Polaroïd Prynt pour un smartphone

Transformer son smartphone en Polaroïd

Dossier : TrajectoiresMagazine N°707 Septembre 2015
Par Clément PERROT (10)
Par David ZHANG (10)
Par Hervé KABLA (84)

Comment vous est venue l’idée de Prynt ?

À l’origine, nous étions tous les deux dans le même mas­ter d’entrepreneuriat à Berke­ley et nous étions donc à l’affût de toutes les idées qui viendraient à nous. C’est donc plutôt par hasard que nous sommes tombés sur ce con­cept de coque pour smart­phone qui per­me­t­trait d’imprimer des photos. 

Nous étions séduits par le fait de con­stru­ire un pro­duit physique, grand pub­lic et lié à la pas­sion de la pho­togra­phie ; et par le fait que per­son­ne d’autre ne l’avait jamais réalisé. 

Si le con­cept de base était très sim­ple et très clair, beau­coup de choses, en par­ti­c­uli­er du côté soft­ware, se sont ajoutées par la suite pour ren­dre notre pro­duit encore plus unique. 

Quelles qualités sont nécessaires pour se lancer dans un tel projet ?

Il faut à la fois beau­coup de curiosité et énor­mé­ment d’écoute. Con­stru­ire un tel pro­duit demande de rassem­bler de nom­breuses com­pé­tences dif­férentes autour de soi (design, pro­gram­ma­tion, pro­duc­tion, etc.) et de tou­jours chercher des con­seils pour apprendre. 

“ Créer une entreprise à partir de personnalités différentes n’est pas toujours évident ”

Si créer un pro­duit élec­tron­ique grand pub­lic est exci­tant, c’est aus­si un défi de taille, parce que cela revient à dévelop­per un pro­duit physique, sa par­tie applica­tive, une chaîne de fab­ri­ca­tion, un réseau de dis­tri­b­u­tion, une mar­que et une com­mu­nauté d’utilisateurs, un ser­vice client… 

Tout cela le plus rapi­de­ment pos­si­ble et avec beau­coup de soin et d’attention.

Comment vous êtes-vous répartis les rôles ?

La répar­ti­tion s’est faite très claire­ment, dès le début : David allait se con­cen­tr­er sur le pro­duit, et Clé­ment allait gér­er la par­tie plus busi­ness. Ensuite, nous avons con­tin­ué à fonc­tion­ner de cette manière, sans jamais nous marcher sur les pieds, et les rôles se répar­tis­saient de manière assez fluide. 

Encore aujourd’hui on retrou­ve nos dif­férences de per­son­nal­ités dans notre man­age­ment et notre façon de nous organiser. 

Quelle est la recette pour parvenir dans le top 20 des projets français financés par le fonds participatif Kickstarter ?

Clément Perrot (2010) et David Zhang (2010) Le pro­duit y est pour beau­coup : il faut du jamais vu et avoir le bon fit avec la plate-forme de finance­ment que représente Kick­starter. Ensuite, cela demande aus­si beau­coup de tra­vail pour rassem­bler des jour­nal­istes, des « influ­enceurs », des sup­port­ers (appelés back­ers dans la ter­mi­nolo­gie améri­caine) avant le début de la campagne. 

Il faut aus­si être très réac­t­if et répon­dre à toutes les ques­tions que peu­vent pos­er les curieux qui décou­vrent le produit. 

Une bonne par­tie du tra­vail se fait en amont lors de la créa­tion de tous les élé­ments mar­ket­ing, inclu­ant la vidéo, les pho­tos, les descrip­tifs. C’est impor­tant d’avoir des retours sur tout cela en amont et s’assurer que tout est prêt le jour J, car il est dif­fi­cile de trou­ver le temps de tra­vailler sur ces élé­ments une fois la cam­pagne commencée. 

JOUER LA COMPLÉMENTARITÉ

Créer une entreprise à partir de personnalités différentes n’est pas toujours évident car il faut faire preuve de beaucoup d’empathie pour comprendre le raisonnement de l’autre et rester à l’écoute pour prendre le meilleur de deux mondes.
Mais c’est ce qu’il faut et je ne pense pas qu’avoir deux fondateurs aux modes de raisonnement identiques soit une bonne chose.

Qu’est-ce que vous a apporté la formation innovation-entrepreneuriat que vous avez suivie à Palaiseau ?

L’apport essen­tiel de cette for­ma­tion dirigée par Bruno Mar­tin­aud se situe au niveau des nom­breux retours que nous avons eus de la part de grands entre­pre­neurs français, sur leurs dif­férentes expériences. 

