EVscope est un télescope numérique qui permet de pratiquer l'astronomie facilement

Unistellar : l’astronomie numérique pour interagir avec l’espace

Dossier : TrajectoiresMagazine N°775 Mai 2022
Par Hervé KABLA (84)

En 2017 Arnaud Mal­vache (2004) a cofondé Unis­tel­lar, qui pro­duit des téle­scopes grand pub­lic faciles à utilis­er. Cette société a été pio­nnière sur ce seg­ment de marché et con­naît un très rapi­de développe­ment. Au-delà de la réus­site com­mer­ciale, son suc­cès est aus­si celui d’une com­mu­nauté d’utilisateurs qui dif­fuse l’amour de la sci­ence de l’espace.

Quelle est l’activité d’Unistellar ?

Unis­tel­lar trans­forme l’astronomie avec des pro­duits qui per­me­t­tent non seule­ment de voir, de sen­tir et de com­pren­dre, mais surtout d’interagir avec l’espace comme jamais aupar­a­vant. Le pro­duit phare d’Unistellar, le pre­mier téle­scope grand pub­lic facile à utilis­er, est égale­ment le pre­mier à être suff­isam­ment puis­sant pour révéler les galax­ies, les nébuleuses et les comètes au-delà des planètes et de la Lune, et à per­me­t­tre de par­ticiper à la recherche sci­en­tifique. Portable et rapi­de à utilis­er, même depuis un bal­con en ville, il fait entr­er l’astronomie dans la vie quo­ti­di­enne de chacun.

Arnaud Malvache (2004) a cofondé Unistellar spécialiste de l'astronomie numérique
Arnaud Mal­vache (2004), cofon­da­teur d’Unistellar

Quel est le parcours des fondateurs ? 

Nous sommes qua­tre fon­da­teurs au par­cours ori­en­té sci­ence et ingénieur : Lau­rent Marfisi a fait les Arts et Métiers et a ensuite tra­vail­lé dans l’industrie ; Franck Marchis a fait un mas­ter et une thèse d’astronomie avant d’embrasser une car­rière inter­na­tionale d’astronome, il tra­vaille tou­jours aujourd’hui pour l’institut SETI (Search for Extra-Ter­res­tri­al Intel­li­gence) en Cal­i­fornie, parte­naire his­torique d’Unistellar pour la sci­ence citoyenne ; Antonin Borot (2003) et moi-même (2004) avons eu le même par­cours avec un an d’écart, nous avons fait notre 4A à l’Imperial Col­lege Lon­don en MSc Optics and Pho­ton­ics, puis avons fait une thèse au lab­o­ra­toire d’optique appliquée (LOA) de Polytechnique.

Comment t’est venue l’idée ?

Les idées vien­nent toutes seules, quand on les attend le moins : j’étais en vacances à la mon­tagne, je ren­dor­mais mon fils qui ne fai­sait pas encore ses nuits, on pou­vait voir les étoiles à tra­vers un velux. Je me dis­ais que c’était vrai­ment dom­mage qu’on n’arrive pas à observ­er les objets mag­nifiques du ciel noc­turne dans un téle­scope, alors que les astropho­tographes arrivaient à faire des images à couper le souf­fle. Je me suis alors dit qu’il suff­i­sait d’intégrer une caméra et un ordi­na­teur embar­qué à un téle­scope pour pro­pos­er une expéri­ence d’observation plus com­plète. C’était en 2013, trois ans plus tard nous tes­tions le pre­mier pro­to­type de téle­scope numérique qui per­me­t­tait de voir les bras des galax­ies et les couleurs des nébuleuses. 

Qui sont les concurrents ? 

Le marché de l’astronomie est dom­iné par des mar­ques de référence dont la majorité sont la pro­priété de trois con­glomérats chi­nois. Ils pro­posent des téle­scopes tout optique, par­fois motorisés, mais rien qui s’approche du téle­scope numérique. Bien que notre pro­duit s’adresse en majorité à un nou­veau marché d’utilisateurs, nous leur prenons quelques parts de marché à mesure que notre répu­ta­tion augmente.

Quelles ont été les étapes clés depuis la création ? 

Après l’émergence de l’idée, il a fal­lu rassem­bler une équipe de fon­da­teurs, pour moi c’est un des moments les plus struc­turants de l’histoire d’Unistellar. Lau­rent, Antonin et Franck ont cha­cun apporté sa part d’innovation au pro­jet qui fait la spé­ci­ficité d’Unistellar aujourd’hui : facil­ité d’utilisation, com­pac­ité, pro­duc­tion en grande série à faible coût, com­mu­nauté d’utilisateurs et sci­ence citoyenne. Nous sommes passés par des hauts et des bas lors des pre­mières années du pro­jet, avec des péri­odes de doute sur la fais­abil­ité d’un tel pro­duit et des péri­odes plus encour­ageantes quand on effec­tu­ait des démon­stra­tions de nos pro­to­types. Ensuite il y a eu la cam­pagne sur Kick­starter fin 2017 qui, pour nous, a par­faite­ment bien porté son nom, avec plus de 2 M$ de com­man­des. À par­tir de là plus de doute : les clients avaient répon­du présent, il n’y avait plus qu’à fab­ri­quer les 1 600 téle­scopes prévendus !

