Véhicule autonome avec nuTonomy sur une Zoé.

Vers une mobilité durable, sûre, efficiente et abordable

Dossier : Simulation et supercalculateursMagazine N°732 Février 2018
Par Rémi BASTIEN

Trois muta­tions per­mises par les tech­no­lo­gies numé­riques vont révo­lu­tion­ner l’u­sage de l’au­to­mo­bile, l’élec­tri­fi­ca­tion de la trac­tion, l’automatisation de la conduite et la mobi­li­té à la demande. Cela condui­ra à une mobi­li­té plus res­pec­tueuse de l’environnement et à un aban­don de la notion de pos­ses­sion de l’automobile au pro­fit d’un modèle d’usage des véhi­cules à la demande. 

Comme le fai­sait remar­quer mon émi­nent confrère de Mer­cedes, Leo­pold Miku­lic, la mobi­li­té n’est pas la consé­quence de la pros­pé­ri­té : c’est l’inverse. En ce sens, l’automobile (et plus lar­ge­ment le trans­port rou­tier) a accé­lé­ré la pros­pé­ri­té des pays indus­tria­li­sés au XXe siècle. 

Aujourd’hui, cette accé­lé­ra­tion s’est fina­le­ment trans­for­mée en « satu­ra­tion », avec de nom­breux effets néga­tifs comme la mor­ta­li­té due aux acci­dents, les impacts envi­ron­ne­men­taux (qua­li­té de l’air et effet sur le cli­mat), l’envahissement de l’espace urbain, la conges­tion, le temps per­du dans les embouteillages… 

Nos socié­tés aspirent à une mobi­li­té plus res­pec­tueuse de l’environnement et de la qua­li­té de vie. 

REPÈRES

En France, le « véhicule à pilotage automatique » fait l’objet de l’un des 34 plans de la « nouvelle France industrielle » annoncés en octobre 2013.
En 2017, un appel à projet porté par l’Ademe a été annoncé doté d’un fonds de 200 000 euros. Un programme industriel pour le véhicule connecté doit se doter d’une feuille de route avant mi- 2017, portant notamment sur la cybersécurité, la gestion des données et la normalisation des infrastructures

TROIS MUTATIONS FONDAMENTALES

Une pre­mière muta­tion concerne le sec­teur de l’énergie et donc la pro­duc­tion d’électricité. La part des éner­gies renou­ve­lables va croître et va entraî­ner le pas­sage d’une pro­duc­tion cen­tra­li­sée à un réseau de pro­duc­tions locales qui inté­gre­ra les véhi­cules élec­triques dans des smart grids qui vont néces­si­ter un pilo­tage intel­li­gent de ce sys­tème de systèmes. 


Expé­ri­men­ta­tion de véhi­cule autonome
avec nuTo­no­my sur une Zoé.

Ce pilo­tage intel­li­gent aura aus­si des consé­quences sur les modèles d’affaires et sur le coût total de pos­ses­sion et d’usage des véhi­cules élec­triques. Les acteurs du numé­rique auront un champ d’applications très vaste depuis la modé­li­sa­tion jusqu’à la fac­tu­ra­tion en pas­sant par la vali­da­tion, ou la main­te­nance pré­ven­tive, par exemple. 

La deuxième, l’automatisation de la conduite, va contri­buer à réduire for­te­ment le nombre d’accidents et va aus­si rendre pos­sible l’émergence de « robots-taxis ». 

Ce thème mobi­lise l’industrie auto­mo­bile mais aus­si de plus en plus d’acteurs liés au numé­rique comme les GAFA. Il sus­cite d’innombrables congrès et rap­ports : le génie numé­rique est d’ores et déjà for­te­ment mis à contribution. 

En effet, la mon­tée en puis­sance de l’intelligence arti­fi­cielle va per­mettre cette rup­ture majeure en lien avec une approche sys­tème de très haute sécu­ri­té et sûre­té : il s’agit de maî­tri­ser le risque à « 10-9 » en fai­sant appel, par exemple, aux méthodes formelles. 

Nous aurons éga­le­ment à maî­tri­ser des sys­tèmes de sys­tèmes puisque les véhi­cules auto­nomes dis­po­se­ront d’une grande puis­sance de trai­te­ment embar­quée, asso­ciée à une connexion avec les infra­struc­tures qui appor­te­ront les com­plé­ments de don­nées essen­tielles pour assu­rer ce très haut niveau de sûreté. 

“ Nos sociétés aspirent à une mobilité plus respectueuse de l’environnement ”

Enfin, les ser­vices de mobi­li­té à la demande vont, dans un pre­mier temps, exploi­ter la connec­ti­vi­té et l’usage des big data pour faci­li­ter le par­tage des véhicules. 

