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Fintechs et Blockchain : les banques réagissent

Dossier : Open innovationMagazine N°722 Février 2017
Par Amina NASRI (05)

Les ban­ques peinent à innover compte tenu de leur lour­deur de fonc­tion­nement, d’une régle­men­ta­tion tou­jours plus sévère et d’une rela­tion avec le client jugée archaïque. Les fin­techs sont plus agiles, maitrisent les nou­velles tech­nolo­gies comme la blockchain, mais peinent à trou­ver leur clien­tèle. Ces deux mon­des se rap­prochent, mais on ne peut pas encore juger de l’ef­fi­cac­ité du résultat. 

Les ban­ques doivent aujourd’hui innover pour rester en ligne avec les attentes de leurs clients et se par­er con­tre les men­aces de l’uberisation de l’économie.

Or elles peinent à le faire en rai­son de la lour­deur de leur fonc­tion­nement, des con­traintes d’une régle­men­ta­tion tou­jours plus forte, et de l’orientation de leur R&D vers la sécu­rité et le réglementaire. 

“ Les rapprochements entre banques et fintechs se sont multipliés ”

Elles ont mis du temps à voir dans les fin­techs une men­ace ou une con­cur­rence. Depuis, les rap­proche­ments entre ban­ques et fin­techs se sont multipliés. 

Un nom­bre gran­dis­sant de ban­ques voient aujourd’hui dans les fin­techs la solu­tion à leur manque d’agilité et d’adaptation aux nou­velles tech­nolo­gies et un moyen d’accompagner voire d’accélérer leur évo­lu­tion numérique. L’open inno­va­tion avec les fin­techs est une des solu­tions d’adaptation des banques. 

REPÈRES

Les fintechs sont des start-ups qui associent finance et technologie et qui se positionnent sur toute la chaîne du service financier.
En matière de financement, elles ont développé le crowdfunding, le peer to peer lending ou encore l’equity crowdfunding qui pallient certains manques de financement.
Yomoni et Advize en France, Scalable Capital, Betterment and Wealthfront développent les robots conseillers en épargne ou gestion de patrimoine. Mangopay ou Lemonpay proposent des services de monétique.

SIMPLES COOPÉRATIONS

Pour mon­tr­er qu’elles ne sont pas her­mé­tiques à l’innovation et pro­jeter ain­si une image d’une banque mod­erne et dig­i­tale, cer­taines ban­ques organ­isent des hackathons de fin­techs.

Ces opéra­tions con­sis­tent à faire tra­vailler un groupe de développeurs, de design­ers et d’employés de la banque sur des prob­lé­ma­tiques spé­ci­fiques durant une péri­ode courte de 24 heures ou 48 heures. 

L’objectif est d’aboutir à des pro­to­types d’applications ou de sites Web qui fonctionnent. 

D’autres ban­ques organ­isent des con­cours de fin­techs avec à la clé une péri­ode d’incubation de quelques mois au sein de la banque. La banque ramène ain­si les méth­odes d’agilité à l’intérieur de leurs struc­tures et de leurs équipes en espérant faire évoluer la cul­ture interne de l’entreprise.

En con­trepar­tie les start-ups béné­fi­cient d’un accom­pa­g­ne­ment dédié, du réseau des ban­ques et d’une vis­i­bil­ité accrue. On peut citer l’incubateur de BNP Paribas créé en avril 2015, WAI, avec deux espaces à Paris et à Massy. 

PRISES DE PARTICIPATION

La prise de par­tic­i­pa­tion ou rachat de fin­techs est prob­a­ble­ment le mod­èle d’open inno­va­tion le plus immé­di­at et direct. Citons le rachat en 2015 de « Leetchi la cagnotte en ligne » par Crédit Mutuel Arké­ma ou l’entrée de la Banque Postale dans le cap­i­tal de la plate­forme de crowdlend­ing Weshare­bonds pour financer indi­recte­ment des PME choisies par la start-up.

“ Passer outre les intermédiaires classiques tels que banques, notaires, cadastre ”

Il est pour­tant dif­fi­cile de juger de l’impact de ces rachats sur l’innovation interne dans les ban­ques. En effet, les start-ups rachetées ou dans lesquelles investis­sent les ban­ques restent con­finées dans les activ­ités de cap­i­tal-risque de la banque. Les béné­fices sont mesurés en ter­mes de retour sur investisse­ment et non pas par les con­séquences internes sur l’activité de la banque. 

Au mieux la banque élar­git la palette des ser­vices inno­vants pro­posés à sa clien­tèle. Mais on n’a pas vu jusqu’ici des ban­ques qui ont repen­sé pro­fondé­ment leurs busi­ness mod­els. À l’exception du crowd­fund­ing qui s’est posi­tion­né comme solu­tion de finance­ment alter­na­tive des par­ti­c­uliers et des entre­pris­es, les fin­techs n’ont attaqué les ban­ques qu’à la marge. 

