Séance de hackathon

Une option stratégique qui engage l’entreprise

Dossier : Open innovationMagazine N°722 Février 2017
Par Olivier MELLINA-GOTTARDO (96)

Choisir l’open inno­va­tion est une option stratégique. On peut y recourir pour des motifs d’é­conomies d’échelle, de change­ment d’hori­zon ou de cul­ture, mais il faut pilot­er soigneuse­ment le change­ment et adapter l’or­gan­i­sa­tion en conséquence. 

L’open inno­va­tion n’est pas une néces­sité. Elle doit être le fruit d’une réflex­ion stratégique, au terme de laque­lle les raisons, qui peu­vent pouss­er une organ­i­sa­tion à y recourir, doivent être pesées. 

En général, celles-ci reposent sur plusieurs postulats. 

ÉCONOMIES D’ÉCHELLE

Le pre­mier pos­tu­lat est celui des économies d’échelle : une entre­prise qui n’a pas la capac­ité finan­cière d’un État ne peut pré­ten­dre inve­stir seule dans une R&D ruineuse et peut avoir intérêt à pari­er sur la col­lab­o­ra­tion avec un large écosys­tème pour mieux capter l’innovation.

“ L’innovation radicale est rarement née du secteur qu’elle est venue transformer ”

Elle aura déjà suff­isam­ment à faire pour se dif­férenci­er sur le reste et men­er l’innovation jusqu’à l’industrialisation.

Ain­si en va-t-il : 

  • d’alliances indus­trielles entre con­cur­rents pour dévelop­per des stan­dards tech­nologiques (blockchain dans les ban­ques, Ford et Toy­ota sur les tech­nolo­gies hybrides en 2011 
  • de la con­ver­sion à l’open source de cer­tains indus­triels sur des pro­duits où c’est un moyen de fédér­er un écosys­tème méti­er de clients-four­nisseurs-parte­naires en abais­sant les bar­rières technologiques. 

REPÈRES

L’open innovation peut paraître aux yeux de certains comme un phénomène incontournable alors que d’autres pensent que c’est surtout une mode.
Ils font à juste titre observer que des géants comme Apple et Space‑X innovent avec un succès inégalé sans vraiment s’ouvrir, et certains marchés (comme celui de la fabrication des jets privés) imposent des stratégies d’innovation parfois basées sur la gestion du secret de l’innovation.

 
CHANGER D’HORIZON…

Le sec­ond pos­tu­lat est celui de l’élargissement de l’horizon sec­to­riel : notam­ment depuis la général­i­sa­tion du numérique, l’innovation rad­i­cale, a for­tiori de ser­vice, est rarement née du secteur qu’elle est venue transformer. 

Une open inno­va­tion est alors un élé­ment de réponse visant à capter les sources poten­tielles d’innovation de tech­nolo­gie ou de ser­vice au-delà de son pro­pre secteur. 

… ET DE CULTURE

Le troisième pos­tu­lat relève de la cul­ture d’entreprise : parce qu’elle est organ­isée de façon opti­male pour pro­duire, et qu’elle y excelle, une grande organ­i­sa­tion n’est pas tou­jours la plus agile pour innover et peut avoir intérêt à capter la créa­tiv­ité de plus petits acteurs. Récipro­que­ment, parce qu’elles n’ont pas d’accès au marché ni d’efficacité d’échelle, cer­taines start-ups ne peu­vent sur­vivre sans rechercher des parte­naires industriels. 

Parce que ce n’est pas son méti­er, une admin­is­tra­tion peut avoir besoin de cocon­stru­ire avec ses béné­fi­ci­aires la façon dont elle peut mieux les servir. 

PILOTER LE CHANGEMENT

Si une poli­tique d’open inno­va­tion résulte d’un choix stratégique, elle ne peut être lais­sée au hasard des ini­tia­tives locales sans logique d’ensemble, sans objec­tifs, ni pilotage. 

“ Améliorer la conduite de projets internes par une confrontation précoce au marché ou à des regards extérieurs ”

Or il n’est pas sûr que l’engouement ren­con­tré depuis six ou sept ans par des expéri­men­ta­tions de type hackathons, intrapre­nar­i­at, incu­ba­teurs d’entreprise, fonds d’investissement cor­po­rate, etc., aille tou­jours et partout au-delà de l’ambition d’un man­ag­er local pour redor­er sa car­rière ou redonner à court terme une moti­va­tion à ses équipes. 

