L'affaire du tueur du Zodiaque

Fayçal Ziraoui (2003) : l’X qui a décrypté les derniers codes de l’énigme du tueur du Zodiaque

Dossier : TrajectoiresMagazine N°764 Avril 2021
Par Robert RANQUET (72)

L’affaire du « tueur du Zodiaque » a défrayé la chro­nique dans les années 70. Notre cama­rade Fay­çal Ziraoui (2003) vient de décryp­ter les trois der­niers indices codés lais­sés par le tueur, res­tés indé­chif­frables depuis cin­quante ans.

Fayçal Ziraoui, le polytechnicien qui a décrypté les derniers codes de l’affaire du tueur du Zodiaque
Fay­çal Ziraoui a décryp­té les der­niers codes de l’affaire du tueur du Zodiaque.

Fayçal, explique-nous comment tu en es arrivé à t’intéresser à cette affaire policière. 

Rien ne m’y pré­des­ti­nait ! Je suis un X tout à fait clas­sique : pré­pa à Laka­nal, inté­gré en 2003, puis un mas­ter en entre­pre­neu­riat à HEC, et dif­fé­rentes expé­riences – plus ou moins cou­ron­nées de suc­cès – dans le domaine du conseil et de l’entreprise. Je suis aujourd’hui conseiller indé­pen­dant et serial entre­pre­neur. Mais j’ai tou­jours aimé aller voir en dehors de mon domaine pour appro­fon­dir des sujets les plus divers (de l’horlogerie à la pâtis­se­rie !) : ces apports externes à mon champ pro­fes­sion­nel s’alimentent les uns les autres et enri­chissent consi­dé­ra­ble­ment la créa­ti­vi­té. Et c’est comme cela que je suis un jour tom­bé sur cette affaire du Zodiaque.

Rappelle-nous comment cette affaire s’est développée.

D’abord, une pré­cau­tion : le fait qu’on ait pu décryp­ter des codes qui révèlent éven­tuel­le­ment l’identité du tueur, ne signi­fie pas qu’on ait for­mel­le­ment iden­ti­fié ce der­nier. L’enquête devra for­mel­le­ment rat­ta­cher ce sus­pect aux crimes.

L’affaire du Zodiaque a été très média­ti­sée à tra­vers le film de David Fin­cher sor­ti en 2007, Zodiac, un film sombre qui relate des évé­ne­ments qui ont eu lieu dans les années 1960–1970. C’est l’histoire d’un tueur en série qui ter­ro­rise la Cali­for­nie par le choix de ses vic­times : il semble viser des gens tran­quille­ment assis dans leurs voi­tures, qu’il tue appa­rem­ment sans mobile. Il reven­dique ses crimes à tra­vers des lettres qu’il envoie à des jour­naux et il joint à ses lettres des cryp­to­grammes conte­nant, entre autres sym­boles, des signes du zodiaque – d’où son sur­nom –, que les auto­ri­tés vont ten­ter de déco­der pen­dant des années.

Der­rière ce film se cache effec­ti­ve­ment une his­toire vraie : on n’a jamais décou­vert qui était le Zodiaque. On lui attri­bue cinq meurtres de manière cer­taine. Lui en a reven­di­qué 37, et l’auteur du livre dont s’est ins­pi­ré le film en estime envi­ron une cin­quan­taine. Il y a eu un cer­tain nombre de sus­pects, mais aucun n’a pu être incri­mi­né de manière définitive.

Et les cryptogrammes ?

Les cryp­to­grammes ont rajou­té une part de mys­tère à cette affaire, qui du coup a pu fas­ci­ner à tra­vers le film les fans de fris­son. Il y en a eu 4 : le pre­mier, en juillet 1969, a été déco­dé en une semaine par un couple d’amateur, mais ne révé­lait rien de pro­bant par rap­port à l’affaire. Le tueur y expli­quait tout sim­ple­ment qu’il aimait tuer pour le plai­sir que ça lui pro­cu­rait. Le deuxième cryp­to­gramme quelques mois plus tard, en novembre 1969, long de 340 carac­tères (ce qui lui vaut l’appellation Z340, à la dif­fé­rence du pre­mier bap­ti­sé Z408), vient juste d’être déco­dé en décembre 2020 par une équipe internationale.

