Famileo sur smartphone

Éviter la fracture numérique au sein des familles

Dossier : TrajectoiresMagazine N°726 Juin/Juillet 2017
Par Thomas GUILLAUME (98)
Par Hervé KABLA (84)

Un réseau social conçu pour la famille. Les ini­tiés échangent nor­male­ment avec leurs smart­phones. Les con­tenus, textes et pho­tos, sont imprimés et dif­fusés sous forme de gazette péri­odique pour les seniors. Suc­cès assuré. 

Qu’est-ce qui t’a mené à créer Famileo ?

À vrai dire, rien ne m’y prédes­ti­nait vrai­ment. Après ma for­ma­tion à l’X puis à Stan­ford, j’ai rejoint un cab­i­net de con­seil, avant de pass­er près de dix ans dans l’univers des matières pre­mières, d’abord chez Imerys puis au sein du groupe Roullier. 

C’est lors des années passées chez ce dernier que j’ai ren­con­tré ceux qui allaient devenir mes futurs asso­ciés par la suite, en créant Famileo. 

Qu’est-ce que Famileo ?

Famileo est une appli­ca­tion sim­ple mais nova­trice, qui per­met de recon­stru­ire du lien famil­ial entre les seniors et leurs familles. 

“ Plutôt que de rapprocher, le numérique créait une véritable fracture entre générations ”

Nous sommes par­tis du con­stat que le numérique, plutôt que de rap­procher les familles, créait une véri­ta­ble « frac­ture numérique » entre les retraités au-delà d’un cer­tain âge et leur descendance. 

On ne s’écrit plus de cartes postales, on ne s’appelle pas aus­si sou­vent qu’on voudrait, l’éparpillement des familles rend les vis­ites moins fréquentes et si les réseaux soci­aux recréent de la prox­im­ité… c’est à la con­di­tion que tout le monde en soit doté, ce qui n’est pas le cas de tous les seniors. 

C’est là que Famileo intervient. 

Comment cela fonctionne-t-il ?

Les mem­bres de la famille se voient pro­pos­er une appli­ca­tion qui leur per­met de partager leur quo­ti­di­en, un peu comme sur Face­book : une pho­to prise avec un smart­phone, un com­men­taire, et c’est dif­fusé sur un mur familial. 


Les mem­bres de la famille se voient pro­pos­er une appli­ca­tion qui leur per­met de partager leur quo­ti­di­en, un peu comme sur Facebook.

C’est un réseau « enton­noir » où les mes­sages sont à des­ti­na­tion des grands-par­ents, mais tout de même partagés au sein de la famille. 

Les con­tenus pub­liés par les familles sont ensuite assem­blés au sein d’un jour­nal papi­er spé­ciale­ment conçu pour la per­son­ne âgée, imprimés puis expédiés chez elle. 

Plus besoin de smart­phone – sou­vent trop com­plexe pour les seniors les plus âgés, facile à égar­er – les seniors retrou­vent le plaisir des nou­velles au for­mat papi­er : nous les avons appelées des « gazettes », pour repren­dre le vocab­u­laire d’antan.

Ces gazettes vont con­stituer au fil du temps de véri­ta­bles albums de famille. Famileo c’est la facil­ité du numérique pour les uns et le plaisir du cour­ri­er papi­er pour les autres ! 

Qu’est-ce que cela change par rapport à un format tout numérique ?

La con­sul­ta­tion sim­pli­fiée, le con­tact du papi­er, l’archivage. C’est une véri­ta­ble révo­lu­tion dans l’univers de la com­mu­ni­ca­tion avec les seniors. 

Il faut bien com­pren­dre qu’avec le temps les liens avec les per­son­nes âgées se dis­ten­dent sou­vent, mal­gré les bonnes inten­tions de l’entourage, les rythmes de vie sont trop différents. 

Plutôt que de copi­er l’univers des réseaux soci­aux, nous nous sommes inspirés de ce qui fonc­tionne le mieux – le fil d’actualité, les likes, et avons retiré ce qui nous sem­blait inutile : les com­men­taires notam­ment, qui génèrent par­fois de la frus­tra­tion et de l’incompréhension.

Famileo est un réseau qui vise à entour­er un proche avec bien­veil­lance en respec­tant les habi­tudes de com­mu­ni­ca­tion de chacun. 

Ta société vient de démarrer,
quels sont les premiers résultats ?

La société a démar­ré à l’automne 2015. Nous total­isons aujourd’hui plus de 20 000 util­isa­teurs. La viral­ité de l’application fonc­tionne bien : dès qu’un descen­dant entend par­ler de l’application et la teste, il peut inviter ses proches, les enfants, petits-enfants, nièces, oncles, etc. 