“L’espace a toujours fait rêver.”

Il nous a fal­lu deux ans pour livr­er les pre­miers téle­scopes fin 2019 et encore un an pour livr­er tout le monde. Nous avons levé des fonds pour cou­vrir les investisse­ments sur la ligne de pro­duc­tion. Nous avons ensuite noué un parte­nar­i­at avec Nikon pour prof­iter de leur exper­tise en optique et élec­tron­ique grand pub­lic. Il s’est con­crétisé avec la sor­tie d’une ver­sion améliorée de notre pro­duit phare, équipé d’un ocu­laire élec­tron­ique Nikon. Il y a quelques mois nous avons passé la barre des 5 000 clients et notre activ­ité est rentable depuis 2020. Notre crois­sance fut très rapi­de : nous sommes passés de qua­tre fon­da­teurs à 50 salariés en moins de qua­tre ans ! Nous envis­ageons de con­tin­uer à croître forte­ment dans les prochaines années, avec le développe­ment de notre future gamme en parte­nar­i­at avec Nikon. 

L’espace fait-il encore rêver, ou est-ce devenu un domaine réservé à quelques spécialistes ? 

L’espace a tou­jours fait rêver ; qui n’a jamais levé les yeux vers le ciel pour regarder les étoiles, la Lune, voire essay­er d’identifier la Grande Ourse ? Qui est insen­si­ble au fait que l’homme a marché sur la Lune ? Cela dit, l’expérience disponible au grand pub­lic est lim­itée depuis longtemps aux réc­its de l’exploration spa­tiale dans les médias et à la con­tem­pla­tion des astres à l’œil nu. Avant l’arrivée des téle­scopes numériques, seule une minorité de pas­sion­nés arrivait à prof­iter pleine­ment des mer­veilles du ciel noc­turne, sans par­ler d’interagir con­crète­ment avec l’espace en faisant mesures et découvertes. 

Les derniers exploits comme Philae ou Perseverance ont-ils eu un effet bénéfique ? 

Les mis­sions spa­tiales et les prouess­es tech­nologiques qui leur sont asso­ciées ont claire­ment un effet béné­fique sur l’astronomie. Cela a encore plus de sens pour Unis­tel­lar, car nous col­laborons avec des sci­en­tifiques pour pré­par­er les prochaines mis­sions dans le sys­tème solaire : nos util­isa­teurs ont par­ticipé par leurs obser­va­tions à la car­ac­téri­sa­tion de la forme et de la tra­jec­toire d’astéroïdes troyens, se situ­ant sur l’orbite de Jupiter, qui vont être vis­ités par la sonde Lucy par­tie en octo­bre 2021. Les fon­da­teurs d’Unistellar et les par­tic­i­pants à ces obser­va­tions ont d’ailleurs été invités au lance­ment le 16 octo­bre dernier.

Comment perçois-tu la compétition entre les « barons de l’espace », Bezos et Musk ? 

On dit que le nom­bre d’étudiants en physique a sig­ni­fica­tive­ment aug­men­té dans la décen­nie qui a suivi la mis­sion Apol­lo 11 de Neil Arm­strong. Je pense que l’impact glob­al de cette nou­velle course à l’espace est posi­tif. Il faut se réjouir que des indi­vidus aient pris le relai des États pour faire rêver l’humanité.

Entre la rusticité de la lunette astronomique de nos grands-pères et un bijou de technologie comme eVscope, qu’est-ce qui a changé ? 

Les téle­scopes his­toriques étaient des sys­tèmes pure­ment optiques con­sti­tués de plusieurs miroirs et/ou de lentilles. L’œil jouait le rôle de cap­teur et le cerveau s’occupait du traite­ment de l’information. Les tech­nolo­gies élec­tron­iques grand pub­lic récentes ont des per­for­mances qui sur­passent celles de l’œil et du cerveau : ce sont les caméras sen­si­bles et les cal­cu­la­teurs embar­qués qui équipent les smart­phones et de nom­breux autres pro­duits du quo­ti­di­en. L’eVscope est né de l’association d’un sys­tème optique puis­sant avec ces nou­velles tech­nolo­gies équipées d’algorithmes spé­ci­fiques de traite­ment de données.

Existe-t-il une communauté des utilisateurs d’eVscope, qui partageraient leurs plus beaux clichés ? 

Depuis les débuts de l’histoire d’Unistellar, nous avons l’ambition de créer une com­mu­nauté d’utilisateurs. Cela a com­mencé à pren­dre forme spon­tané­ment sur les réseaux soci­aux, avec des groupes de plusieurs cen­taines d’utilisateurs qui parta­gent leur expéri­ence et se don­nent des con­seils. Nous con­tribuons active­ment à l’émulation de cette com­mu­nauté, en pro­posant aux util­isa­teurs de par­ticiper aux mesures sci­en­tifiques : étude des astéroïdes, des comètes, et aus­si amélio­ra­tion de la con­nais­sance d’exoplanètes !


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Commentaire

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Fazal Majidrépondre
20 mai 2022 à 18 h 19 min

Belle réus­site ! Nikon a même annon­cé que l’as­tronomie sera l’un des axes stratégiques de son développe­ment suite au tasse­ment du marché de la photo.

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