­c­uliers et aux entre­pris­es, au-delà de sa mis­sion orig­inelle pour le monde de ser­vices gou­verne­men­taux et des objec­tifs d’importance vitale.

Pour tous ces postes, la for­ma­tion pluridis­ci­plinaire de l’X m’avait bien préparé !

“Travailler à servir son pays et les autres
est un bon objectif pour faire sa vie”

Et maintenant, le Finistère

Retour sur le ter­rain depuis l’été dernier, à la tête d’un groupe­ment qui compte 900 gen­darmes et civils, ce qui veut dire au pas­sage une grosse charge RH ! J’y retrou­ve toute la palette des actions de la Gen­darmerie sur le ter­rain, avec des préoc­cu­pa­tions d’ordre pub­lic : le Fin­istère est une terre tra­di­tion­nelle de reven­di­ca­tion forte des agricul­teurs ou des marins pêcheurs (on se sou­vient des Bon­nets rouges !). Ces man­i­fes­ta­tions peu­vent être assez dures, comme avec l’incendie de la Mutu­al­ité agri­cole de Mor­laix en 2014. On a aus­si à gér­er des événe­ments de grande ampleur, comme les grands fes­ti­vals l’été : les « Vieilles Char­rues » à Carhaix ou le « Bout du Monde » à Cro­zon, qui dépla­cent des dizaines, voire cen­taines de mil­liers de per­son­nes, avec tous les risques asso­ciés, y com­pris aujourd’hui la prise en compte de la men­ace ter­ror­iste sur ces grands rassem­ble­ments. Il y a aus­si, bien sûr, le lot habituel de risque routi­er, de vio­lences intrafa­mil­iales ou des prob­lèmes de voisi­nage, assez sou­vent – il faut bien le dire – sur fond d’alcool… Sans oubli­er les fonc­tions de police judi­ci­aire, avec quelques « belles » affaires qui ont défrayé la chronique, comme le mas­sacre de la famille Troad­ec à Pont-de-Buis l’an dernier, ou cette année le meurtre du boulanger de Plonévez-du-Faou.

Pourquoi gendarme ?

C’est le jour où je suis arrivé à l’X que j’ai réal­isé que c’était une école mil­i­taire ! On vous coupait les cheveux, il y avait des adju­dants… À l’époque, ce n’était pas trop mon truc ; du coup, lorsqu’il a fal­lu choisir une armée pour y faire mon ser­vice (il n’y avait encore alors pas de pos­si­bil­ité de faire un ser­vice civ­il), j’ai opté pour celle qui me sem­blait la moins « mili » : ce fut la Gen­darmerie. Et j’ai eu la chance d’être envoyé comme aide de camp d’un général à qua­tre étoiles, com­man­dant une zone de défense, qui m’a pris dans ses bagages et emmené partout où il allait. J’ai décou­vert alors la fan­tas­tique var­iété et l’étendue des activ­ités des gen­darmes. De retour à l’École, j’ai fait une majeure « math­é­ma­tiques appliquées à l’économie », pour décou­vrir seule­ment à la fin que, si j’aimais bien la matière, je n’avais en fait aucun goût pour le type de jobs aux­quels elle menait. C’est là que je me suis dit que tra­vailler à servir mon pays et les autres était un bon objec­tif pour faire sa vie. Et je suis entré dans la Gendarmerie !

Je dois dire que, en vingt ans de méti­er main­tenant, je n’ai pas été déçu ! Pas par la var­iété des mis­sions, en tout cas : on m’a déployé trois mois en Nou­velle-Calé­donie ; j’ai fait de la sur­veil­lance de détenus à Fleury-Mér­o­gis ; j’ai eu entre les mains les dis­ques durs de l’affaire Clearstream ; j’étais au C3N pour gér­er les aspects cyber-finance­ment du ter­ror­isme au moment des atten­tats de Char­lie Heb­do et du Bat­a­clan ; j’ai tra­vail­lé sur la viande de cheval… Je ne con­nais pas beau­coup de métiers où on voit autant de choses si différentes !

Tous les ans, nous avons l’amphi retape des armées à l’École. C’est l’occasion de se retrou­ver et d’échanger avec les cama­rades des autres armées. Je peux témoign­er que les gen­darmes ne sont pas les plus malheureux !

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