Et que révèle-t-il ?

Ce code qui a été envoyé par le tueur en novembre 1969 et qui a pris cin­quante ans pour être cra­qué ne per­met effec­ti­ve­ment pas d’identifier le tueur. En voi­ci un petit extrait : « J’espère que vous avez eu beau­coup de fun à essayer de m’attraper. Je n’ai pas peur de la chambre à gaz parce qu’elle m’enverra au para­dis… » Il expli­quait que tout ça lui allait parce qu’il aurait suf­fi­sam­ment d’esclaves pour tra­vailler pour lui dans l’au-delà : il consi­dère ses vic­times comme autant de per­sonnes qui devien­dront ses esclaves après sa mort. Mais aucune infor­ma­tion per­met­tant d’avancer dans l’enquête.

Il reste donc deux cryptogrammes.

Oui, et c’est à par­tir de là que je me suis inté­res­sé à cette affaire, par pure curio­si­té. Je me suis donc pen­ché sur les deux der­niers cryp­tos non déco­dés, le Z13 et Z32, qui ont la par­ti­cu­la­ri­té d’être assez courts. Je démarre par le Z32, qui est une menace qui indique le lieu où le Zodiaque aurait dis­si­mu­lé une bombe visant des éco­liers. Le Z13, lui, sem­blait ren­fer­mer le graal en quelque sorte, c’est-à-dire l’identité du tueur.

Le code Z32 com­porte 32 carac­tères, tout en bas d’une lettre dans laquelle le Zodiaque dit qu’il va s’attaquer à un bus sco­laire qu’il va com­plè­te­ment anni­hi­ler avec une bombe. Mais l’école étant actuel­le­ment en vacances (nous sommes fin juin), les auto­ri­tés ont jusqu’à la ren­trée pour trou­ver cette bombe. Ce code, cou­plé à la carte rou­tière qui l’accompagne, est la clé pour aider les auto­ri­tés à retrou­ver la bombe et la désa­mor­cer. Sur la carte, il a mar­qué au sty­lo une croix sur une mon­tagne appe­lée le mont Dia­blo, pas loin de San Fran­cis­co et l’indication que quelque chose doit être ali­gné sur « MAG N ».

En voyant que les auto­ri­tés n’avançaient pas, il a ren­voyé un autre cour­rier un mois plus tard, où il donne un indice sup­plé­men­taire : la croix sur le mont Dia­blo fait réfé­rence à « des radians et des inches ».

Le code Z32 comporte 32 caractères, tout en bas d’une lettre du Zodiaque.
Le code Z32 com­porte 32 carac­tères, tout en bas d’une lettre du Zodiaque.

Nous voici donc rendus en Californie.

Le mont Dia­blo est effec­ti­ve­ment une mon­tagne dans les envi­rons de San Fran­cis­co, qui sert de repère aux géo­mètres depuis la fin du XIXe siècle pour les mesures du cadastre. Ce repère défi­nit ce qu’on appelle un « méri­dien prin­ci­pal », qui passe à tra­vers cette mon­tagne et sert de repère ensuite pour les mesures. Le deuxième indice, c’est qu’on doit « s’aligner sur MAG N ». J’ai fait l’hypothèse que cela vou­lait dire « MAG.netic N.orth » et que donc il fal­lait trou­ver quelque chose à ali­gner avec le nord magné­tique, et non pas le nord géo­gra­phique. Enfin, l’indice sur les « radians et les inches », qui sont des uni­tés d’angle, fai­sait cer­tai­ne­ment réfé­rence à des coor­don­nées de lati­tude et longitude.

Fina­le­ment, l’hypothèse que je fais c’est que, à l’intérieur de ce code, il y a des coor­don­nées, mais calées sur le nord magnétique.

