Conseil des ministres d'une autre époque

Étymologie :
À propos des métiers du conseil

Dossier : ExpressionsMagazine N°729 Novembre 2017
Par Pierre AVENAS (X65)

Celui qui exerce un métier du conseil est un conseiller ou, en termes plus modernes, un consul­tant… ce qui étonne un peu, car, en termes usuels, c’est le client qui consulte le conseiller et pas l’inverse. Mais en méde­cine, le patient consulte et le méde­cin qui donne des consul­ta­tions dit aus­si qu’il consulte. En fait le verbe consul­ter peut mar­cher dans les deux sens, et c’est encore au latin qu’il faut remon­ter pour com­prendre ce para­doxe apparent.

De conseiller à consulter

En latin, on part du verbe consu­lere qui signi­fie « déli­bé­rer, exa­mi­ner, déci­der ensemble ».

Ce verbe semble com­por­ter un pré­fixe issu de cum « avec », mais on ne connaît pas la signi­fi­ca­tion de l’élément -sulere, dont l’étymologie reste mys­té­rieuse. On peut être ten­té de rap­pro­cher consu­lere du nom du consul, qui fut à l’origine un magis­trat romain, mais la res­sem­blance entre les deux mots est peut-être pure­ment for­tuite, et de toute façon, consul est lui-même d’origine obscure.

En tout état de cause, c’est à ce verbe consu­lere que se rat­tache le latin consi­lium, signi­fiant « déli­bé­ra­tion » ou « assem­blée qui déli­bère », ain­si que consi­lia­ri « tenir conseil », d’où en fran­çais conseil, conseiller (verbe et nom), et en anglais, de l’ancien fran­çais, coun­cil, to coun­sel.

Et tou­jours en latin, de consu­lere dérive aus­si consul­tare, de même sens mais ren­for­cé (c’est un fré­quen­ta­tif) : « déli­bé­rer sou­vent » ou « déli­bé­rer inten­sé­ment », d’où consul­ta­tioconsul­ta­tor, deve­nus en fran­çais consul­ter, consul­ta­tion, consul­tant… et en anglais, de l’ancien fran­çais, to consult, consul­ta­tion, consul­tant.

À ce stade, on voit que conseiller et consul­ter sont issus de verbes latins de sens voi­sins, que l’on peut qua­li­fier d’intran­si­tifs, car ils évo­quaient une réflexion en com­mun et non pas un avis don­né par une per­sonne à une autre.

En cas de problème dans l’entreprise, on consulte un consultant

En fran­çais, ces verbes conseiller et consul­ter ont d’abord conser­vé ce sens intran­si­tif, puis l’usage a pri­vi­lé­gié des signi­fi­ca­tions tran­si­tives, dans un sens ou dans l’autre : aujourd’hui, conseiller signi­fie « don­ner un avis », alors que consul­ter signi­fie le plus sou­vent « sol­li­ci­ter un avis », sauf lorsqu’un méde­cin donne une consultation.

Le sens de « don­ner un avis » s’applique éga­le­ment au consul­tant, ou au juris­con­sulte (du latin consul­tus « avi­sé »), un avis pou­vant n’être que consultatif.

De même, le sens proche du latin sub­siste pour un conseil lorsque c’est une assem­blée déli­bé­ra­tive (cf. le conseil des ministres), un conseiller pou­vant être celui qui donne un avis, ou bien celui qui siège à un conseil.

Conseiller ou consultant, c’est un métier

L’étymologie de conseiller, consul­ter n’est pas simple, celle de métier non plus. Cette fois, le point de départ est le latin minis­ter « ser­vi­teur », de minus « moins », par oppo­si­tion à magis­ter « maître », de magis « plus ».

En latin chré­tien, minis­ter dési­gnait le prêtre, le ministre du culte, minis­te­rium étant dans ce contexte le ser­vice reli­gieux, la messe. D’autre part, d’une ori­gine grecque, le latin mys­te­rium « mys­tère » s’est spé­cia­li­sé éga­le­ment en latin chré­tien, jusqu’à dési­gner aus­si un ser­vice religieux.

Puis, en quit­tant le registre reli­gieux, minis­te­rium devient en fran­çais minis­tère (en anglais, minis­try, venant de l’ancien fran­çais) et en même temps, la confu­sion entre minis­te­rium et mys­te­rium aurait abou­ti à un bas latin sup­po­sé mis­te­rium, deve­nu en fran­çais mis­tier, mes­tier et fina­le­ment métier. Ce mot métier s’emploie tel quel en anglais pour dési­gner une com­pé­tence par­ti­cu­lière ou une spé­cia­li­té com­mer­ciale (alors que « métier » en géné­ral se dit job, occu­pa­tion…).

En défi­ni­tive, métier et minis­tère sont des dou­blets éty­mo­lo­giques. Une véri­table pro­vo­ca­tion pour ceux qui consi­dèrent que la poli­tique ne doit sur­tout pas être un métier.


En illus­tra­tion : Il faut du métier pour consul­ter le conseil des ministres. © ERICA GUILANE-NACHEZ / FOTOLIA.COM

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Commentaire

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Edenrépondre
10 novembre 2017 à 11 h 54 min

A par­tir de là on voit de

A par­tir de là on voit de plus en plus de per­sonne s’es­ti­mant être un coach de vie, un accom­pa­gna­teur pro­fes­sion­nel, je ne sais pas à qui ces ser­vices sont des­ti­nés et quel type d’en­tre­prise fait appel à ces nou­veaux professionnels.

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