Ensuite, lorsque les « robots-taxis » seront à matu­ri­té, ces ser­vices vont chan­ger en pro­fon­deur l’accès à la mobi­li­té : l’enjeu est de dis­po­ser de la flexi­bi­li­té du taxi à un coût réduit de plus 40 %, donc beau­coup plus acces­sible et notam­ment aux per­sonnes à mobi­li­té réduite. 

Cette rup­ture peut per­mettre une muta­tion com­plète de l’usage de l’espace urbain avec une réduc­tion dras­tique du nombre de véhi­cules en cir­cu­la­tion. Là encore, le génie numé­rique sera incon­tour­nable pour assu­rer un ser­vice très réac­tif, sûr, opti­mal en tra­jets (temps, consom­ma­tion d’énergie), et très économique. 

LA TRANSITION NUMÉRIQUE AU CŒUR DES PROCESSUS DE L’AUTOMOBILE

En plus de cette muta­tion liée aux usages, la tran­si­tion numé­rique impacte en pro­fon­deur les pro­ces­sus de l’automobile. Les déve­lop­pe­ments et la vali­da­tion font appel de plus en plus à la simu­la­tion qui réduit dras­ti­que­ment le nombre de pro­to­types, com­presse les temps de déve­lop­pe­ment et amé­liore la robus­tesse et la qualité. 

Avec la Concep­tion assis­tée par ordi­na­teur dès les années 80, les pro­grès en pro­duc­ti­vi­té ont été spec­ta­cu­laires en entraî­nant une divi­sion par deux du temps de déve­lop­pe­ment, sans comp­ter l’absorption de la mon­tée en com­plexi­té des véhi­cules (normes de choc, de dépol­lu­tion et pres­ta­tions client). 

“ Assurer un service de mobilité à la demande réactif, sûr, optimal en trajets et économique ”

Avec les trois muta­tions que nous devons conduire, l’enjeu des outils et méthodes numé­riques est encore plus fort. La pro­duc­tion et la logis­tique sont éga­le­ment impac­tées par l’usine 4.0 et le poten­tiel de maî­trise des pro­ces­sus qu’apporte le numérique. 

Enfin, les modèles d’affaires sont éga­le­ment tou­chés avec la crois­sance des ser­vices liés à la mobi­li­té et au fait que le véhi­cule auto­mo­bile devient un objet connec­té par­ti­ci­pant à l’Internet des Objets. 

Toutes ces muta­tions, per­mises par la tran­si­tion numé­rique, vont donc révo­lu­tion­ner les usages où le modèle tra­di­tion­nel de pos­ses­sion de l’automobile se rédui­ra au pro­fit d’un modèle d’usage des véhi­cules à la demande, avec les impacts sur la struc­ture de nos ventes. 

LE NUMÉRIQUE AU SERVICE DE LA VALIDATION

Pour valider le véhicule autonome, il faudrait accumuler plus de 15 milliards de kilomètres. La simulation pourra éviter cette dépense de temps et d’énergie, en la réduisant à des roulages de confirmation.
Symbioz concept, le futur du véhicule électrique, autonome et connecté.
Sym­bioz concept, le futur du véhi­cule élec­trique, auto­nome et connecté.

Elles vont éga­le­ment trans­for­mer en pro­fon­deur nos métiers et la struc­ture de nos emplois. Les com­pé­tences tra­di­tion­nelles (méca­nique, embou­tis­sage, fon­de­rie, élec­tro­nique, etc.) res­te­ront indis­pen­sables, mais nous allons devoir maî­tri­ser en plus tout ce savoir-faire lié au numé­rique et com­plè­te­ment nou­veau pour notre industrie. 

Cela va de l’intelligence arti­fi­cielle, avec sa dis­ci­pline du deep lear­ning, à la cyber­sé­cu­ri­té en pas­sant par les logi­ciels cri­tiques temps réel. 

L’industrie auto­mo­bile va devoir ain­si s’ouvrir aux autres sec­teurs de l’économie et ne pour­ra plus se satis­faire de son éco­sys­tème tra­di­tion­nel consti­tué autour de la chaîne de ses fournisseurs. 

Notre enjeu vital est donc de conduire simul­ta­né­ment toutes ces muta­tions afin d’éliminer les effets néga­tifs de l’automobile pour faire appa­raître une mobi­li­té durable, sûre, abor­dable et efficiente. 

L’apport du numé­rique sera déter­mi­nant pour cette trans­for­ma­tion et ain­si, l’automobile pour­ra conti­nuer à être un moteur de pro­grès pour nos sociétés.

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