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Une nouvelle approche de la traduction

Dossier : TrajectoiresMagazine N°715 Mai 2016
Par Théo HOFFENBERG (80)
Par Hervé KABLA (84)

Qui sait que Rever­so (créée en 1986 sous le nom Softis­si­mo) a été fondée et est tou­jours dirigée par un de nos cama­rades ? Il réus­sit à damer le pion à Google, à con­quérir le monde pro­fes­sion­nel et à lancer des applications. 

Tu crées Softissimo (qui se transforme ensuite en Reverso) quinze ans après l’X. Pourquoi un tel délai entre ta sortie et ton projet de créateur d’entreprise ?

Mon par­cours n’est pas aus­si sim­ple que cela. J’ai d’abord créé une entre­prise de ser­vices, juste après l’X, puis j’ai col­laboré à deux entre­pris­es tra­vail­lant dans le secteur des nou­velles tech­nolo­gies (Lotus et Econocom). 

“ Il faudrait donner avant tout le goût des langues ”

Mais, mal­gré mon ambi­tion et un bon cock­tail de com­pé­tences générales, je rêvais de me frot­ter à la stratégie d’entreprise, à la ges­tion des ressources humaines, bref de relever de nou­veaux défis. 

Ce n’est que quinze ans après l’X que j’ai décou­vert la for­mule néces­saire pour établir un leader d’une indus­trie, le spé­cial­iste de logi­ciels et de tech­nolo­gies lin­guis­tiques puis une entre­prise leader du Web et du mobile. 

Pourquoi t’es-tu lancé dans la traduction ?

La tra­duc­tion est un prob­lème d’ordre très général. Il con­cerne des pop­u­la­tions d’utilisateurs aus­si var­iées que le grand pub­lic, les entre­pris­es, les ser­vices de ren­seigne­ment. Le but recher­ché est com­préhen­si­ble par tous, mais les méth­odes pour y arriv­er sont très complexes. 

C’est très moti­vant de pou­voir utilis­er des com­pé­tences var­iées et d’en faire un busi­ness qui con­cerne une cible très vaste et qui évolue avec les tech­nolo­gies (logi­ciel, Inter­net, mobile). 

Entre aujourd’hui et les débuts de Rever­so, beau­coup de choses ont changé de ce point de vue, et il faut sans cesse s’adapter.

À quoi ressemble ton utilisateur type ?

Il n’en existe pas, en réal­ité. Cela peut tout aus­si bien être un col­légien ou une étu­di­ante, un employé ou un cadre dans une entre­prise rel­e­vant de dif­férents types de métiers et dif­férents secteurs, un retraité, un offici­er de ren­seigne­ment, un tra­duc­teur. La diver­sité des pro­fils est étonnante. 

Tout comme les besoins opéra­tionnels, qui vont de la tra­duc­tion de doc­u­ments pro­fes­sion­nels à l’apprentissage du vocabulaire. 

Quel regard portes-tu sur l’enseignement des langues en France ?

L’enseignement des langues, en France, manque d’exigence et de méthode : il faudrait don­ner avant tout le goût des langues, par la visu­al­i­sa­tion de médias, la lec­ture, la nav­i­ga­tion sur Inter­net en langues étrangères, par exem­ple, et être beau­coup plus exigeant sur la for­ma­tion des pro­fesseurs, leur main­tien à niveau par rap­port à l’évolution de la langue, de la société et des technologies. 

Com­par­a­tive­ment à cer­tains pays européens, nous sommes vrai­ment très en retard. 

Cela se passe-t-il vraiment mieux ailleurs ?

En fait, c’est encore pire aux États-Unis ou en Angleterre, car le besoin n’est pas aus­si impor­tant que dans les pays non anglo­phones. Dans les pays anglo­phones, par­ler plusieurs langues relève du luxe ou d’une mode ; on brille en société si on par­le français, on se sent proche de ses voisins quand on par­le espag­nol. Mais l’anglais suf­fit la plu­part du temps. 

Dans les pays du nord de l’Eu­rope, c’est évidem­ment beau­coup mieux, car la moti­va­tion est encore plus forte. On a claire­ment moins de débouchés si on ne par­le que sué­dois ou norvégien, et les films ou la télévi­sion sont en ver­sion orig­i­nale sous-titrée dans ces pays. 

L’ex­cel­lence lin­guis­tique s’ac­quiert au plus jeune âge. 

Quelles sont les recettes pour réussir face à Google ?

Il n’y a pas plusieurs solu­tions. Il faut anticiper, innover, esquiver, se faire des alliés et se bat­tre sur tous les ter­rains, sans baiss­er les bras. 