Cela nous a apporté un pre­mier aperçu de ce qui nous attendait, en ter­mes de bons et mau­vais moments dans la vie d’un entre­pre­neur ; et ces entre­pre­neurs avaient tou­jours des con­seils pour nous. Cette base est essen­tielle pour avoir le goût de l’entrepreneuriat, et savoir si c’est ce que l’on veut faire. 

Ce sont des per­son­nes comme Jean- David Blanc (fon­da­teur d’Allociné) ou Stéphane Bohbot (Lick, Exten­so Mobile) qui, par leur sim­plic­ité, leur créa­tiv­ité et leur ouver­ture d’esprit, nous ont servi de mod­èles par la suite. 

Qu’est-ce que vous a apporté le passage par Berkeley ?

Aux États-Unis et à Berke­ley notam­ment, le côté entre­pre­neur­ial est com­plète­ment dif­férent de ce qu’on voit en France. C’est beau­coup plus con­cret et pra­tique, avec des con­cepts tels que ce que l’on appelle le get out of the build­ing (lit­térale­ment « aller voir dehors »). 

On est assez peu habitué ici à aller dis­cuter avec les gens et à tester nos idées de manière sim­ple, non tech­nique. L’entrepreneuriat français va beau­coup plus s’appuyer sur un busi­ness plan et des études mar­ket­ing pour valid­er une idée, alors que, pour moi, cette étape de tests rudi­men­taires est essen­tielle pour assur­er la réus­site d’un pro­jet innovant. 

Et que vous a apporté le passage dans un « fab lab » en Chine ?
(Haxlr8r, basé à Shenzhen)

Une vision beau­coup plus indus­trielle. En arrivant en Chine, nous man­quions de com­pé­tences opéra­tionnelles, en hard­ware, man­u­fac­tur­ing et sup­ply chain et ce pas­sage en a comblé une partie. 

“ Il faut choisir un projet qui vous motive et auquel vous croyez vraiment ”

En plus, Haxlr8r nous a per­mis de pro­gress­er très rapi­de­ment par itéra­tion sur notre pro­duit et de gag­n­er énor­mé­ment de temps de con­cep­tion pour aboutir au pro­duit qui serait finale­ment commercialisé. 

Avoir à dis­po­si­tion des ingénieurs (élec­tron­ique, mécanique) dans l’accélérateur ; et pou­voir utilis­er des fab­ri­cants chi­nois pour être livré le lende­main fait gag­n­er énor­mé­ment de temps et d’argent.

Quel conseil donneriez-vous aux élèves de 2A ou 3A qui aimeraient vous imiter ?

Impression d'une photo avec PryntVis­iter une usine en Chine, voir en réal­ité ce qu’est un moule pour des injec­tions plas­tiques et com­pren­dre les coûts impliqués a été une vraie expérience. 

Avant toute chose, la con­fi­ance en soi : ne pas avoir peur, y aller et procéder par itéra­tion rapi­de­ment tant que cela ne marche pas, en fonc­tion des retours que l’on reçoit de la part des per­son­nes à qui on présente le projet. 

Il faut arriv­er rapi­de­ment à un point où l’on peut dire « cela ne marchera jamais » et arriv­er à com­pren­dre pourquoi il en est ainsi. 

Le réseau est un point impor­tant de la start-up, parce que cela per­met de recevoir des con­seils gra­tu­its dès que l’on en a besoin ; et en cela le fait d’être poly­tech­ni­cien peut aider. 

Si j’avais aus­si un con­seil plus per­son­nel, ce serait de choisir un pro­jet qui vous motive et auquel vous croyez vrai­ment. Quoi qu’il arrive, vous aurez tou­jours des obsta­cles et des prob­lèmes dans votre vie d’entrepreneur ; et se dire que l’on aime ce que l’on fait peut aider dans ces moments-là. 

Si c’était à refaire, vous changeriez quoi ?

Hon­nête­ment, nous ne chang­e­ri­ons pas grand-chose… En fait, il est encore un peu tôt pour dire ce qu’il aurait fal­lu chang­er. Nous avons cer­taine­ment fait quelques erreurs : des erreurs de recrute­ment, des choix qui nous ont fait per­dre du temps, etc. 

Mais c’est inévitable, et ces erreurs sont juste là pour témoign­er que nous avons pris des risques, avons testé de nom­breuses pistes, et élim­iné celles qui n’aboutiraient pas. 

Une fois Prynt distribué, allez-vous vous lancer dans un autre projet ?

C’est un peu tôt pour le dire. C’est telle­ment com­pliqué et risqué de dévelop­per un pro­duit élec­tron­ique grande con­som­ma­tion, que lorsque cela marche, on a envie de lever le pied et d’en prof­iter un peu.

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