PEU DE PARTENARIATS AU NIVEAU OPÉRATIONNEL ET COMMERCIAL

Les fin­techs ont besoin d’acquérir une base de clients afin d’accélérer leur développe­ment com­mer­cial et faire du chiffre d’affaires. C’est plus impor­tant pour elles que la sim­ple injec­tion de cap­i­tal. Sans clien­tèle récur­rente et un ser­vice ou pro­duit en phase avec une demande réelle et sta­ble, l’avenir de la start-up reste tou­jours incertain. 

Les ban­ques ont une base de clien­tèle large mais sont à la recherche de nou­veaux ser­vices. Sans oubli­er que les nou­velles généra­tions sont dans un sché­ma de con­som­ma­tion et d’usage dif­férent de la clien­tèle clas­sique des banques. 

Elles sont à la recherche de pro­duits financiers inno­vants, faciles d’accès et trans­par­ents, en adéqua­tion avec leurs modes de vie. 

Le mod­èle d’innovation le plus effi­cace serait un parte­nar­i­at com­mer­cial entre ban­ques et fin­techs. Les pre­mières peu­vent alors pro­pos­er de nou­veaux pro­duits ou expéri­ences à leurs clients et les sec­on­des ont accès à une base de clients prospects importante. 

L’ACTIVITÉ BANCAIRE BOUSCULÉE PAR LA BLOCKCHAIN

La blockchain est une tech­nolo­gie de stock­age et de trans­mis­sion d’informations, trans­par­ente, sécurisée, et fonc­tion­nant sans organe cen­tral de con­trôle. Elle désigne par exten­sion une base de don­nées numérique décen­tral­isée. Le bit­coin en est l’exemple d’application le plus connu. 


Le bit­coin est l’exemple d’application de la blockchain le plus con­nu. © ZAPP2PHOTO / FOTOLIA.COM

La tech­nolo­gie de la blockchain – de par la trans­parence de ses trans­ac­tions et la décen­tral­i­sa­tion de ses bases de don­nées – est une inno­va­tion majeure. Elle per­met de réalis­er des trans­ac­tions instan­ta­nées et de pass­er out­re les inter­mé­di­aires trans­ac­tion­nels clas­siques tels que ban­ques, notaires, cadas­tre. De quoi per­turber en pro­fondeur le mod­èle bancaire. 

Les plus grandes ban­ques mon­di­ales ne pou­vant ignor­er une telle men­ace préfèrent y voir une oppor­tu­nité notam­ment pour tout ce qui touche à la con­trac­tu­al­i­sa­tion. La blockchain réduira les temps et les coûts pour sceller un contrat. 

LES SERVICES INTERBANCAIRES ÉGALEMENT CONCERNÉS

L’interbancaire est égale­ment un ter­rain prop­ice à l’utilisation intel­li­gente de la blockchain comme l’a indiqué Thier­ry Labor­de, directeur général adjoint de BNP Paribas. 

Plus d’une cinquan­taine de ban­ques l’ont com­pris et ont créé un parte­nar­i­at avec la société R3 dédiée à l’innovation finan­cière en open source qui mène ce con­sor­tium de ban­ques autour de l’innovation et la blockchain en particulier. 

Un autre exem­ple d’open inno­va­tion inter­ban­caire autour de la blockchain est à citer : sept grandes ban­ques français­es ont créé en 2016 une infra­struc­ture pour exploiter l’innovation de la blockchain afin d’améliorer l’efficacité du finance­ment des PME par les marchés de cap­i­taux au niveau du post-marché (le post-marché cor­re­spond à la vie d’un titre, une fois celui-ci acheté ; il recou­vre donc les activ­ités suc­ces­sives de pas­sage par une con­trepar­tie et la ges­tion par un déposi­taire central). 

UNE EFFICACITÉ QUI RESTE À VÉRIFIER

Les fin­techs générale­ment et les start-ups basées sur la tech­nolo­gie de la blockchain en par­ti­c­uli­er ont le mérite d’avoir per­tur­bé un secteur ban­caire longtemps resté archaïque dans sa rela­tion avec le client et peu à l’écoute de l’innovation tech­nologique et des usages. 

Les ban­ques pour la plu­part ont com­pris et saisi l’opportunité que présen­tent ces start-ups pour amélior­er leur trans­for­ma­tion numérique et anticiper la dis­rup­tion de leur mod­èle économique. 

Il est par con­tre encore tôt de juger de l’efficacité des dif­férents mod­èles d’open inno­va­tion expéri­men­tés jusqu’ici entre ban­ques et fin­techs.

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