Le cryptogramme Z32 est accompagné d’une carte routière sur laquelle le tueur a marqué au stylo une croix sur le mont Diablo.
Le cryp­to­gramme Z32 est accom­pa­gné d’une carte rou­tière sur laquelle le tueur a mar­qué au sty­lo une croix sur le mont Diablo.

Ça ne change rien au fait que le code est court et que des experts le pensent indéchiffrable ?

Géné­ra­le­ment, lorsqu’on qu’on essaie de résoudre des codes, on ana­lyse les occur­rences de cer­tains carac­tères, qu’on com­pare avec la fré­quence des carac­tères dans le lan­gage sup­po­sé du texte (ici en anglais). Dans un code très court comme ici, il y a très peu de répé­ti­tions et les méthodes sta­tis­tiques ne peuvent pas mar­cher. Mais on peut se dire que ce code-là a été envoyé par le même auteur que d’autres codes plus longs, par exemple le code réso­lu en décembre 2020 pour lequel on a plus d’informations. Les gens qui ont cra­qué ce code ont trou­vé ce qu’on appelle une clé de sub­sti­tu­tion, c’est-à-dire qu’à chaque sym­bole uti­li­sé cor­res­pond une lettre de l’alphabet.

Donc j’ai tout sim­ple­ment appli­qué la même clé au Z32, et ça donne une petite séquence dans laquelle je pense pou­voir trou­ver les coor­don­nées. La séquence com­porte des lettres, bien sûr, et deux sym­boles qui ne sont pas déco­dés : ce sont des sym­boles du zodiaque, le Bélier (retour­né) et la Balance. Ce qui est inté­res­sant, c’est qu’on voit appa­raître des mots en ana­gramme, comme NORT(h), EAST ou WEST. Il y a donc peut-être là une piste à creu­ser. En par­ti­cu­lier, dans la deuxième ligne du code, où aucune ana­gramme ne saute aux yeux à pre­mière vue : c’est peut-être là que les coor­don­nées pour­raient être cachées. J’ai deman­dé leur avis à des cama­rades experts en cryp­to­gra­phie, qui m’ont dit que ces pistes étaient plau­sibles et inté­res­santes et qu’elles méri­taient d’être inves­ti­guées par l’enquête.

Quelles sont les techniques que tu as utilisées ?

Pour conver­tir des lettres, il y a une façon très tri­viale de faire : uti­li­ser leur posi­tion dans l’alphabet (a = 1, b = 2, etc.). C’est ce que je vais uti­li­ser à une nuance près : je vais juste gar­der les uni­tés et pas les dizaines. Avec cette deuxième étape de conver­sion des lettres en chiffres, j’arrive à une séquence de chiffres qui pour­raient conte­nir les coor­don­nées. Si on essaye d’être un petit peu prag­ma­tique, on se dit qu’on va pro­ba­ble­ment trou­ver une zone en Cali­for­nie du Nord, et donc il va fal­loir trou­ver des coor­don­nées dans cette zone. Dix chiffres, c’est un niveau de pré­ci­sion qui est accep­table pour l’époque pour dési­gner un lieu, avec 5 chiffres pour la lati­tude et 5 chiffres pour la longitude.

Je fais aus­si l’hypothèse que ces chiffres appa­raissent dans l’ordre, car il serait impos­sible de les recons­ti­tuer comme on peut faire avec des ana­grammes de mot. Et effec­ti­ve­ment j’identifie une séquence : 45.609 NORT (certes avec une faute d’orthographe, mais c’est quelque chose qui arrive sou­vent en cryp­to­gra­phie, car c’est une manière de rendre le décryp­tage plus com­plexe) et 58.719 WEST.

“J’ai utilisé un algorithme disponible librement
sur le site de la Nasa que j’ai reprogrammé.”

À par­tir de là, ce qui m’a pris un peu plus de temps, c’est de construire un outil pour faire la tra­duc­tion entre coor­don­nées géo­ma­gné­tiques et coor­don­nées géo­gra­phiques. J’ai sim­ple­ment uti­li­sé un algo­rithme dis­po­nible libre­ment sur le site de la Nasa, que j’ai repro­gram­mé pour faire cette conver­sion. Une fois qu’on a appli­qué cet algo­rithme, on loca­lise ces coor­don­nées sur une carte : elles pointent à 800 mètres d’une école d’une ville qui s’appelle South Lake Tahoe.