“ Plutôt que de copier l’univers des réseaux sociaux, nous nous sommes inspirés de ce qui fonctionne le mieux ”

Un seul mem­bre est ges­tion­naire du compte, mais tous les mem­bres peu­vent inviter d’autres mem­bres. Quand on voit la joie générée par les gazettes, on a vite fait d’abonner un autre proche. Le coût de l’abonnement reste mod­ique, à par­tir de 5€/mois pour une famille. Il varie ensuite selon la fréquence de dif­fu­sion des gazettes (heb­do­madaire ou toutes les deux ou qua­tre semaines). 

Le marché poten­tiel est sig­ni­fi­catif. Il y a plus de 4 mil­lions de Français âgés de plus de 80 ans, près de 19 mil­lions en comp­tant nos voisins immé­di­ats en Europe. 

La sil­ver économie est en plein boum, et le dynamisme des groupes de ges­tion de maisons de retraite en est la preuve. 

Justement, les maisons de retraite acceptent-elles ce type d’application ?

Famileo pos­sède effec­tive­ment deux canaux de dis­tri­b­u­tion : les familles qui souscrivent un abon­nement directe­ment depuis notre site, et les maisons de retraite qui s’abonnent et pro­posent alors gra­tu­ite­ment Famileo à leurs résidents. 

Famileo sur papier : La gazette
Les con­tenus pub­liés par les familles sont assem­blés au sein de « gazettes », qui vont con­stituer au fil du temps de véri­ta­bles albums de famille.

Non seule­ment elles les acceptent, mais Famileo répond à des enjeux majeurs pour elles : bien-être des rési­dents, meilleures rela­tions avec les familles, mise en avant du dynamisme de l’établissement qui peut, via l’application, com­mu­ni­quer auprès des familles. 

Les maisons de retraite con­stituent des parte­naires impor­tants qui nous ont d’ailleurs beau­coup aidés dans la mise au point de Famileo. Nous avons déjà signé des accords avec cer­tains groupes, par­fois en mar­que blanche, et sommes ain­si présents dans plus de 650 établissements. 

Pour ces maisons, nous avons inté­gré un « mur de l’établissement », où sont dif­fusées des infor­ma­tions cette fois à des­ti­na­tion des familles, ain­si que la capac­ité de génér­er des gazettes internes à l’établissement qui peu­vent ain­si être dis­tribuées aux rési­dents n’ayant pas de con­tacts avec leurs familles. 

Quelles sont les prochaines étapes ?

Notre appli­ca­tion ne cesse d’évoluer, comme toute appli­ca­tion mobile qui se respecte d’ailleurs. Le lien entre les familles et les grands-par­ents per­met d’imaginer un large éven­tail de ser­vices qui pour­ront être dif­fusés aus­si bien à l’intention des familles que des maisons de retraite. 

Nous pour­rions même devenir une sorte d’App Store de la senior économie, tout en prenant grand soin du lien de con­fi­ance que l’on tisse avec les familles et qui est primordial. 

Envisages-tu de développer Famileo hors de France, avant que l’idée ne soit copiée ?

La con­quête des seniors européens con­stitue l’autre volet de notre développe­ment. Nous sommes déjà présents en Bel­gique et nous nous lançons en Alle­magne, grâce à un de nos clients dont le réseau s’étend sur plusieurs pays d’Europe.

En fait, nous accom­pa­gnons la crois­sance de nos clients en B2B. Nous avons un rôle à jouer dans tous les pays où les per­son­nes âgées se retrou­vent trop isolées, mal­heureuse­ment assez de tra­vail pour plusieurs vies ! 

Quelle satisfaction retires-tu d’un tel projet ?

Famileo n’a rien à voir avec ce que j’ai fait aupar­a­vant. Je ne regrette absol­u­ment pas le passé, même si ma sit­u­a­tion finan­cière était prob­a­ble­ment plus con­fort­able aupar­a­vant, comme pour nom­bre d’entrepreneurs…

Mais le plaisir de pro­pos­er une solu­tion inno­vante à un prob­lème de société qui touche de très nom­breuses per­son­nes est immense. C’est extrême­ment moti­vant de dévelop­per le pro­duit, l’équipe, de sen­tir qu’on est sur la bonne voie et de voir Famileo grandir, rem­porter des prix – nous sommes lau­réats du con­cours « La France s’engage – 2017 ». 

Et puis, il y a le retour des familles, les petits mots qu’on nous laisse, les com­men­taires des util­isa­teurs et des util­isatri­ces, sou­vent très touchants. On nous racon­te des his­toires de grands-mères en larmes à chaque fois qu’elles reçoivent leurs gazettes. 

Des larmes de bon­heur à rep­longer dans l’univers de ce qui a le plus de valeur pour elles : leur famille. 

Et si c’était à refaire ?

Arriv­er à com­bin­er inno­va­tion, nou­velles tech­nolo­gies, voca­tion sociale pour en faire une machine à bon­heur dans les familles : je rep­longe sans hésiter !
 

Poster un commentaire