“ Anticiper, innover, esquiver, se faire des alliés et se battre sur tous les terrains ”

Con­traire­ment à sa devise, Google n’ap­plique vrai­ment pas le Don’t be evil (Ne pas faire le mal) et prof­ite de sa posi­tion dom­i­nante sur le moteur de recherche pour l’é­ten­dre partout où il peut : tra­duc­tion, mais aus­si vidéo, pub­lic­ité, logi­ciels d’en­tre­prise, mobiles, etc. 

On peut par­faite­ment tir­er son épin­gle du jeu, mais ce n’est pas facile et il vaut mieux éviter la con­cur­rence frontale. 

Un autre de nos points forts est la capac­ité de per­son­nalis­er les solu­tions pour les entre­pris­es, en util­isant leurs doc­u­ments traduits, leurs glos­saires et en s’in­té­grant dans leur périmètre infor­ma­tique sécurisé. 

Où aimerais-tu voir Reverso dans dix ans ?

Idéale­ment, je voudrais accentuer notre posi­tion dom­i­nante dans le domaine très vaste des out­ils lin­guis­tiques, qui cou­vre de nom­breux sous-domaines : tra­duc­tion, appren­tis­sage, cor­rec­tion, com­préhen­sion, répons­es automa­tiques, assis­tants per­son­nels, etc. 

Les appli­ca­tions sont en réal­ité très nombreuses. 

Et, d’un point de vue entre­pre­neur­ial, tout en restant indépen­dant ou adossé à un groupe plus puissant. 

Qu’est-ce qui a changé dans le secteur des technologies entre tes débuts et aujourd’hui ?

REVERSO CONTEXT ADOPTÉ PAR QUATRE MILLIONS D’INTERNAUTES

Nous avons créé des concepts innovants comme Reverso Context, le meilleur moyen de traduire des mots et des expressions.
L’outil combine d’énormes bases de données de documents bilingues (big data) couvrant la langue parlée, les documents officiels, des algorithmes puissants et une interface agréable, pour fournir dans une vue synthétique les principales traductions et des exemples variés pour des millions de mots et d’expressions.
Reverso Context est à la fois un outil de référence, de productivité et d’éducation. Reverso Context est gratuit, son évaluation est de 4.5 sur les App Store et il a conquis plus de quatre millions d’utilisateurs en un an.

À la fois tout a changé et rien n’a changé. La tech­nolo­gie est aujour­d’hui partout, alors qu’elle était très con­fi­den­tielle à mes débuts. 

Autre­fois, lorsqu’on entendait le mot “ logi­ciel ” dans une con­ver­sa­tion, on tendait l’or­eille, c’é­tait chose rare, réservée à cer­tains milieux. Aujour­d’hui, nos enfants ne com­pren­nent pas com­ment on pou­vait vivre sans Inter­net (partout et tou­jours), sans smartphone. 

Ce qui n’a pas changé, c’est qu’il faut tou­jours con­cevoir des pro­duits utiles, sim­ples à utilis­er, fiables, qui tirent au mieux par­ti des tech­nolo­gies disponibles. 

Et ce savoir-faire est loin d’être aus­si répan­du qu’on pour­rait le penser. 

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L’open source est-il l’avenir du secteur du logiciel ?

C’est un vaste débat. L’open source ne peut pas être la seule option pour le logi­ciel. L’open source est très utile en soi, on l’u­tilise fréquem­ment et on y con­tribue, mais il ne peut pas être le seul mode de fonc­tion­nement, car on a tous envie qu’une de nos créa­tions nous rap­porte sur la durée et pas seule­ment par l’ac­tiv­ité de ser­vice associée. 

Pour dévelop­per le dig­i­tal en France et ailleurs, il faut des entre­pris­es, du busi­ness, des per­son­nes respon­s­ables qui gag­nent leur vie si ça marche, et pas seule­ment la promesse que cela con­tin­uera à nous don­ner du travail. 

Qu’est-ce que l’X t’a apporté pour ton parcours d’entrepreneur ?

Très sincère­ment, je ne sais pas si c’est l’X ou le reste de mon envi­ron­nement qui m’a le plus aidé à me lancer. Mais en tout cas, j’y ai acquis une très grande curiosité intel­lectuelle, l’en­vie de résoudre des prob­lèmes dif­fi­ciles, l’opiniâtreté, le sens du réseau et de la cama­raderie, la recherche de l’excellence. 

J’aime notre devise Pour la patrie, les sci­ences et la gloire. En ajoutant peut-être à la patrie l’humanité. 


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