Que s’est-il passé au lac Tahoe ?

Cette arri­vée dans le voi­si­nage du lac Tahoe est inté­res­sante parce que d’une part ce n’est pas loin d’une école et d’autre part, le lac Tahoe a une impor­tance par­ti­cu­lière dans l’affaire du Zodiaque : quelques mois plus tard, le Zodiaque avait envoyé une carte pos­tale dans laquelle il fai­sait réfé­rence à une éven­tuelle vic­time « numé­ro 12 » et cette carte pos­tale men­tion­nait bien le lac Tahoe !

D’ailleurs, cette carte pos­tale n’est pas une vraie carte pos­tale : il l’a fabri­quée lui-même à par­tir d’un pros­pec­tus d’un pro­jet immo­bi­lier à Lake Tahoe. Une infir­mière habi­tant dans cette ville, Don­na Lass, avait bien dis­pa­ru quelques mois plus tôt en sep­tembre 1970 et les auto­ri­tés ont sup­po­sé que cette infir­mière avait pu être la vic­time numé­ro 12 reven­di­quée dans la carte.

Te voilà donc sur la piste d’une nouvelle victime. Comment progresses-tu ensuite ?

Une fois iden­ti­fiées ces coor­don­nées nord-ouest pro­bables, il reste un cer­tain nombre de lettres non inter­pré­tées : j’essaye manuel­le­ment de voir s’il y a des ana­grammes qui res­sortent, mais non ! Alors, je fais un pro­gramme qui va, par « force brute » sur la base d’un dic­tion­naire de mots, essayer de recons­ti­tuer des com­bi­nai­sons qui pour­raient faire sens. Ce pro­gramme d’abord ne trouve rien du tout.

À ce moment-là, je regarde l’historique des codes et je tombe par hasard sur cette infor­ma­tion que, assez sou­vent, il confon­dait des sym­boles : le tri­angle plein et le tri­angle avec un point. Sur huit uti­li­sa­tions de ces sym­boles dans son pre­mier code, il s’est trom­pé quatre fois. Donc je fais l’hypothèse que, éven­tuel­le­ment, il a pu se trom­per ici aus­si : ce qui me donne un L ici à la place d’un P. Alors c’était peut-être juste une coïn­ci­dence, mais on voit appa­raître immé­dia­te­ment une ana­gramme de Diablo.

« Mon programme sort 3 762 combinaisons, que je lis toutes une par une. »

Je lance à nou­veau mon pro­gramme avec le dic­tion­naire de mots pour essayer de recons­ti­tuer le maxi­mum de phrases pos­sibles avec toutes les lettres : il en sort 3 762 com­bi­nai­sons, que je lis toutes une par une. Un seul résul­tat a un sens : « Labor Day Find » ce qui est inté­res­sant pour plu­sieurs rai­sons. La pre­mière, c’est que le Zodiaque aimait com­mettre ses crimes les jours fériés, et le Labor Day est un jour férié (jour du tra­vail, pre­mier lun­di de sep­tembre) aux États-Unis. Mais sur­tout il cor­res­pond à la ren­trée des classes, ce qui est cohé­rent avec la men­tion de l’école dans la lettre du Zodiaque.

À ce stade, le code nous semble poin­ter vers une école dans une ville liée à l’affaire et une date qui cor­res­pond à la fin de l’automne et qui cor­res­pond à la ren­trée sco­laire. Le Zodiaque avait bien dit que les auto­ri­tés avaient jusqu’à l’automne, sous-enten­du jusqu’à la ren­trée, pour déter­rer la bombe. Mais aucune bombe n’a explo­sé : était-ce un coup de bluff ? A‑t-il chan­gé ses plans ? On ne sait pas…

Le code Z13 est censé révéler l’identité du tueur.
Le code Z13 est cen­sé révé­ler l’identité du tueur.