Dans le cas con­traire, passé l’engouement des pre­mières fois, les résul­tats de ces ini­tia­tives ne sont pas tou­jours à la hau­teur des attentes, et sou­vent pour de mul­ti­ples raisons. 

Des ini­tia­tives sont sou­vent mal pré­parées et impro­visées : les hackathons sont des out­ils puis­sants, mais seule­ment s’ils sont bien pré­parés en phase amont par un exer­ci­ce et s’ils sont soigneuse­ment cadrés, pour don­ner des résul­tats concrets. 

Des ini­tia­tives sou­vent isolées ou décon­nec­tées du reste de l’entreprise sont lancées par un « chief inno­va­tion offi­cer », lui-même isolé du reste de l’organisation, et restent let­tre morte à défaut de pou­voir sim­ple­ment être con­fron­tées en retour aux métiers de l’entreprise.

DÉFINIR LES PROCESSUS POUR PASSER DE L’INNOVATION AU PRODUIT

Un prob­lème de cul­ture et de lan­gage entre des parte­naires d’univers dif­férents con­duit par­fois à étouf­fer dans l’oeuf, par des proces­sus inadap­tés, des prémices de col­lab­o­ra­tions (exem­ple : gér­er comme une M&A une col­lab­o­ra­tion avec une start-up en phase d’amorçage, ou des lab­o­ra­toires publics ou associations). 

De plus, un excès de mod­estie face à des start-ups bril­lantes fait oubli­er aux indus­triels tout le chemin néces­saire pour con­cré­tis­er et indus­tri­alis­er une inno­va­tion : oubliant le suivi et les plans d’action solides, avec expéri­men­ta­tions, retour d’expériences, pas­sage à échelle et indus­tri­al­i­sa­tion, ils cèdent à l’idéologie et la facil­ité de penser que la stab­u­la­tion libre (= héberge­ment + prise Inter­net + espace de cowork­ing) serait le stan­dard opti­mal d’accompagnement des pro­jets et start-ups.

LA NÉCESSAIRE ADAPTATION DE L’ORGANISATION

Si elle décide que l’open inno­va­tion est un choix stratégique per­ti­nent pour elle, une entre­prise ou insti­tu­tion doit aller au bout de l’exercice et adapter son organ­i­sa­tion pour per­me­t­tre et digér­er ce mode d’innovation prob­a­ble­ment nou­veau, en se posant les ques­tions fon­da­men­tales qui en découlent, des plus stratégiques aux plus opéra­tionnelles. Et elle doit redéfinir les alliances ou parte­nar­i­ats en ligne avec cette politique. 


Marathon de l’innovation (hackathon), juil­let 2016. Les out­ils de type hackathon doivent être sérieuse­ment cadrés et suiv­is d’actions. © THOMAS BARTEL — EUROGROUP CONSULTING

Repenser la coex­is­tence d’un éventuel départe­ment interne de R&D avec un départe­ment d’innovation ouvert vers l’extérieur en appor­tant une réponse à la ques­tion : est-il nor­mal et durable que les deux fonc­tions n’interagissent que peu et com­ment organ­is­er leur artic­u­la­tion ; sur quel périmètre ? Gér­er le suivi de l’innovation de façon cohérente tout au long de son cycle de vie et l’intégrer au plus tôt dans les proces­sus de pro­duc­tion indus­trielle. Amélior­er la con­duite de pro­jets internes par une con­fronta­tion pré­coce au marché ou à des regards et com­pé­tences extérieurs. 

Con­duire le change­ment dans l’organisation pour que les modal­ités d’open inno­va­tion choisies, inspirées de l’extérieur, s’adaptent à l’ADN et à la cul­ture d’entreprise, et ne restent pas des expéri­ences hors-sol qui ne seront pas transformées. 

Pour résoudre ces ques­tions, il est fon­da­men­tal que les organ­i­sa­tions économiques qui font ces choix gag­nent en matu­rité, appren­nent à maîtris­er les out­ils d’open inno­va­tion, se les appro­prient en fonc­tion de leur ADN et s’organisent pour qu’open inno­va­tion ne rime plus avec des ini­tia­tives médi­a­tiques et anec­do­tiques, mais avec des résul­tats tangibles.

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