Et on arrive au fameux code Z13.

Oui, le code sui­vant, le code Z13, est celui qui est cen­sé révé­ler son iden­ti­té. Si les codes sont connec­tés, je dois pou­voir, en uti­li­sant des tech­niques simi­laires, réus­sir à résoudre. En appli­quant les mêmes sub­sti­tu­tions, puis la tra­duc­tion de ces lettres en chiffres, je trouve une suite de chiffres qui m’interpelle : on a 3 chiffres (5, 1, 1, 5, 5, 4, 5…) qui se répètent sur une bonne par­tie du code, une séquence qui évoque tout de suite une tech­nique de cryp­to­gra­phie inven­tée par le Fran­çais Félix-Marie Delas­telle et publiée en 1902. On retrouve cette tech­nique dans un manuel de l’armée amé­ri­caine. Elle consiste à enco­der les lettres de l’alphabet sur trois chiffres, et donc vous retrou­vez tou­jours ces trois chiffres, un peu comme dans le codage binaire en élec­tro­nique on trouve des suites de 0 et de 1.

Mais le Zodiaque ne s’est pas conten­té de ce codage, il en a ajou­té un autre, qui est en fait un pro­to­cole en élec­tro­nique qui consiste à prendre, non pas ce pre­mier étage de chiffres, mais les écarts entre les valeurs suc­ces­sives. Donc quand vous faites ça, on trouve 43433313…, une séquence de douze chiffres sus­cep­tibles d’encoder quatre lettres. La pro­ba­bi­li­té, en par­tant d’une séquence aléa­toire de lettres au départ et d’arriver à une séquence de ce type-là conte­nant uni­que­ment trois chiffres, n’est que d’une chance sur 400 !

Je regarde donc ce que me donnent ces lettres-là : et ça, ça me donne les lettres K‑A-Y‑R. Or je sais qu’il y a un sus­pect dans l’enquête qui s’appelle KAYE. En fait, ce sus­pect a sou­vent chan­gé de nom. Ayant eu des démê­lés avec la jus­tice, il uti­li­sait tout un ensemble de faux noms, dont KAY (sans E). Il avait été effec­ti­ve­ment sus­pec­té par la police d’être le Zodiaque. Kaye habi­tait à quelques kilo­mètres de South Lake Tahoe. Il a été aus­si recon­nu sur un panel de pho­tos par une des vic­times du Zodiaque qui a survécu.

Ce sus­pect avait eu un acci­dent de voi­ture en 1962 qui lui a pro­vo­qué des troubles men­taux, mais il avait des apti­tudes intel­lec­tuelles lui per­met­tant de faire ce type d’encodage, d’autant plus qu’il avait rejoint un pro­gramme rela­ti­ve­ment exclu­sif au sein de la Navy amé­ri­caine, au tra­vers duquel il avait pu apprendre à la fois des tech­niques de cryp­to­gra­phie mais éga­le­ment de navi­ga­tion et enfin d’électronique.

Une carte postale fabriquée par le Zodiaque à partir d’un prospectus fait référence à une douzième victime.
Une carte pos­tale fabri­quée par le Zodiaque à par­tir d’un pros­pec­tus fait réfé­rence à une dou­zième victime.

Mais il y a un dernier « code » ?

Effec­ti­ve­ment. Je découvre qu’au total ce ne sont pas quatre codes que le Zodiaque a envoyés, mais il y en a un cin­quième. Celui-ci n’est pas un cryp­to­gramme : c’est la carte pos­tale envoyée en mars 1971.

Cette carte pos­tale est façon­née à par­tir d’un pros­pec­tus de pro­jet immo­bi­lier et, des­sus, le Zodiaque a col­lé des mots pré­dé­cou­pés, à la manière d’une lettre ano­nyme : dans le quart supé­rieur gauche, un « Sier­ra Club » ; en bas à gauche, une men­tion « around in the snow » et la réfé­rence à une vic­time numé­ro 12 ; dans le quart infé­rieur droit, il y a un slo­gan qui a été uti­li­sé dans le pros­pec­tus, qui semble vou­loir dire « contem­pler [la beau­té du pay­sage] à tra­vers les pins », asso­cié à la men­tion d’un « Pass Lake Tahoe ».

Enfin, dans le quart supé­rieur droit sim­ple­ment un trou per­fo­ré. Mon intui­tion me dicte que ces per­son­na­li­sa­tions aux quatre coins de la carte pos­tale sont autant d’in­dices reliés entre eux et qu’ils pour­raient avoir un lien avec la dis­pa­ri­tion de Don­na Lass… aper­çue pour la der­nière fois le jour du Labor Day.

Je com­mence par la men­tion « around in the snow », or il existe non loin du lac Tahoe deux mon­tagnes voi­sines qui portent le nom de Round : Round Top, et Lit­tle Round Top. Donc « around in the snow », ou encore « a Round in the snow », pour­rait très bien faire réfé­rence à l’une de ces mon­tagnes sous la neige.

“Une séquence m’interpelle,
qui évoque une technique
de cryptographie inventée par
le Français Félix-Marie Delastelle.”

Je me dis que c’est peut-être une coïn­ci­dence, mais du coup je vais regar­der ce que donnent les autres indices. Effec­ti­ve­ment, on trouve aus­si une sta­tion de ski, au nord de ces som­mets, appe­lée Sier­ra-at-Tahoe. Cela fait donc deux indices qui pour­raient être a prio­ri élucidés.

À l’est de ces deux lieux, je trouve une route qui s’appelle Luther Pass connue à l’époque pour emme­ner au lac Tahoe (Pass Lake Tahoe), et son inter­sec­tion avec une auto­route appe­lée El Cami­no Sier­ra répu­tée pour la beau­té du pano­ra­ma qu’elle offrait (« contem­pler [la beau­té du pay­sage] à tra­vers les pins »). Le troi­sième indice en bas à droite de la carte pos­tale semble éga­le­ment cohérent.

Ces trois indices des­sinent sur la carte un angle droit. Je me demande si le qua­trième som­met qui clôt le rec­tangle ren­voie vers un der­nier lieu. J’arrive sur une zone un peu mon­ta­gneuse, où il n’y a pas grand-chose. Je suis un peu déçu, et puis il y a une zone qui m’interpelle, qui semble for­mer un pla­teau. En zoo­mant des­sus, j’ai un gros fris­son hor­rible : cet endroit s’appelle le « Trou de l’Enfer » ! Or il y a bien un trou cir­cu­laire per­cé dans le der­nier quart de la carte postale. 

Je me retrouve donc avec quatre indices géo­gra­phiques, qui forment un rec­tangle de 7 km sur 12 km, et là j’ai le sen­ti­ment que la carte pos­tale a été orches­trée de manière à ce que le Trou de l’Enfer soit le der­nier lieu trou­vé. Peut-être pour per­mettre de trou­ver la dépouille d’une des vic­times, celle de l’infirmière Don­na Lass ?

Et sait-on ce que renferme ce Trou de l’Enfer ?

À vrai dire, non : c’est peut-être l’indication qu’il faut effec­ti­ve­ment aller voir ce qu’il y a dans ce Trou de l’Enfer, mais c’est peut-être aus­si une expres­sion sym­bo­lique (« La vic­time est en enfer »), ou cela peut encore se réfé­rer à un autre lieu (il existe un lac du même nom dans les envi­rons). Bref, les pistes ne manquent pas… d’ailleurs, il est clair que, avec le Zodiaque, on n’a pas vrai­ment affaire à un défi de cryp­to­gra­phie : c’est plu­tôt un jeu de piste orga­ni­sé par le tueur, avec une intel­li­gence et une inven­ti­vi­té indéniables. 

À la dif­fé­rence du code Z340, qui été cas­sé en décembre der­nier en recou­rant abon­dam­ment à la « force brute » des ordi­na­teurs, on est, avec ces trois der­niers codes ou plu­tôt indices, dans un duel d’intelligence et de psychologie. 

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